Lucrèce

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Lucrèce (en latin Titus Lucretius Carus) est philosophe de la nature et poète latin du Ier siècle av. J.-C., (v. -98 - v. -55).

De natura rerum (De la nature)[modifier]

De rerum natura, 1570
Il est doux, quand sur la grande mer les vents soulèvent les flots, d'assister de la terre aux rudes épreuves d'autrui : non que la souffrance de personne nous soit un plaisir si grand ; mais voir à quels maux on échappe soi-même est chose douce.
  • (la)

    Suave, mari magno turbantibus aequora ventis
    e terra magnum alterius spectare laborem;
    non quia vexari quemquamst iucunda voluptas,
    sed quibus ipse malis careas quia cernere suavest.

  • De la nature, Lucrèce (trad. Alfred Ernout), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1990 (reprise de la traduction parue aux Belles Lettres en 1984-85), p. 61, vers 1


Mais rien n'est plus doux que d'occuper solidement les hauts lieux fortifiés par la science des sages, régions sereines d'où l'on peut abaisser ses regards sur les autres hommes, les voir errer de toutes parts, et chercher au hasard le chemin de la vie, rivaliser de génie, se disputer la gloire de la naissance, nuit et jour s'efforcer, par un labeur sans égal, de s'élever au comble des richesses ou de s'emparer du pouvoir. O misérable esprits des hommes, ô cœurs aveugles ! Dans quelles ténèbres et dans quels dangers s'écoule ce peu d'instants qu'est la vie ! Ne voyez-vous pas ce que crie la nature ? Réclame-t-elle autre chose que pour le corps l'absence de douleur, et pour l'esprit un sentiment de bien-être, dépourvu d'inquiétude et de crainte ?
  • (la)

    Sed nihil dulcius est, bene quam munita tenere
    edita doctrina sapientum templa serena,
    despicere unde queas alios passimque videre
    errare atque viam palantis quaerere vitae,
    certare ingenio, contendere nobilitate,
    noctes atque dies niti praestante labore
    ad summas emergere opes rerumque potiri.
    O miseras hominum mentes, o pectora caeca !
    Qualibus in tenebris vitae quantisque periclis
    degitur hoc aevi quod cumquest ! Nonne videre
    nihil aliud sibi naturam latrare, nisi ut qui
    corpore seiunctus dolor absit, mente fruatur
    iucundo sensu cura semota metuque ?

  • De la nature, Lucrèce (trad. Alfred Ernout), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1990 (reprise de la traduction parue aux Belles Lettres en 1984-85), p. 61, vers 6-19


Regarde, en effet, quand la lumière du soleil fait pénétrer un faisceau de rayons dans l'obscurité de nos maisons : tu verras une multitude de corpuscules s'entremêler de mille façons à travers le vide dans le faisceau lumineux et, comme soldats d'une guerre éternelle, se livrer combats et batailles, guerroyer par escadrons, sans trêve, et ne cessant fiévreusement de se joindre et de se séparer : tu peux te figurer par là ce qu'est l'agitation sans fin des atomes dans le grand vide, autant toutefois qu'une petite chose peut en représenter une grande et nous guider sur la trace de sa connaissance.
Une autre raison d'observer attentivement les corpuscules qui s'agitent en désordre dans un rayon de soleil, c'est qu'une telle agitation nous révèle les mouvements invisibles auxquels sont entraînés les éléments de la matière. Car souvent tu verras beaucoup de ces poussières, sous l'impulsion sans doute de chocs imperceptibles, changer de direction, rebrousser chemin, tantôt à droite, tantôt à gauche et dans tous les sens. Or, leur mobilité tient évidemment à celle de leurs principes.
Les atomes, en effet, se meuvent les premiers par eux-mêmes ; c'est ensuite au tour des plus petits corps composés : les plus proches des atomes par leur force ; sous leurs chocs invisibles ils s'ébranlent, se mettent en marche et eux-mêmes en viennent à déplacer des corps plus importants. C'est ainsi que part des atomes le mouvement, qui s'élève toujours et parvient peu à peu à nos sens, pour parvenir enfin à la poussière que nous apercevons dans les rayons du soleil, alors même que les chocs qui la mettent en mouvement nous demeurent invisibles.
  • (la) Contemplator enim, cum solis lumina cumque
    (115) inserti fundunt radii per opaca domorum:
    multa minuta modis multis per inane uidebis
    corpora misceri radiorum lumine in ipso,
    et uelut aeterno certamine proelia, pugnas
    edere turmatim certantia, nec dare pausam,
    (120) conciliis et discidiis exercita crebris;
    conicere ut possis ex hoc, primordia rerum
    quale sit in magno iactari semper inani,
    dumtaxat, rerum magnarum parva potest res
    exemplare dare et vestigia notitiai.
    (125) Hoc etiam magis haec animum te aduertere par est
    corpora quae in solis radiis turbare uidentur,
    quod tales turbae motus quoque materiai
    significant clandestinos caecosque subesse.
    Multa uidebis enim plagis ibi percita caecis
    (130) commutare uiam retroque repulsa reuerti,
    nunc huc, nunc illuc, in cunctas undique partis.
    Silicet hic a principiis est omnibus error.
    Prima mouentur enim per se primordia rerum,
    inde ea quae parvo sunt corpora conciliatu
    (135) et quasi proxima sunt ad viris principiorum,
    ictibus illorum caecis inpulsa cientur,
    ipsaque proporro paulo maiora lacessunt.
    Sic a principiis ascendit motus, et exit
    paulatim nostros ad sensus, ut moueantur
    (140) illa quoque, in solis quae lumine cernere quimus
    nec quibus id faciant plagis apparet aperte.


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