« Œil » : différence entre les versions

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{{Citation|citation=Tu habites une forêt de verre. La mer aux lèvres minces, la mer de cinq heures du matin, scintille aux portes de ton sommeil. Lorsque tes yeux l'effleurent, son dos métallique brille comme un cimetière de cuirasses.}}
{{Citation|citation=Tu habites une forêt de verre. La mer aux lèvres minces, la mer de cinq heures du matin, scintille aux portes de ton sommeil. Lorsque tes yeux l'effleurent, son dos métallique brille comme un cimetière de cuirasses.}}
{{Réf Livre|titre=Liberté sur parole|auteur=[[Octavio Paz]]|traducteur=Jean-Clarence Lambert|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1966|année d'origine=1958|page=97|partie=II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950)|section=Aigle ou Soleil ? — ''Grand monde''|ISBN=2-07-031789-7}}
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''' Vallée de Mexico '''
{{Citation|citation=Je suis l'espace pur, le champ de bataille. A travers mon corps, je vois mon autre corps. La pierre scintille. Le soleil m'arrache les yeux. Dans mes orbites vides, deux astres lissent leurs plumes rouges. Splendeur, spirale d'ailes, bec féroce. Et maintenant, mes yeux chantent. Penche-toi sur leur chant, jette-toi dans le bûcher.}}
{{Réf Livre|titre=Liberté sur parole|auteur=[[Octavio Paz]]|traducteur=Jean-Clarence Lambert|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1966|année d'origine=1958|page=107|partie=II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950)|section=Aigle ou Soleil ? — ''Vallée de Mexico''|ISBN=2-07-031789-7}}


''' Couche de fougères '''
''' Couche de fougères '''

Version du 22 mai 2014 à 20:08

L'œil (pluriel les yeux) est l'organe de la vision, c'est-à-dire l'organe des sens qui permet à un animal d'analyser la lumière pour pouvoir interagir avec son environnement.

Littérature

Critique

Louis Aragon, Livres Choisis — Rose des vents (Philippe Soupault), 1919

Pour se retrouver lui-même, il lui suffisait de revenir s'accouder aux marbres des cafés dont on suit d'un oeil idiot les veines jolîment entrelacées. Là, les mots entendus prennent des inflexions subites et on lit par désoeuvrement les inscriptions de porcelaine des vitres qui tournent le dos.
  • Cette citation provient d'une revue dirigée par André Breton. Elle expose les propos critiques de Louis Aragon dans une rubrique qu'il lui avait été attribuée dans ce numéro. Il avait choisi notamment de commenter le recueil Rose des Vents de Philippe Soupault dont il est question ici.


Louis Aragon, Livres Choisis — La jeune sculpture française (André Salmon), 1919

Les yeux des statues demeurent lettre morte pour les enfants qui ne peuvent pas comprendre cette grande douceur minérale, ni la caresse des formes humaines. C'est dans un hôtel de la rue des Martyrs, jalousies baissées, que le jeune homme apprit de source autorisée le sens de la vie et le charme de la sculpture. On n'avait pas convié les génies pour la circonstance. Le plus grand sculpteur des temps modernes sortit de l'aventure dans un dénûment complet.
Qu'André Salmon prenne garde : on brûle encore les prophètes.

  • Cette citation provient d'une revue dirigée par André Breton. Elle expose les propos critiques de Louis Aragon dans une rubrique qu'il lui avait été attribuée dans ce numéro. Il avait choisi notamment de commenter l'essai d'André Salmon La jeune sculpture française dont il est question ici.
  • « Livres Choisis, André Salmon La jeune sculpture française », Louis Aragon, Littérature, nº 8, Octobre 1919, p. 29


André Pieyre de Mandiargues, Le Musée noir, 1924

Introduction

Allez en forêt saisir le midi frémissant des clairières ; découvrez le minuit des carrières à l'abandon, des plages retirées où s'enjolivent de lune les menues alluvions déposées par le flot ; explorez les gares, les passages, les souterrains des grandes villes, les maisons closes comme des confitures de velours en pots de miroir, les salles de jeu, les foires à la brocante, les théâtre vieillis ; parcourez les gorges des torrents polies et dures telles que des chevaux cabrés, les grottes, les chemins de planches jetés aux marécages ; tant de choses qu'à moins de les voir en aveugle on doit regarder jusqu'à se brûler ou se crever les yeux, et tous les ricanements des bonshommes, toutes les ordonnances de leurs clergés ou de leurs polices, ne pourront plus rien contre l'innocence farouche d'un univers enfin déchaîné.


René Crevel, La Période des sommeils, 1932

Ainsi puis-je me rappeler que Desnos avait les yeux exorbités. Deux huîtres dans leur coquille qui reflétaient, dans leur passivité glauque et rauque, le mouvement de la mer. Au bord, au commencement, de sa mer, il y avait une plage, de sable le jour, de chair la nuit. Sur la lande près de la plage, dans un verger trop fleuri, une fille s’était laissée choir à terre et m’avait demandé de passer l’après-midi entier à lui presser des géraniums entre les seins.
  • « La Période des sommeils », René Crevel, This Quarter vol. 5, nº 1, Septembre 1932, p. 1


Écrit intime

Anaïs Nin, Henry et June — Les cahiers secrets, 1986

Décembre (1931)

Elle me dit, tout en me fixant : « Je croyais que vos yeux étaient bleus. Ils sont étranges et beaux — gris et or, avec ces longs cils noirs. »
  • Henry et June — Les cahiers secrets (1986), Anaïs Nin (trad. Béatrice Commengé), éd. Stock, 2007  (ISBN 978-2-234-05990-0), Décembre (1931), p. 30

Anne Calife, Paul et le Chat — Mercure de France, 2004

Il a des yeux, cet enfant ! » dit-on de Paul. D’un bleu éclatant certes, sans que je parvienne réellement à définir ce qui différencie l’œil de Paul de celui d’un adulte. Grâce ces heures d’observation, j’ai compris finalement le « Il a des yeux, cet enfant ! » : la brillance, le renvoi de la lumière.

Occupant déjà sa taille adulte, l’iris de Paul est immense, entouré de deux anneaux bleus, l’un contre l’axe noir de la pupille, l’autre contre le blanc de l’œil. Entre eux, convergent les rayons de l’iris qui accrochent la lumière de façon différente, y créant une sorte de fluide bleuté remplaçant les mots.

La sclérotique, ce blanc de l’œil presque bleu, capte toute source lumineuse, la projetant dans la pupille en rectangles blancs. De près, la tache lumineuse se trouve être la croisée d’une fenêtre ou la masse dodue d’un cumulus… Miroirs ronds, les cornées neuves de Paul reflètent le Printemps telle une caméra.
  • Paul et le Chat, Anne Calife, éd. Mercure de France, réedition Menthol House, 2004  (ISBN 978-2-7152-2482-6[à vérifier : ISBN invalide]), p. 30


Essai

Choderlos de Laclos

en vain la nature vous aura accordé de beaux yeux, si votre âme est froide, si votre esprit est vide
  • Traité sur l'éducation des femmes précédé (1903), Choderlos de Laclos, éd. Pocket, coll. « Agora », 2009  (ISBN 978-2-266-18855-5), partie Des femmes et de leur éducation, chap. XII. De la parure, p. 103


Nouvelle

Gérard de Nerval, Les Filles du feu, 1834

Jemmy

C'était d'abord une fraîche, miss irlandaise, portant le nom sonore de Jemmy O'Dougherty, ronde et fraîche jeune fille, ayant une gracieuse figure de lutin, des joues bien roses, un cou de cygne, des yeux d'un bleu grisâtre, dont certains regards faisaient mal, enfin un petit nez tant soit peu aquilin, qui faisait supposer à celle à qui il appartenait une certaine dose de sagacité et aussi d'asurance et d'inflexibilité irlandaises, dont son future époux devait attendre quelque signification en bien ou en mal.
  • Les Filles du feu (1834), Gérard de Nerval, éd. Maxi-Livres, coll. « Maxi-Poche Classiques Français », 1997  (ISBN 2-8771-4348-1), partie Jemmy, I. — Comment Jacques Toffel et Jemmy O'Dougherty tirèrent à la fois deux épis rouges de maïs, p. 157


Vladimir Nabokov, Le Mot, 1923

Je vis ses yeux profonds, fixes et adamantins sous les arcades impétueuses de ses sourcils.
  • « Le Mot », Vladimir Nabokov (trad. Bernard Kreise), Le Magazine Littéraire, nº 495, Mars 2010, p. 11


André Pieyre de Mandiargues, Le Musée noir, 1924

Le tombeau d'Aubrey Beardsley

L'un des derniers à entrer au bassin fut le vidame des Moulineaux, provoqué en combat singulier par Rhéa d'Antony qui mit son point d'honneur à ne le terrasser que d'oeillades, grâce au seul appui d'un miroir à main qu'elle faisait aller sans cesse au-dessus et à côté de son visage très pâle, pour en rabattre sur l'ennemi les expressions sévères avec tous les feux inexorables de ses prunelles couleur d'aile de martinet.


Poésie

Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926

Dans la danse

Petite table enfantine,
il y a des femmes dont les yeux sont comme des morceaux de sucre.

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Mourir ne pas mourir, Dans la danse, p. 59


Absence

Dans mes yeux grands ouverts le soleil fait les joints,
O jardin de mes yeux !

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Absence — II, p. 92


La courbe de tes yeux

La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur.
  • Capitale de la douleur (1926), Paul Éluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie/Gallimard », 1997, p. 139


Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

  • Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000  (ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926, p. 151


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Pierres éparses — Leçon de choses

Animation
Sur l'étagère
entre un musicien Tang et une jarre de Oaxaca,
incandescent et vivace
avec des yeux de papier d'argent qui pétillent
le petit crâne en sucre
nous regarde aller et venir.

  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie I. CONDITION DE NUAGE (1939-1955), Pierres éparses — Leçon de choses, p. 37


Pierre de soleil

[...] vêtue de la couleur de mes désirs
comme ma pensée tu vas nue,
je vais par tes yeux comme dans l'eau,
les tigres boivent du rêve à ces yeux,
le colibri se brûle à ces flammes.

  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Benjamin Péret), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie IV. PIERRE DE SOLEIL (1957), p. 162


Joyce Mansour, Le Désir du désir sans fin, 1963

Je sais que sous le pont
Tes yeux fous se sont noyés
Notre-Dame entrebâille ses savantes cuisses gothiques
Plus puissantes et plus fières
Qu'échafauds et belladones
Elles enferment ton roux visage.

  • « Le désir du désir sans fin », Joyce Mansour, La Brèche, nº 5, Octobre 1963, p. 6


Joyce Mansour, Funéraire comme une attente à vie, 1964

Il est un roi qui ne connaît aucune défaite
Je crève ses yeux
Deux doigts dans l'angle de la douleur suprême.

  • « Funéraire comme une attente à vie », Joyce Mansour, La Brèche, nº 7, Décembre 1964, p. 78


Sayd Bahodine Majrouh, Le suicide et le chant, 1988

Mon amant préfère les yeux couleur de ciel
Et je ne sais où changer les miens couleur de nuit.


Prose poétique

Novalis, Hymne à la nuit, 1800

Je sens en moi une grande fatigue, mon pélerinage jusqu’au saint tombeau a été long et pénible ; mais celui qui a une fois goûté la boisson salutaire que l’homme sensuel ne peut connaître, celui qui s’est assis aux limites du monde, et qui a porté les yeux dans la nouvelle contrée, dans le domaine de la nuit, celui-là ne retournera plus au milieu des passions qui occupent les hommes, dans la terre où la lumière ramène toujours l’inquiétude. Il se bâtit sa demeure à lui, sa demeure où la paix habite, où il garde ses désirs et son amour, et d’où il élève ses regards en haut jusqu’à ce que la dernière heure sonne pour lui.
  • « Hymne à la nuit », Novalis, Nouvelle revue germanique, nº 14, 1833, p. 235


Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris, 1869

L'horloge

Pour moi, si je me penche vers la belle Féline, la si bien nommée, qui est à la fois l'honneur de son sexe, l'orgueil de mon coeur et le parfum de mon esprit, que ce soit la nuit, que ce soit le jour, dans la pleine lumière ou dans l'ombre opaque, au fond de ses yeux adorables je vois toujours l'heure distinctement, toujours la même, une heure vaste, solennelle, grande comme l'espace, sans division de minutes ni de secondes, — une heure immobile qui n'est pas marquée sur les horloges, et cependant légère comme un soupir, rapide comme un coup d'oeil.


André Breton/Philippe Soupault, Les Champs Magnétiques, 1919

Je suis menacé (que ne disent-ils pas ?) d'un rose vif, d'une pluie continuelle ou d'un faux pas sur mes bonds. Ils regardent mes yeux comme des vers luisants s'il fait nuit ou bien ils font quelques pas en moi du côté de l'ombre.


Robert Desnos, Pénalités de l'enfer, 1922

Je marche dans le chemin des forêts vierges tracé par la bordure du trottoir. Ce serait un crime que de piétiner ces ombres silencieuses, capables, au surplus, de mauvais desseins. Le Courrier de Lyon a volé mes cantiques aux lames du parquet sur lesquelles je nage voluptueusement vers des terres inconnues. Au moment suprême où je me noie je ferme à demi les yeux, les traits de mon visage descendent vers mon nombril. Je ressemble alors à ce petit gros Monsieur qui porte une lanterne en guise de nom.
  • « Pénalités de l'enfer », Robert Desnos, Littérature Nouvelle Série, nº 4, Septembre 1922, p. 10


Robert Desnos, Deuil pour deuil, 1924

Quelques jours après, à la terrasse d'un café, je buvais de l'alcool tout en observant de l'oeil droit une femme blanche et rose comme la reine des banquises et du gauche une femme bleu de Prusse, aux yeux brillants, aux lèvres blanches en glace de Venise, qui lisait une lettre écrite sur papier garance.


André Breton, Poisson soluble, 1924

La jolie aurore du soir me précédait, les yeux au ciel de mes yeux sans se retourner.


Il ne me reste plus qu'à fermer les yeux si je ne veux pas accorder mon attention, machinale et par suite si défavorable, au Grand Eveil de l'Univers.


On dispose d'une grande variété de crimes passionnels indéfiniment capables d'émouvoir les Amis de la Variante. C'est le nom que nous nous donnons parfois, les yeux dans les yeux, à la fin d'une de ces après-midi où nous ne trouvons plus rien à nous partager.


Et toi, bandit, bandit, ah tu me tues, bandit de l'eau qui effeuilles tes couteaux dans mes yeux, tu n'as donc pitié de rien, eau rayonnante, eau lustrale que je chéris !


Assez de crocodiles là-bas, assez de dents de crocodile sur les cuirasses de guerriers samouraïs, assez de jets d'encre enfin, et des renégats à oeil de cassis, à cheveux de poule !


Loin de m'abriter les yeux de mon avant-bras, j'étais occupé à nouer de mes lèvres un bouquet de serments que deux jours plus tard je voulais trahir.


Journée audacieuse et fière qui n'a pas à compter sur l'indulgence de la terre et qui finira bien par lier sa gerbe d'étoiles comme les autres quand les petits enfants rentreront, l'oeil en bandoulière, par les chemins du hasard. Nous reparlons de cette journée entre haut et bas, dans les cours royales, dans les imprimeries. Nous en reparlerons pour nous en taire.


Nous fîmes l'amour longtemps, à la façon des craquements qui se produisent dans les meubles. Nous fîmes l'amour comme le soleil bat, comme les cercueils ferment, comme le silence appelle, comme la nuit brille. Et dans nos yeux qui n'étaient jamais ouverts en même temps ne se débattaient rien que nos sorts les plus purs.


Sur une aiguille de chemin de fer j'ai vu se poser l'oiseau splendide du sabotage et dans la fixité des plaies qui sont encore des yeux passer la froide obstination du sang qui est un regard irrésistible.


L'ongle était fait d'une lumière si fine que nul oeil pu tout à fait l'endurer ; il laissait derrière lui un sillage de sang en vrille comme une coquille de murex adorable.


Paul Éluard, Capitale de la douleur, 1926

Sous la menace rouge

Elle est comme une grande voiture de blé et ses mains germent et nous tirent la langue. Les routes qu'elle traîne derrière elle sont ses animaux domestiques et ses pas majestueux leur ferment les yeux.
  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Sous la menace rouge, p. 99


L'as de trèfle

Ce sont ses yeux qui la ramènent dans mes songes. Presque immobile, à l'aventure.
  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, L'as de trèfle, p. 101


Dans la brume

Un jour, ils en seront las, un jour ils seront en colère, aiguilles de feu, masques de poix et de moutarde, et la femme se lèvera, avec des mains dangereuses, avec des yeux de perdition, avec un corps dévasté, rayonnant à toute heure.

Et le soleil refleurira, comme le mimosa.

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Dans la brume, p. 125


Louis Aragon, Le Paysan de Paris, 1926

Me voici dans l'excellence du destin. L'air est sauvage, et brûle aux yeux. Il faut que l'évènement tourne à ma folie. Je sais contre la raison que ma folie a pour elle un pouvoir irrépressible, qui est au-dessus de l'humain. Ombre ou tourbillon c'est tout comme : la nuit ne reprend pas ses vaisseaux.
  • Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000  (ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, Louis Aragon, Le Paysan de Paris, 1926, p. 163


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927

Quand il sortit, au crépuscule, la chanson des fontaines publiques peuplait les rues de sirènes imaginaires. Elles s’enlaçaient, tournaient et se traînaient jusqu’aux pieds du corsaire. Muettes, elles imploraient du conquérant la chanson qui les rendrait aux limbes maritimes, mais lui, le gosier sec, ne troubla pas de sa voix les rues et les murs sonores car ses yeux lucides, plus lucides que les yeux de la réalité, discernaient par-delà le désert et les régions habitées l’ombre de la robe de celle que j’aime et à laquelle je n’ai pas cessé de penser depuis que ma plume, animée quoique partie du mouvement propre à l’ensemble, vole dans le ciel blafard du papier.


René Char, Fureur et mystère, 1948

Vivre avec de tels hommes

On tuait de si près que le monde s'est voulu meilleur. Brumaire de mon âme jamais escaladé, qui fait feu dans la bergerie déserte ? Ce n'est plus la volonté elliptique de la scrupuleuse solitude. Aile double des cris d'un million de crimes se levant soudain dans des yeux jadis négligents, montrez-nous vos desseins et cette large abdication du remords !
  • Fureur et mystère (1948), René Char, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1962  (ISBN 2-07-030065-X), partie SEULS DEMEURENT (1938-1944), Vivre avec de tels hommes, p. 45


Partage formel

Ce dont le poète souffre le plus dans ses rapports avec le monde, c'est du manque de justice interne. La vitre-cloaque de Caliban derrière laquelle les yeux tout-puissants et sensibles d'Ariel s'irritent.
  • Fureur et mystère (1948), René Char, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1962  (ISBN 2-07-030065-X), partie SEULS DEMEURENT (1938-1944), Partage formel, p. 65


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Issue

Dans un ciel d'intérieur d'oeil, nous déployons nos ailes, aigle bicéphale, comète à la queue de diamant et de plainte. Brûle, candélabre à huit bras, arbre vivant qui chante, racines enlacées, branches entretissées, cime où crient des oiseaux de corail et de braise.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Issue, p. 85


Grand monde

Tu habites une forêt de verre. La mer aux lèvres minces, la mer de cinq heures du matin, scintille aux portes de ton sommeil. Lorsque tes yeux l'effleurent, son dos métallique brille comme un cimetière de cuirasses.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Grand monde, p. 97


Couche de fougères

Mes yeux te tiennent suspendue comme la lune la marée embrasée. A tes pieds l'écume égorgée chante le chant de la nuit qui commence.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Couche de fougères, p. 108


L'assiégé

De mon oeil naît un oiseau, la vigne s'enroule à ma cheville, il y a une ruche à l'intérieur de mon oreille droite ; je mûris, je tombe avec un bruit mat de fruit, la lumière me picore, je me lève avec le vent, j'écarte les feuilles obstinées. Des armées d'ailes traversent l'espace. Non, je ne cède pas. Je n'en ai pas encore fini avec moi.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — L'assiégé, p. 109


Joyce Mansour, Dolman le maléfique, 1961

Avant le lever du jour Dolman arrachait ses yeux de leurs orbites et, tels des oiseaux de proie, ils s'élançaient vers l'inconnu. Indiscrets, destructeurs, tout ce qu'ils touchaient malicieusement du bec ou de l'aile leur appartenait pleinement pendant un long moment de paralysie ; ainsi Dolman connaissait la douleur aiguë ressentie par le vieil arbre secoué par le vent, il savait comment trouver le point sensible des rochers arthritiques et, chose incroyable, il éprouvait, rien qu'en la regardant, la douce sensation de velours que ressent une cuisse féminine quand sa compagne la caresse en marchant.
  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 46


Plus tard, quelque vingt ans plus tard, Dolman découvrit le sexe. Tout d'abord il s'occupa uniquement de la connaissance de son corps à l'aide d'un microscope et d'une équerre, puis, moins timide, il se consacra aux fillettes qui osaient le dévisager avec cet air de sous-entendu, ces yeux mouillés, ces demi-sourires qu'on leur connaît. Il opérait à distance.
De son regard scintillant il perçait les formes rondelettes, souillait les claires tuniques, caressait les plaies et cela aussi longtemps que le supportaient ses nerfs, sans procéder au moindre échange de sang, sans même se soucier de l'ablation de l'hymen, jusqu'à ce que sa victime s'égare totalement, tremble devant lui et se convulse, nue, avide de se laisser dévorer par ces yeux infatigables.

  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 48


Récit de voyage

Guy de Maupassant, La Vie Errante , 1890

La Côte italienne

[...] plus on est grisé, plus on est conquis par la séduction de ce voyage dans une forêt d’œuvres d’art, plus on se sent aussi envahi par un bizarre sentiment de malaise qui se mêle bientôt à la joie de voir. Il provient de l’étonnant contraste de la foule moderne si banale, si ignorante de ce qu’elle regarde avec les lieux qu’elle habite. On sent que l’âme délicate, hautaine et raffinée du vieux peuple disparu qui couvrit ce sol de chefs-d’œuvre, n’agite plus les têtes à chapeaux ronds couleur chocolat, n’anime point les yeux indifférents, n’exalte plus les désirs vulgaires de cette population sans rêves.
  • La Vie errante, Guy de Maupassant, éd. P. Ollendorff, 1890, La Côte italienne, p. 47


Roman

Marie d'Agoult, Nélida, 1886

— Et pourquoi voulez-vous que je m'irrite de ce qui se fait, se dit et se pense, là où je ne me soucie pas d'être ? dit Ewald à Guermann dans une discussion souvent renouvelée depuis la soirée de la taverne. Que m'importe à moi, je vous prie, cette espèce de prison dorée que vous appelez le monde, quand je possède de droit divin la création tout entière, avec tout ce qu'elle renferme de visible à mon oeil et d'appréciable à mon intelligence ?


Gabriele D'Annunzio, Le Feu, 1900

Elle souffrait une peine bien connue, à entendre ces belles paroles couler des lèvres de son ami avec une spontanéité qui les démontrait sincères [...]. C’était comme si elle perdait le sentiment de sa vie propre et qu’elle se trouvât transportée dans une sorte de vie fictive, intense et hallucinante, où sa respiration devenait difficile. Attirée dans cette atmosphère aussi ardente que le foyer d’une forge, elle se sentait capable de toutes les transfigurations qu’il plairait à cet animateur d’opérer sur elle pour satisfaire son continuel besoin de beauté et de poésie. Elle comprenait que, dans cet esprit génial, son image était de même nature que celle de la Saison défunte, enfermée sous l’enveloppe de verre, évidente jusqu’à paraître tangible. Et elle fut assaillie par l’envie puérile de se pencher vers les yeux du poète comme vers un miroir, pour y contempler son visage véritable.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 8


La Foscarina regarda la rieuse avec étonnement, car elle l’avait oubliée ; et cette femme, assise là sur ce banc de pierre jauni par les lichens, avec ces mains tordues, avec cette scintillation d’or et d’ivoire entre les lèvres minces, avec ces petits yeux glauques sous les paupières flasques, avec cette voix enrouée et ce rire clair, la fit penser à une de ces vieilles fées palmipèdes qui vont par la forêt suivies d’un crapaud obéissant.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. II. L'empire du silence, p. 733


Renée Dunan, La Culotte en jersey de soi, 1923

Autour d'une table aux pieds sveltes, surchargée de flacons polychromes, des sièges aux formes disparates étaient habités par de beaux corps. Huit femmes variant la grâce et les certitudes de séduire :
Ly, obstinée en des regards possessifs ;
Idèle, affaissée comme une favorite et portant une inquiétude en ses yeux glauques ;
Kate, trop mince et garçonnière, avec un col courbe et des pupilles traînantes ;
Hérodiade, masque tourmenté et acide, jambes repliées et doigts frémissants ;
Yva, sombre et combative, le poil couleur de houille et déjà semblable à une Idole aux sclérotiques immuables.
D'autres encore...
Et trois hommes venus de terres lointaines au rendez-vous lointainement promis...


Colette, Le Blé en herbe, 1923

Mme Dalleray ne semblait pas l'attendre et lisait. Mais l'ombre étudiée du salon, la table presque invisible d'où montaient les odeurs de la pêche tardive, du melon rouge de Chypre coupé en croissants d'astre et du café noir versé sur la glace pilée le renseignèrent.
Mme Dalleray laissa son livre et lui tendit une main sans se lever. Il voyait dans l'ombre la robe blanche, la main blanche : les yeux noirs, isolés dans leur halo de bistre, bougeaient avec une lenteur inaccoutumée.
Peut-être que vous dormiez, dit Phil, en se forçant à une obligeance mondaine.
Non... Certainement non. Il fait chaud ? Vous avez faim ?
Je ne sais pas...
Il soupira, sincèrement indécis, pris, dès l'entrée à Ker-Anna, d'une sorte de soif, et d'une sensibilité aux odeurs comestibles qui eût ressemblé à l'appétit si une anxiété sans nom n'eût en même temps serré sa gorge. Son hôtesse le servit pourtant, et il huma, sur une petite pelle d'argent, la chair rouge du melon poudré de sucre imprégnée d'un alcool léger, à goût d'anis.

  • Le Blé en herbe (1923), Colette, éd. Flammarion, 2004  (ISBN 2-08-06-8641-1[à vérifier : ISBN invalide]), p. 68


André Breton, L'Amour fou, 1937

Les « beau comme » de Lautréamont constituent le manifeste même de la poésie convulsive. Les grand yeux clairs, aube ou aubier, crosse de fougère, rhum ou colchique, les plus beaux yeux de musées et de la vie à leur approche comme les fleurs éclatent s'ouvrent pour ne plus voir, sur toutes les branches de l'air. Ces yeux, qui n'expriment plus que sans nuance l'extase, la fureur, l'effroi, ce sont les yeux d'Isis (« Et l'ardeur d'autrefois... »), les yeux des femmes données aux lions, les yeux de Justine et de Juliette, ceux de Matilde de Lewis, ceux de plusieurs visages de Gustave Moreau, de certaines des têtes de cire les plus modernes.


Comment ne pas espérer faire surgir à volonté la bête aux yeux de prodiges, comment supporter l'idée que, parfois pour longtemps, elle ne peut être forcée dans sa retraite ? C'est toute la question des appâts. Ainsi, pour faire apparaître une femme, me suis-je vu ouvrir une porte, la fermer, la rouvrir, – quand j'avais constaté que c'était insuffisant glisser une lame dans un livre choisi au hasard, après avoir postulé que telle ligne de la page de gauche ou de droite devait me renseigner d'une manière plus ou moins indirecte sur ses dispositions, me confirmer sa venue imminente ou sa non-venue, – puis recommencer à déplacer les objets, chercher les uns par rapport aux autres à leur faire occuper des positions insolites, etc. Cette femme ne venait pas toujours mais alors il me semble que cela m'aidait à comprendre pourquoi elle ne viendrait pas, il me semble que j'acceptais mieux qu'elle ne vînt pas.


C'est tout au fond du jour ou de la nuit, n'importe, quelque chose comme l'immense vestibule de l'amour physique tel qu'on souhaiterait le faire sans s'y reprendre jamais. Les rideaux tirés, les barreaux tordus, les yeux caressants de félins ponctuant seuls d'éclairs le ciel. Le délire de la présence absolue. Comment ne pas se surprendre à vouloir aimer ainsi, au sein de la nature réconciliée ? Elles sont pourtant là les interdictions, les sonneries d'alarme, elles sont toutes prêtes à entrer en branle, les cloches de neige du datura au cas où nous nous aviserions de mettre cette barrière infranchissable entre les autres et nous.


toi dont j'ai pressenti sans en avoir jamais rencontré de semblables les yeux d'aubier.


Mais quelle est donc cette herbe d'énigme, tour à tour celle du boisement et du déboisement total, ce feuillage du mimosa de tes yeux ? Le bruit court, plus léger qu'une onde sur elle, que c'est la sensitive.


André Pieyre de Mandiargues, La Marge, 1967

D'un geste (car il est plus sûr de ses mouvements que de ses mots, en ce pays étranger), il écarte l'enfant et presse le pas pour se tenir à la hauteur d'une jeune femme qui va dans la même direction que lui, le long du mur opposé. Musclée, les cheveux coupés presque aussi court que ceux d'un homme et décolorés jusqu'au ton de la paille, elle revient probablement de la plage, si elle porte sous le bras une serviette roulée qui pourrait bien contenir un maillot humide qui aurait contenu son corps. Le soleil a rougi son visage que nul fard n'accentue, ses épaules qui sortent largement d'une étroite robe blanche. Ses pieds, dans des sandales de cuir beige, sont nus ; l'une de ses chevilles, la gauche, est écorchée ; les ongles de ses orteils n'ont que des traces de vernis. Par l'allure et par le maintien elle n'a rien d'une femme galante, mais ses grands yeux marron ont lancé sur Sigismond un regard leste (« furtif », se dit-il qu'aurait dit le pédant cousin), et dans la main qui vient de repousser l'enfant aux annuaires il lui semble qu'il sent la rondeur robuste de l'épaule de celle-là. Après avoir dépassé l'Inter Club Bar, cependant, elle entre dans la pension Toledo, et elle ne s'est pas retournée vers le suiveur, qui sait qu'il ne fut pas inaperçu. Quelques instants il reste devant la pension (de mauvaise apparence), l'oeil au guet des volets clos ; or son espoir est déçu de voir une fenêtre s'ouvrir et une figure se pencher pour lui sourire ou se moquer de lui.



Que le bleu du ciel puisse être à ce point blessant pour les yeux, que l'air à la première heure de l'après-midi puisse être pénible aux bronches comme une lampée de thé chaud au larynx, il faut sortir d'une réserve d'art ombreuse et fraîche pour en faire l'expérience.


Dominique Fernandez, Porporino ou les mystères de Naples, 1974

— Vois-tu, mon petit, nous avons appris du mouvement encyclopédique français ainsi que de l'idéologie franc-maçonne le grand thème de la rationalité de l'univers et du pouvoir transformateur de l'oeuvre humaine éclairée par la lumière de la raison. Néanmoins, comment nous le dissimuler ? tout va de travers à Naples, avec une régularité et une obstination qui infligent à cette confiance un démenti permanent. L'adversité errante qui flotte sur la ville et s'amuse à bafouer systématiquement les efforts des hommes de bonne volonté se concentre dans l'oeil torve du jettatore. Nous avons besoin du jettatore, comprends-tu ? Nous avons besoin de mettre un nom sur cette force occulte et maligne qui ruine chaque jour nos espoirs.
  • Porporino ou les mystères de Naples (1974), Dominique Fernandez, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1974  (ISBN 978-2-246-01243-6), partie III « Naples », Castrapolis, p. 348


Médias

Presse

René Daumal, Le Grand Jeu, n°4 (non paru), 1932

Ce qui jaillira de ce beau massacre pourrait bien être plus réel et tangible qu'on le croit, une statue du vide qui se met en marche, bloc de lumière pleine. Une lumière inconnue trouera les fronts, ouvrant un nouvel oeil mortel, une lumière unique, celle qui signifie : « non ! »
  • Il est ici question des conséquences d'une poésie révolutionnaire mise en exergue notamment par les surréalistes.
  • Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000  (ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, René Daumal, Le Grand Jeu, n°4 (non paru), 1932, p. 171


Philosophie

Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves, 1942

L'oeil véritable de la terre, c'est l'eau. Dans nos yeux, c'est l'eau qui rêve. Nos yeux ne sont-ils pas « cette flaque inexplorée de lumière liquide que Dieu a mise au fond de nous-mêmes » ? [Claudel, L'Oiseau noir dans le Soleil levant].
  • L'eau et les rêves — Essai sur l'imagination de la matière (1942), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1993  (ISBN 978-2-253-06100-7), partie V, chap. I Les eaux claires, les eaux printanières et les eaux courantes, les conditions objectives du narcissisme, les eaux amoureuses, p. 39


Psychologie

Paul-Claude Racamier, Les Schizophrènes, 1980

Préambule et divertimento

Persée part chez la Gorgone. Encore lui faut-il savoir le chemin. Sur le conseil d'Athéna il s'en alla demander l'adresse des Gorgones à leurs trois autres soeurs, les Grées. Et dès lors apparaît le thème du regard, car pour obtenir ces renseignements, Persée dérobe aux vieilles Grées l'unique oeil qu'elles se partagaient à elles trois.
Persée ne part pas non plus sans armes : des Nymphes il reçoit le casque d'Hadès, qui rend invisible ; d'Hermès il reçoit des sandales ailées et une serpe ; d'Athéna enfin il reçoit un bouclier de peau poli comme un miroir, et un conseil : celui de ne regarder Méduse que dans ce miroir.
Après un vol sans histoire, Persée trouva enfin Méduse. Il la voit dans le miroir qui réfléchit — qui réfléchit : au lieu de se laisser piéger par les paradoxes médusants, Persée réfléchit sur le paradoxe, utilisant à cet effet l'instrument confié par la déesse de l'intelligence. Dès cet instant-là, Méduse est perdue, son pouvoir est annulé : la voilà qui dort. Alors il lui coupe le cou.

  • Les Schizophrènes (1980), Paul-Claude Racamier, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite bibliothèque Payot », 2001  (ISBN 978-2-228-89427-2), partie Préambule et divertimento, Persée en paradoxie, p. 33


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