« Culture » : différence entre les versions
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=== Alain Finkielkraut === |
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[[Charles Péguy|Péguy]] eut le pressentiment de ce qui advient : la culture, à son tour, cède la place. Mais il ignorait qu'elle serait détrônée par son homonyme. Ni vu ni connu, le cultivé disparaît dans le culturel, et ce qui caractérise cette nouvelle entité, c'est sa faculté d'englobement. Ne laissant pas la plus petite miette à la nature, elle couvre le champ entier de l'expérience, elle avale goulûment l'intégralité du phénomène humain. Elle n'a pas d'autre, pas de dehors assignable ; aucune pratique ne lui est extérieure ou antérieure, aucune manière d'être ou de se sentir ne se situe en deçà ou au-delà de sa juridiction. On n'accède pas à la culture par l'entremise des livres et des maîtres, on y baigne, on est dedans, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse. Il n'est rien qui ne mérite cette appellation naguère encore très contrôlée. L'inculture a disparu d'un coup de baguette savante : «Tout est culturel», proclament les sciences sociales, et l'on en déduit que tout rap est musique, tout dégueulis verbal, poésie, toute obscénité, fleur du mal. Nul ne pouvait naguère sortir de la mare où il végétait en se tirant lui-même les cheveux comme le baron de Munchhausen. Aujourd'hui, la culture, c'est la mare. Plus besoin donc de s'élever pour s'en approcher. Le mot qui indiquait à la fois le chemin et la destination canonise désormais le déjà-là, quelque forme qu'il prenne. |
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{{Réf Livre |
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|titre=À la première personne |
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|auteur=[[Alain Finkielkraut]] |
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|éditeur=Gallimard |
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|ISBN=978-2-07-285319-7 |
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===[[Jean d'Ormesson]]=== |
===[[Jean d'Ormesson]]=== |
Version du 1 novembre 2019 à 14:39
La culture dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances (définition donnée par l'UNESCO).
Culture intellectuelle
Robertson Davies
- Le monde des merveilles (1975), Robertson Davies (trad. Lisa Rosenbaum), éd. Payot, 1999, p. 321
Pierre Desproges
- Les réquisitoires du tribunal des flagrants délires, Pierre Desproges, éd. Seuil, 2003 (ISBN 2-02-062847-3), Réquisitoire contre Josiane Balasko le 26 octobre 1982, p. 171-172
Alain Finkielkraut
Péguy eut le pressentiment de ce qui advient : la culture, à son tour, cède la place. Mais il ignorait qu'elle serait détrônée par son homonyme. Ni vu ni connu, le cultivé disparaît dans le culturel, et ce qui caractérise cette nouvelle entité, c'est sa faculté d'englobement. Ne laissant pas la plus petite miette à la nature, elle couvre le champ entier de l'expérience, elle avale goulûment l'intégralité du phénomène humain. Elle n'a pas d'autre, pas de dehors assignable ; aucune pratique ne lui est extérieure ou antérieure, aucune manière d'être ou de se sentir ne se situe en deçà ou au-delà de sa juridiction. On n'accède pas à la culture par l'entremise des livres et des maîtres, on y baigne, on est dedans, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse. Il n'est rien qui ne mérite cette appellation naguère encore très contrôlée. L'inculture a disparu d'un coup de baguette savante : «Tout est culturel», proclament les sciences sociales, et l'on en déduit que tout rap est musique, tout dégueulis verbal, poésie, toute obscénité, fleur du mal. Nul ne pouvait naguère sortir de la mare où il végétait en se tirant lui-même les cheveux comme le baron de Munchhausen. Aujourd'hui, la culture, c'est la mare. Plus besoin donc de s'élever pour s'en approcher. Le mot qui indiquait à la fois le chemin et la destination canonise désormais le déjà-là, quelque forme qu'il prenne.
Paul Guth
- Lettre ouverte aux futurs illettrés, Paul Guth, éd. Albin Michel, 1980, p. 80
Mary Esther Harding
- Les Mystères de la femme (1953), Mary Esther Harding (trad. Eveline Mahyère), éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2001 (ISBN 2-228-89431-1), chap. I. Les mythes et l'esprit moderne, p. 37
André Malraux
- La politique, la culture : discours, articles, entretiens (1925-1975), André Malraux, Janine Mossuz-Lavau, éd. Gallimard, coll. « Folio/Essais », 1996, p. 323
- Citation choisie pour le 21 mars 2017.
Jean d'Ormesson
- (fr) La culture, depuis peu, s'écrit avec un « C » majuscule - ce n'est pas bon signe - on parle de Culture et Communication - on pense Culture et Propagande. La culture est devenue un grand mot et une préoccupation médiocre. Quand j'entends parler de culture, je sors mon carnet de chèques. Disons d'abord - ce sera plus court - ce que la culture n'est pas. Elle n'est pas un devoir. Elle n'est pas une obligation. Elle n'est pas un dîner de gala. Elle n'a rien à voir avec le gouvernement. Elle serait plus proche d'une façon d'être, d'un coup de foudre, d'une fête toujours inachevée du bonheur - ou peut-être de joie. Elle est une longue patience et une tâche infinie - comme l'amour chez Proust, elle est l'espace et le temps rendus sensibles au cœur. Elle est plus orgueilleuse et plus modeste que tout ce que l'on pourrait imaginer.
- « La culture vivante », Jean d'Ormesson, Grandes signatures, nº 1, avril 2008, p. 7
- Citation choisie pour le 3 janvier 2009.