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Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce
Partir. Mon cœur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce
pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps
pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps
erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies. »}}
erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies. »}}

Version du 30 octobre 2007 à 17:01

Aimé Fernand David Césaire (né à Basse-Pointe, Martinique, le 26 juin 1913) est un poète et homme politique français. Son œuvre a été marquée par la défense de ses racines africaines.

Cahier d'un retour au pays natal

Partir. Mon cœur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps

erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies. »


Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui

s'affaissent au cachot du désespoir.


Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car

un homme qui crie n'est pas un ours qui danse...


Ce qui est à moi
c'est un homme seul emprisonné de
blanc
c'est un homme seul qui défie les cris
blancs de la mort blanche
(TOUSSAINT, TOUSSAINT
LOUVERTURE)
c'est un homme qui fascine l'éper-
vier blanc de la mort blanche
c'est un homme seul dans la mer infé-
conde de sable blanc


Nous vomissure de négrier
Nous vénerie des Calebars
quoi ? Se boucher les oreilles ?
Nous, soûlés à crever de roulis, de risées, de brume humée !


C'était un nègre dégingandé sans rythme ni mesure.
Un nègre dont les yeux roulaient une lassitude sanguinolente.
Un nègre sans pudeur et ses orteils ricanaient de façon assez puante au fond de la tanière entrebaillée de ses souliers.
La misère, on ne pouvait pas dire, s'était donné un mal fou pour l'achever.


Un nègre comique et laid et des femmes derrière moi ricanaient en le regardant.
    Il était COMIQUE ET LAID,
    COMIQUE ET LAID pour sûr.
    J'arborai un grand sourire complice...
    Ma lâcheté retrouvée !


Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mlensonges et gonflés de pestilences,
car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie
que nous n'avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde
mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer
et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence et de la force


Moi, laminaire...

La justice écoute aux portes de la beauté.


Il faut savoir traverser toute l'épaisseur du sang
avec trois voyelles de fraîche eau
anxieusement renouvelée par l'oriflamme
toujours à reconsidérer d'une chaîne à briser


j'ai eu je garde j'ai
            le libre choix de mes ennemis


Une saison au Congo

Mokutu : Le temps que j'annonce est le temps du sang rouge,
la liberté est pour demain.


La revendication : Les voitures, c'est pour les ministres et les députés. Les femmes, c'est pour les députés et les ministres. Le père Noël, c'est pour les nègres à monocle. Que le père Noël soit pour tous ! Voilà comme nous l'entendons, nous, i'ndépendance du Congo !


Mokutu à ces ministres : tous les révolutionnaires sont des naïfs : ils ont confiance en l'homme ! (il rit) Quelle tare !
  • Une saison au Congo (1966), Aimé Césaire, éd. Seuil, coll. « Théâtre », 1966  (ISBN 2-02-001321-5), acte III, scène 7, p. 130


Discours sur le colonialisme

    Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.
    Une civilisation qui choisit de fermes les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
    Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.


Colonisation : tête de pont dans une civilisation de la barbarie d'où, à n'importe quel moment, peut déboucher la négation pure et simple de la civilisation.


La colonisation, je le répète, déshumaniste l'homme même le plus civilisé ; [...] l'action coloniale, l'entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l'homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l'entreprend ; [...] le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête.


Et alors, me dira-t-on, le vrai problème est de revenir [aux vieilles civilisations nègres]. Non, je le répète. Nous ne sommes pas les hommes du « ou ceci ou cela ». pour nous, le problème n'est pas d'une utopique et stérile tentative de réduplication, mais d'un dépassement. Ce n'est pas une société morte que nous voulons faire revivre. Nous laissons cela aux amateurs d'exotisme. Ce n'est pas davantage la société coloniale actuelle que nous voulons prolonger, la plus carne qui ait jamais pourri sous le soleil. C'est une société nouvelle qu'il nous faut, avec l'aide de tous nos frères esclaves, créer, riche de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité antique.


Car enfin, il faut en prendre son parti et se dire une fois pour toutes, que la bourgeoisie est condamnée à être chaque jour plus hargneuse, plus ouvertement féroce, plus dénuée de pudeur, plus sommairement barbare ; que c'est une loi implacable que toute classe décadente se voit transformée en réceptacle où affluent toutes les eaux sales de l'histoire ; que c'est une loi universelle que toute classe, avant de disparaître, doit préalablement se déshonorer complètement, omnilatéralement, et que c'est la tête enfouie sous le fumier que les sociétés moribondes poussent leur chant du cygne.


  Les moralistes n'y peuvent rien.
  La bourgeoisie, en tant que classe, est condamnée, qu'on le veuille ou non, à prendre en charge toute la barbarie de l'histoire, les tortures du Moyen-Âge comme l'inquisition, la raison d'État comme le bellicisme, le racisme comme l'esclavagisme, bref, tout ce contre quoi elle a protesté et en termes inoubliables, du temps que, classe à l'attaque, elle incarnait le progrès humain.
  Les moralistes n'y peuvent rien. Il y a une loi de déshumanisation progressivee en vertu de quoi désormais, à l'ordre du jour de la bourgeoisie, il n'y a, il ne peut y avoir maintenance que la violence, la corruption et la barbarie.


Ce qui, en net, veut dire que le salut de l'Europe n'est pas l'affaire d'une révolution dans les méthodes ; que c'est l'affaire de la Révolution ; celle qui, à l'étroite tyrannie d'une bourgeoisie déshumanisée, substituera, en attendant la société sans classes, la prépondérance de la seule classe qui ait encore mission universelle, car dans sa chair elle souffre de tous les maux de l'histoire, de tous les maux universels : le prolétariat.


Interviews

Nous avons publié, par exemple, des articles sur la traite des noirs. [...] Comme, dans ces pays, classe et race se confondent - les prolétaires, c'est les nègres et l'oppresseur, c'est les blancs -, inévitablement, on décrivait un malaise social. C'était révolutionnaire. Le fait simplement d'affirmer qu'on est nègre, comme je l'affirmais, était un postulat révolutionnaire.


Le mouvement de la négritude est un mouvement qui affirme la solidarité des noirs que j'appelais de la Diaspora avec le monde africain. Vous savez, on n'est pas impunément noir, et que l'on soit français - de culture française - ou que l'on soit de culture américaine, il y a un fait essentiel : à savoir que l'on est noir, et que cela compte. Voilà la négritude.


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