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<poem>Je rêvai que j'assommais un jeune homme et que je traitais le mourant de songe. L'homme s'en montrait indigné, n'était-il pas sur le point de rendre l'âme ? Tant pis pour lui, répliquai-je, puisqu'il ne saurait plus évoluer !
<poem>Je rêvai que j'assommais un jeune homme et que je traitais le mourant de songe. L'homme s'en montrait indigné, n'était-il pas sur le point de rendre l'âme ? Tant pis pour lui, répliquai-je, puisqu'il ne saurait plus évoluer !
Malheur à la bourgeoisie engraissée !
Malheur à la bourgeoisie engraissée !</poem>
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Version du 8 juillet 2017 à 13:35

Portrait par Alexander Eliasberg en 1911

Paul Klee est un peintre allemand né le 18 décembre 1879 à Münchenbuchsee et mort le 29 juin 1940 dans un hôpital de Muralto dans le canton du Tessin.

Citations propres à l'auteur

Journal, 1957

Berne, 27-4-1898. « Asseyez-vous et tâchez de l'apprendre mieux », disait-on en mathématiques, mais voilà qui est passé et oublié. Pour l'instant se déroule au-dehors le premier orage de l'année. Un frais vent d'ouest m'effleure qui m'apporte une odeur de thym et des sifflets de chemin de fer, et se joue dans mes cheveux humides. La nature m'aime donc ! Consolatrice et prometteuse.
Pareil jour, je demeure invulnérable. Souriant à l'extérieur, riant plus libre au-dedans, une chanson dans l'âme, un gazouillant sifflotement sur les lèvres, je me jette sur le lit, me détends, préserve la sommeillante force.
Vers l'ouest, vers le nord, où que le sort m'entraîne : je crois !

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 25


Beaucoup de paradoxes, Nietzsche dans l'air. Exaltation de soi et des impulsions. Impulsion sexuelle sans borne. Nouvelle éthique.
La force exige une expression de force. L'obscénité en tant qu'expression de l'abondance et de la fécondité.

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 34


Rétrospective. Inspection de moi-même ; j'ai dit résolument adieu à la littérature, à la musique. Abandonné mes efforts pour acquérir une expérience sexuelle raffinée dans ce cas particulier. Je pense à peine aux arts plastiques, je ne veux travailler qu'à ma personnalité.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 42


Toi, fleur de feu, nuitamment tu me tiens lieu de soleil, et tu luis profondément dans le cœur secret de l'homme. Février 1900.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 42


Ta tête je la veux tenir dans les mains, ferme, de mes deux mains, et jamais elle ne devra se détourner de moi. Car dans la douleur croîtrait ma force jusqu'à la ruine.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 42


La tempête me clarifie et la vie me captive.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 43


Je me sentais à l'aise dans la « tempête de la vie ». Un peu de calme eût été plus sain, mais impossible.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 43


Il est aisé de qualifier d'aberrante une volonté ruinée.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 48


Au-dedans de moi ondule, certainement, une mer, parce que je suis sensible. L'irrémédiable, c'est de ressentir de telle sorte qu'à toutes les extémités règne la tempête et nulle part un maître qui commande au chaos.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 52


La tempête forme des cuisses puissantes dans le valonnement de la vague et dans la nuque du chêne. On croirait à un combat entre la branche et l'écume. Ce n'est pourtant que jeu. La divinité y assiste et préserve les limites. Dans un sens analogue j'ai contemplé un orage accompagné de grêle. 27 juillet 1901.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 67


Rire à se pâmer. Et je le dis à nouveau, ce rire élève au-dessus de l'animal.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal I, p. 68


Hautes maisons (jusqu'à treize étages), ruelles des plus étroites dans la vieille ville. Fraîches et malodorantes. Le soir, occupées par une foule compacte. De jour, davantage par la jeunesse. Langes flottant dans l'air comme autant de drapeaux dans une ville pavoisée. Cordes tendues entre les fenêtres qui se font face. De jour, soleil ardent sur ces ruelles, reflets métalliques de la mer là en bas, afflux de lumière de toute part ; éblouissements. A quoi s'ajoutent les résonances d'un orgue de Barbarie, pittoresque métier. Tout autour, ronde d'enfants. Le théâtre dans la réalité. Emporté avec moi assez de mélancolie par-delà le Saint-Gothard. L'influence de Dionysos sur moi n'est pas si simple.
  • À propos de Gênes.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal II, p. 74


7-12-1901. Deux lettres et deux cartes sont en route vers le Nord qui ne supposent point de réponse. Je veux savoir rompus la plupart des fils qui me rattachent à naguère. Peut-être est-ce là l'indice d'une commençante maîtrise. Je me sépare de ceux qui m'avaient enseigné. Ingratitude de l'élève ! Que me reste-t-il alors ? Rien que l'avenir. Je m'y apprête avec violence. Je n'avais pas beaucoup d'amis et dès que j'exige de l'amitié intellectuelle je suis à peu près abandonné.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal II, p. 85


Les singes au parc de la villa Borghèse ! Adorable. Je n'en excepte que le babouin, trop au-dessous du zéro moral. L'existence la plus sinistre qui se puisse voir jamais. Et nonobstant terriblement humain. Plus affreux que le diable même, mais étroitement apparenté à lui, engendré par lui d'une sorcière rabougrie. O forêt vierge du Nord. O Blocksberg. Il n'est pas à sa place dans Rome.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal II, p. 106


Une petite bête gélatineuse et angélique (d'une transparence psychique) nageait d'un mouvement continu sur le dos, faisant tournoyer sans cesse un petit, subtil pavillon.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal II, p. 116


O intarissable pêle-mêle, les déplacements de plans, le soleil sanglant, la profonde mer semée de voiles inclinées. Matière sur matière, au point qu'on pourrait s'y dissoudre. Être homme, être antique, naïf et rien, pourtant heureux.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal II, p. 117


Au-dedans de moi, quel changement ! J'ai vu vivre un morceau d'histoire. Le Forum et le Vatican m'ont adressé la parole. L'humanisme me veut prendre à la gorge, il est davantage qu'une torturante invention des professeurs de lycée. Il me faut le suivre, ne serait-ce qu'un bout de chemin. Adieu Elfes, fée de la lune, étoiles filantes.
Ma bonne étoile ne se lève point, ne se lèvera pas avant longtemps. Estime-toi heureux, Barbare ! Pourvu que tu puisses penser ! Ulysse a vu la mer et moi j'ai vu Rome. Exorcisé ! Voici l'Europe néoclassique.

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 145


Les fées sont toujours d'un certain âge et quelque peu sévères. Car autrement il faudrait bien que dans un conte quelconque, lors des trois souhaits habituels, il arrivât que le garçon, pour une fois, souhaitât posséder la fée.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 147


Faux-fuyants : dans les cas de vouloir sans pouvoir.
Dire que les Dieux ne vous l'accordent pas.
Nier prudemment et bravement Mme Vénus.
Croire le Christ encore vivant.
Faux-fuyants.

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 147


Le dimanche après-midi berbois est toujours si accablant ! On aimerait se réjouir, comme dans le Faust, lorsque après une semaine de travail tout le monde va s'ébattre en plein air. Mais ces pauvres gens sont pour la plupart si laids qu'on les déteste plus qu'on ne les plaint. Et ce n'est point là de la simple et saine laideur.
Déjà sur les traits délicats des enfants se peut discerner la trace du péché originel. Et ce mauvais goût mi-paysan, mi-petit-bourgeois ! Là où subsisterait un quelconque charme physique, il se voit éliminé sans pitié par le vêtement. Ainsi, des souliers, Dieu sait que les pieds d'enfants grandissent vite, et les nouveaux souliers, justement les souliers du dimanche, sont prévus en conséquence. Les bas témoignent d'une absence totale du sens des couleurs. Tout cela parle un jargon si affreux, d'un esprit si borné. Seules les couleurs ne parlent pas, elles jurent.
Et la voiture d'enfant, archibondée, quelle misère ! La mère enceinte, pâle, méchante et tenace !
Vers le soir l'alcool commence à faire sentir son effet. Le crétinisme gagne en importance, tous deux agissent de façon significative.
Le tout sans élan, le moindre geste entravé. Les gens se gênent parce que, dans le fond, ils ne sont du tout aussi mauvais qu'ils en ont l'air. D'une manière quelconque le dimanche tout entier a un sourire gêné.
Qu'il est difficile, tout de même, de se faire un sentiment social !

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 162


Travail plutôt préparatoire. Un Oiseau Phénix. Un homme brandissant les poings serrés, en forme de ramure. Et un autre à qui pousse une denture de fauve dans un moment de passion.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 189


Dans l'antique Rome on disposait des vomitifs sur la table. De nos jours on les fait s'asseoir en habit et cravate blanche, joliment répartis parmi les invités. Je l'ai constaté moi-même à la société des beaux-arts.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 200


Adieu, vie que je mène présentement. Tu ne saurais durer telle qu'elle. Noble tu fus. Pur esprit. Paisible et solitaire. Adieu honneur, dès le premier pas fait en public.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 215


Il y eut un instant où le cœur sembla s'arrêter. Mon cerveau était embrumé. Point de pensée autre que le cœur qui s'était arrêté. Ne tombe point, Moi ! Avec toi s'écroulerait le monde, et c'est par toi que vit Beethoven !
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 217


Je rêvai que j'assommais un jeune homme et que je traitais le mourant de songe. L'homme s'en montrait indigné, n'était-il pas sur le point de rendre l'âme ? Tant pis pour lui, répliquai-je, puisqu'il ne saurait plus évoluer !
Malheur à la bourgeoisie engraissée !

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 217


La couleur me possède. Point n'est besoin de chercher à la saisir. Elle me possède, je le sais. Voilà le sens du moment heureux : la couleur et moi sommes un. Je suis peintre.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 309


Les grands animaux sont endeuillés à table et ne sont point rassasiés. Mais les mouches rusées grimpent sur les montagnes de pain et habitent la cité de beurre.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 325


Animal humain, horloge de sang.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 326


Au commencement la masculine spécialité du choc énergique. Ensuite la charnelle croissance de l'œuf. Ou encore : le fulgurant éclair, puis la nuée pluvieuse.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 327


La clarté de mon âme cristalline, parfois, était çà et là trouble de souffle, mes tours, parfois enveloppées de nuées.
  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 327


Un chantier d'inauthentiques éléments pour la formation d'impurs cristaux.
Voilà où nous en sommes.
Mais ensuite : il arriva que saigna la druse. Je pensais en mourir, guerre et mort. Puis-je donc mourir, moi cristal ?
Moi cristal.

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 329


J'ai porté cette guerre en moi depuis longtemps. C'est pourquoi elle ne me concerne pas intérieurement.
Pour me dégager de mes ruines, il me fallait avoir des ailes. Et je volai. Dans ce monde effondré je ne m'attarde plus guère autrement qu'en souvenir, à la manière dont on pense parfois au passé.
Ainsi je suis « abstrait avec des souvenirs ».

  • Journal (1957), Paul Klee, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1959  (ISBN 978-2-246-27913-6), Journal III, p. 329


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