Décadence

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Thomas Couture: Les Romains de la décadence, 1847

La notion de décadence est utilisée pour décrire le déclin d'une société, principalement sur le plan moral.

Enseignement[modifier]

Cours d'histoire philosophique de la pensée[modifier]

Michel Foucault, « Il faut défendre la société » — Cours au Collège de France, 1976[modifier]

Chez les Mèdes, chez les Perses, vous trouvez également une aristocratie et un peuple. Ce qui prouve à l'évidence qu'il y a eu, derrière cela, luttes, violences et guerres. Et d'ailleurs, chaque fois que l'on voit les différences entre aristocratie et peuple s'atténuer dans une société ou dans un État, on peut être sûr que l'État va entrer en décadence. La Grèce et Rome ont perdu leurs statuts, et ont même disparu comme États, dès lors que leur aristocratie est entrée en décadence. Donc, partout des inégalités, partout des violences fondant des inégalités, partout des guerres. Il n'y a pas de sociétés qui puissent tenir sans cette espèce de tension belliqueuse entre une aristocratie et une masse de peuple.
  • « Il faut défendre la société », Michel Foucault, éd. Gallimard Le Seuil, coll. « Hautes Études », 1997  (ISBN 978-2-02-023169-5), Cours du 18 février 1976, p. 138


Littérature[modifier]

Lettre[modifier]

Léon XIII, Rerum Novarum, Lettre encyclique, 1891[modifier]

À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d'où est née la société. Aussi, s'écarter de la fin, c'est aller à la mort ; y revenir, c'est reprendre vie.

  • « Rerum Novarum, Lettre encyclique de sa sainteté le pape Léon XIII », Léon XIII, Le Vatican, 1891 (lire en ligne)


Nouvelle[modifier]

Edgar Allan Poe, Nouvelles Histoires extraordinaires, 1857[modifier]

Colloque entre Monos et Una

Le cœur fatigué d'angoisses qui tiraient leur origine du désordre et de la décadence générale, je succombai à la cruelle fièvre. Après un petit nombre de jours de souffrance, après maints jours pleins de délire, de rêves et d'extases dont tu prenais l'expression pour celle de la douleur, pendant que je ne souffrais que de mon impuissance à te détromper, — après quelques jours je fus, comme tu l'as dis, pris par une léthargie sans souffle et sans mouvement, et ceux qui m'entouraient dirent que c'était la Mort.


Franz Kafka, Les Recherches d'un chien, 1922[modifier]

Certes, la science progresse ; c'est un mouvement irrésistible ; ce progrès va même en s'accélérant, il

va toujours plus vite. Mais qu'y a-t-il là qui mérite des éloges ? C'est comme si on voulait faire l'éloge de quelqu'un, parce qu'il vieillit à mesure que ses années augmentent et que, par conséquent, la mort approche toujours plus vite. C'est un processus naturel et, de surcroît, assez laid, dans

lequel je ne trouve rien à louer. Je ne vois là que décadence.


Roman[modifier]

Pierre Drieu La Rochelle, Les Chiens de paille, 1944[modifier]

La décadence, toujours la décadence... La vie est une perpétuelle décadence depuis le début.


Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre, 1939[modifier]

Il est des temps de décadence, où s'efface la forme en laquelle notre vie profonde doit s'accomplir. Arrivés dans de telles époques, nous vacillons et trébuchons comme des êtres à qui manque l'équilibre. Nous tombons de la joie obscure à la douleur obscure, le sentiment d'un manque infini nous fait voir pleins d'attraits l'avenir et le passé. Nous vivons ainsi dans des temps écoulés ou dans des utopies lointaines, cependant que l'instant s'enfuit.
  • Sur les falaises de marbre (1942), Ernst Jünger (trad. Henri Thomas), éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 2005, p. 35


Philosophie[modifier]

Friedrich Nietzsche, L’Antéchrist, 1888[modifier]

La compassion est la praxis du nihilisme. Répétons-le : cet instinct dépressif et contagieux contrarie les instincts qui visent à conserver et à valoriser la vie : tant comme multiplicateur de la misère que comme conservateur de tout misérable, il est l'instrument principal de l'aggravation de la décadence. La compassion vous gagne à la cause du néant !...


Qu'est-ce qui détruit plus rapidement que de travailler, de penser, de sentir sans nécessité intérieure, sans un choix profondément personnel, sans plaisir, comme un automate mû par le « devoir » ? C'est, tout bonnement, la recette de la décadence, et même de l'idiotie... Kant en est devenu idiot...


Le mouvement chrétien, en tant que mouvement européen, est d'emblée un mouvement rassemblant sans exclusive toute la lie, tout le rebut de l'humanité (et c'est ce rassemblement qui, par le christianisme, aspire au pouvoir). Il n'exprime pas le déclin d'une race, il est un conglomérat de formes de décadence venues de partout, qui se pressent et se cherchent.


Psychanalyse[modifier]

Carl Gustav Jung, Dialectique du Moi et de l'inconscient, 1933[modifier]

L'impossibilité ou le refus de voir l'individuel, dont on ne perçoit même plus l'existence, équivaut tout simplement à étouffer l'individu, ce qui détruit au sein d'un groupe social les éléments de différenciation. Car c'est l'individu qui est par excellence le facteur de différenciation. Les plus grandes vertus, les créations les plus sublimes, comme aussi les pires défauts et les pires atrocités, sont individuels.
Plus une communauté est nombreuse, plus la sommation des facteurs collectifs, qui est inhérente à la masse, se trouve accentué au détriment de l'individu par le jeu des préjugés conservateurs ; plus aussi l'individu se sent moralement et spirituellement anéanti, ce qui tarit ainsi la seule source possible du progrès moral et spirituel d'une société [...]. Tout ce qu'il y a d'individuel en lui est condamné à sombrer, c'est-à-dire à être refoulé. De ce fait tous les facteurs individuels deviendront inconscients, tomberont dans l'inconscient ; ils y végéteront et s'y transformeront selon une loi implacable en une manière de négativité systématique, de malignité principielle, qui se manifestent en impulsions destructrices et en comportements anarchiques. Ces tendances deviendront agissantes sur le plan social, chez l'individu tout d'abord : certains sujets à tempérament prophétique deviennent l'instrument de crimes à sensation (meurtre de roi, etc.) ; mais elles se font sentir chez tous de façon indirecte, à l'arrière-plan, par une décadence morale inévitable de la société.

  • Dialectique du Moi et de l'inconscient (1933), Carl Gustav Jung (trad. Docteur Roland Cahen), éd. Gallimard, coll. « Folio Essais », 1964  (ISBN 2-07-032372-2), partie I. Des effets de l'inconscient sur le conscient, chap. II. Les conséquences de l'assimilation de l'inconscient, p. 73


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