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{{Réf Livre|titre=Le Feu|auteur=[[Gabriele D'Annunzio]]|éditeur=La Revue de Paris|Traducteur=Georges Hérelle|année=1900|page=9|chapitre=I. L'épiphanie du feu}}
{{Réf Livre|titre=Le Feu|auteur=[[Gabriele D'Annunzio]]|éditeur=La Revue de Paris|Traducteur=Georges Hérelle|année=1900|page=9|chapitre=I. L'épiphanie du feu}}



{{Citation|citation=Vous-même, Perdita, ne vous plaisez-vous pas à cultiver dans votre jardin ce grenadier, ce bel arbuste « effrénien », pour me voir fleurir et fructifier chaque été ? Une de vos lettres, vraiment ailée comme une messagère divine, me décrivait la cérémonie gracieuse où vous l’avez orné de colliers, le jour même où vous reçûtes le premier exemplaire de ''Perséphone''. Donc, pour vous et pour ceux qui m’aiment, j’ai véritablement renouvelé un mythe ancien lorsque, d’une manière idéale, je me suis assimilé à une forme de la Nature éternelle. C’est pourquoi, quand je serai mort (et puisse la nature m’accorder de me manifester tout entier dans mon œuvre avant que je meure !), mes disciples m’honoreront sous l’espèce de cet arbuste ; et, dans l’acuité de la feuille, dans la flamme de la fleur et dans le trésor interne du fruit couronné, ils voudront reconnaître certaines qualités de mon art ; et, par cette feuille, par cette fleur et par ce fruit, comme par autant d’enseignements posthumes du maître, leurs esprits, dans les œuvres mêmes, seront amenés à cette acuité, à cette flamme et à cette opulence enclose.}}
{{Réf Livre|titre=Le Feu|auteur=[[Gabriele D'Annunzio]]|éditeur=La Revue de Paris|Traducteur=Georges Hérelle|année=1900|page=13|chapitre=I. L'épiphanie du feu}}


{{Citation|citation=Vous découvrez maintenant, Perdita, ce qui fait la réelle bienfaisance du signe. Moi-même, par affinité, je suis amené à me développer conformément au génie magnifique de la plante en laquelle il m’a plu de figurer mes aspirations vers une vie riche et ardente. Cette image végétale de moi-même suffit a m’assurer que mes énergies se déploient toujours selon la nature pour atteindre naturellement la fin qui leur est assignée. « ''Natura cosi mi dispone''. — Ainsi Nature me dispose », telle est la vincienne épigraphe que je plaçai au frontispice de mon premier livre. Eh bien, le grenadier fleurissant et fructifiant me répète continuellement cette simple parole. Nous n’obéissons qu’aux lois gravées dans notre substance ; et, par ce moyen, nous demeurons intacts au milieu de dissolutions sans nombre, dans une unité et dans une plénitude qui font notre joie. Il n’existe nul désaccord entre mon art et ma vie.}}
{{Citation|citation=Vous découvrez maintenant, Perdita, ce qui fait la réelle bienfaisance du signe. Moi-même, par affinité, je suis amené à me développer conformément au génie magnifique de la plante en laquelle il m’a plu de figurer mes aspirations vers une vie riche et ardente. Cette image végétale de moi-même suffit a m’assurer que mes énergies se déploient toujours selon la nature pour atteindre naturellement la fin qui leur est assignée. « ''Natura cosi mi dispone''. — Ainsi Nature me dispose », telle est la vincienne épigraphe que je plaçai au frontispice de mon premier livre. Eh bien, le grenadier fleurissant et fructifiant me répète continuellement cette simple parole. Nous n’obéissons qu’aux lois gravées dans notre substance ; et, par ce moyen, nous demeurons intacts au milieu de dissolutions sans nombre, dans une unité et dans une plénitude qui font notre joie. Il n’existe nul désaccord entre mon art et ma vie.}}

Version du 8 mars 2014 à 10:10

L'art (du latin ars, artis « habileté, métier, connaissance technique ») est une activité humaine, le produit de cette activité ou l'idée que l'on s'en fait, consistant à arranger entre eux divers éléments en s'adressant délibérément aux sens, aux émotions et à l'intellect.

Enseignement

Cours de littérature européenne

Vladimir Nabokov, Littératures, 1941-1958

L'art d'écrire est un art très futile s'il n'implique pas avant tout l'art de voir le monde comme un potentiel de fiction.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov (trad. Hélène Pasquier), éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Bons lecteurs et bons écrivains, p. 36


Littérature

Correspondance

Franz Liszt, Lettres d'un bachelier ès musique, 1838

Tous les arts reposent sur deux principes, la réalité et l'idéalité.
  • Lettres d'un bachelier ès musique, Franz Liszt, éd. Le Castor Astral, 1991, p. 134, Lettre IX : Le Persée de Benvenuto Cellini, Florence le 30 nov.1838


Critique

Émile Zola, Mes haines, 1866

Une œuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament.
  • Mes haines (1866), Émile Zola, éd. Charpentier, 1879, chap. « M.H. Taine, artiste », p. 229


Octave Mirbeau, Combats littéraires, 1889

Avez-vous réfléchi à ce qu’il y a de profondément comique, d’extraordinairement incohérent dans la situation d’un homme dont le devoir, sur la terre, consiste à inspecter les Beaux-Arts ? Moi, cela me fait l’effet de ces métiers burlesques que nous révèlent les chansons des cafés-concerts. Il me semble que celui qui « inspecte les Beaux-Arts » exerce une fonction aussi improbable que celle du monsieur qui « ramassait le crottin des chevaux de boi ».
  • Combats littéraires, Octave Mirbeau, éd. L’Âge d’Homme, 2006, p. 287-288


Jacques Vaché, Lettres de guerre, 1917

L'ART EST UNE SOTTISE – Presque rien n'est une sottise – l'art doit être une chose drôle et un peu assomante – c'est tout.
  • Lettres de guerre, Jacques Vaché, éd. Mille et une nuits, 2001  (ISBN 2-84205-599-3), p. 37


Philippe Djian, Lent dehors, 1991

L'art n'effraie plus personne, aujourd'hui, tu n'as plus besoin d'être enragé pour te faire entendre.


Philippe Berthier, Chateaubriand — Europe n°775-776, 1993

Lorsque la vie débarrasse de l'inessentiel par lequel elle se laisse trop souvent encombrer, elle redonne toutes ses chances à la création : si quelqu'un a jamais été persuadé qu'en art « qui perd gagne », c'est bien Chateaubriand.
  • « Les prisons du poète », Philippe Berthier, Chateaubriand — Revue Littéraire Europe (ISSN 0014-2751), nº 775-776, Novembre-décembre 1993, p. 70


Hans Peter Lund, Chateaubriand — Europe n°775-776, 1993

Nous touchons en 1803-1804 aux racines du grand message artistique du XIXe siècle : « Le buste survit à la cité », dira Gautier, à propos du marbre. Tel un monument funéraire, les mémoires commémoreront les morts et le passé par des moyens artistiques.
  • « Aux origines des Mémoires d'Outre-tombe — Les beaux arts et le Voyage en Italie », Hans Peter Lund, Chateaubriand — Revue Littéraire Europe (ISSN 0014-2751), nº 775-776, Novembre-décembre 1993, p. 82


Cécile Guilbert, Les ruses du professeur Nabokov, 2010

Tu aimes l'art parce que tu goûtes encore l'aventure, le jeu, les dieux, rire et jouir. Tu aimes l'art parce qu'il t'innocente du cauchemar collectif, révèle ton âme comme foyer vivant d'énergie et de désir vrais, cibles et flèches érotiques. Tu aimes l'art parce que tu hais la mort et d'ailleurs n'y crois pas, le problème du temps se résolvant en épiphanies dans ta solitude pensive.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. VIII


Ce « ronronnement suprême de plaisir produit par l'impact d'une pensée voluptueuse qui est une autre façon de définir l'art authentique », Nabokov le nomme aussi « frisson ». A cet égard, ne jamais oublier que le mot se dit en italien capriccio, d'où « caprice », fantaisie, liberté.
  • Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXX


Jacques Guigou, Des publicistes du symbole, 2011

Toujours lié aux puissances étatiques et aux rapports de domination, l’art intervient pour compenser une perte, une séparation, un éloignement de la communauté humaine avec sa vie immédiate et avec ses biotopes naturels.


Essai

Choderlos de Laclos, Traité sur l'éducation des femmes, 1903

Des femmes et de leur éducation

[...] le sujet qui existe trop tôt n'existe jamais pleinement. Si surtout il se presse d'user de sa jouissance, s'il s'y livre avec trop peu de ménagement, il n'a bientôt plus qu'une vie languissante et faible ; en vain cherche-t-il des ressources dans des aphrodisiaques, souvent illusoires, et toujours dangereux, il ne fait qu'empirer son mal. Le plaisir s'obstine à le fuir ; si même il le rencontre quelquefois, ce plaisir lui semble imparfait, il n'a plus la force de le goûter ; semblable à ces fruits précoces, que l'art arrache à la nature, il n'a ni qualité ni saveur, ce n'est qu'une apparence vaine : ainsi se venge la nature de l'être imprudent qui ose violer ses lois.
  • Traité sur l'éducation des femmes précédé (1903), Choderlos de Laclos, éd. Pocket, coll. « Agora », 2009  (ISBN 978-2-266-18855-5), partie Des femmes et de leur éducation, chap. V. De la puberté, p. 45


Léon Bloy, Sur la tombe de Huysmans, 1913

Huysmans et son dernier Livre

[...] les âmes contemporaines sont matelassées d’une épaisse toison de bêtise impénétrable à n’importe quelle balistique de l’Art.
  • Sur la tombe de Huysmans, Léon Bloy, éd. Paris, coll. « Collection des Curiosités littéraires », 1913, Avant la Conversion : Huysmans et son dernier Livre, p. 26


Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature française, 2005

On ne peut pas définir la forme du beau, parce que le beau est mouvant.

Le beau est une paresse.

Le beau d’hier fait rire.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 84


[L’]art naît de l’art, et le cinéma n’a pas imité, il a absorbé. L’art est un grand champ d ‘éponges.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 175


Il n'y a pas d'imposteur en art, il n'y a que des publics crédules.
  • Dictionnaire égoïste de la littérature française, Charles Dantzig, éd. Grasset, 2005, p. 391


Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, 1942

L'œuvre d'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret.


Paul Valéry, Cahiers, Tome II

Une œuvre très belle est celle qui pendant un temps donne l'impression d'être l'unique objet – l'indispensable, le véritable. Et plus ce temps est grand, plus elle est belle. Mais je sais qu'il est toujours fini.
  • Cahiers, Tome II, Paul Valéry, éd. Bibliothèque de la Pléiade, 1974, p. 925


Manifeste

Tristan Tzara, in Dada n°3, 1918

Toute construction converge à la perfection qui ennuie, idée stagnante d'un marécage doré, relatif produit humain. L'oeuvre d'art ne doit pas être la beauté en elle-même, car elle est morte ; ni gaie ni triste, ni claire ni obscure, réjouir ou maltraiter les individualités en leur servant les gâteaux des auréoles saintes ou les sueurs d'une course cambrée à travers les atmosphères.
  • Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000  (ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, Dada, 3 décembre 1918, p. 130


André Breton, in La Révolution surréaliste n°9-10, 1927

C'est à trop juste titre que Masson se méfie de l'art où plus que partout ailleurs les pièges se déplacent dans l'herbe et où les pas de tout être qui tient à rester libre ou à n'aliéner sa liberté qu'à bon escient, sont comptés.
  • Les surréalistes — Une génération entre le rêve et l'action (1991), Jean-Luc Rispail, éd. Gallimard, coll. « Découverte Gallimard Littérature », 2000  (ISBN 2-07-053140-6), chap. Témoignages et documents, André Breton, in La Révolution surréaliste, n°9-10, p. 191


Poésie

Robert Desnos, Rrose Sélavy, 1922

C'est dans l'art que les pions se taillent leur part du lion.
  • « Rrose Sélavy », Robert Desnos, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 19


L'argot de Rrose Sélavy, n'est-ce pas l'art de transformer en cigognes les cygnes ?
  • « Rrose Sélavy », Robert Desnos, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 22


Jim Morrison, Les Seigneurs, 1969

Il est faux de penser que l'art ait besoin d'un spectateur pour être. Le film continue même sans yeux. Le spectateur ne peut exister sans le film. Qui assure son existence.
  • (en) It is wrong to assume that art needs the spectator in order to be. The film runs on without any eyes. The spectator cannot exist without it. It insures his existence.


Poésie critique

Jean Cocteau, Le Coq et l'Arlequin — Notes autour de la musique, 1918

Un artiste ne saute pas de marches; s’il en saute, c’est du temps perdu, car il faut les remonter après.
Un artiste qui recule ne trahit pas. Il se trahit.
  • Le Coq et l'Arlequin, Jean Cocteau, éd. Ed. De la Sirène, 1918, p. 14


Un vrai artiste est toujours en rumeur.
  • Le Coq et l'Arlequin, Jean Cocteau, éd. Ed. De la Sirène, 1918, p. 18


L’art est lent, circonspect dans ses plus aveugles révolutions
  • Le Coq et l'Arlequin, Jean Cocteau, éd. Ed. De la Sirène, 1918, p. 34


Roman

Charles Robert Maturin, Melmoth — L'homme errant, 1820

[...] la dissimulation nous enseigne toujours la dissimulation, et la seule question est de savoir si nous serons les maîtres ou les victimes de cet art. Question à laquelle l'amour de soi a tôt fait de répondre.


Gabriele D'Annunzio, Le Feu, 1900

Ce qui rendait sa peine plus lourde, c’était de reconnaître une vague analogie entre ce sentiment inquiet et l’anxiété qui s’emparait d’elle au moment où elle entrait dans la fiction scénique pour y incarner quelque sublime créature de l’Art. — En effet, ne l’entraînait-il pas à vivre dans cette même zone de vie supérieure ; et, pour la rendre capable d’y figurer sans se ressouvenir de sa personne quotidienne, ne la couvrait-il pas de splendides déguisements ? — Mais, tandis qu’il ne lui était donné, à elle, de se soutenir à un tel degré d’intensité que par un pénible effort, elle voyait l’autre y persister aisément, comme dans sa naturelle manière d’être, et jouir sans fin d’un monde prodigieux qu’il renouvelait par un acte de continuelle création.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 9



Vous découvrez maintenant, Perdita, ce qui fait la réelle bienfaisance du signe. Moi-même, par affinité, je suis amené à me développer conformément au génie magnifique de la plante en laquelle il m’a plu de figurer mes aspirations vers une vie riche et ardente. Cette image végétale de moi-même suffit a m’assurer que mes énergies se déploient toujours selon la nature pour atteindre naturellement la fin qui leur est assignée. « Natura cosi mi dispone. — Ainsi Nature me dispose », telle est la vincienne épigraphe que je plaçai au frontispice de mon premier livre. Eh bien, le grenadier fleurissant et fructifiant me répète continuellement cette simple parole. Nous n’obéissons qu’aux lois gravées dans notre substance ; et, par ce moyen, nous demeurons intacts au milieu de dissolutions sans nombre, dans une unité et dans une plénitude qui font notre joie. Il n’existe nul désaccord entre mon art et ma vie.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 13


[...] dans le silence favorable, s’éleva un prélude de violons. Les violes et les violoncelles unirent à cette plainte suppliante un plus profond soupir. N’était-ce pas, après la flûte et le crotale, après les instruments orgiaques dont les sons troublent la raison et provoquent le délire, n’était-ce pas l’auguste lyre dorienne, grave et suave, harmonieux support du chant ? Ainsi du bruyant Dithyrambe était né le Drame. La grande métamorphose du rite dionysiaque, la frénésie de la fête sacrée devenant la créatrice inspiration du poète tragique, était figurée dans cette alternance musicale. L’ardent souffle du dieu thrace avait donné la vie à une forme sublime de l’Art. La couronne et le trépied, prix décernés à la victoire du poète, avaient remplacé le bouc lascif et la corbeille de figues attiques. Eschyle, gardien d’une vigne, avait été visité par le dieu, qui lui avait infusé son esprit de flamme.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. I. L'épiphanie du feu, p. 56


André Breton, L'Amour fou, 1937

Nul plus haut enseignement artistique ne me paraît pouvoir être reçu que du cristal. L'oeuvre d'art, au même titre d'ailleurs que tel fragment de la vie humaine considérée dans sa signification la plus grave, me paraît dénuée de valeur si elle ne présente pas la dureté, la rigidité, la régularité, le lustre sur toutes ses faces extérieures, intérieures, du cristal.


C'était quelque être très jeune, mais de qui ce signe distinctif ne s'imposait cependant pas à première vue, en raison de cette illusion qu'il donnait de se déplacer en plein jour dans la lumière d'une lampe. Je l'avais déjà vu pénétrer deux ou trois fois dans ce lieu : il m'avait à chaque fois été annoncé, avant de s'offrir à mon regard, par je ne sais quel mouvement de saisissement d'épaule à épaule ondulant jusqu'à moi à travers cette salle de café depuis la porte. Ce mouvement, dans la mesure même où, agitant une assistance vulgaire, il prend très vite un caractère hostile, que ce soit dans la vie ou dans l'art, m'a toujours averti de la présence du beau. Et je puis bien dire qu'à cette place, le 29 mai 1934, cette femme était scandaleusement belle. Une telle certitude, pour moi assez exaltante à cette époque par elle-même, risquait d'ailleurs fort de m'obséder durant le temps qui s'écoulait entre ses apparitions réelles, puisqu'une intuition très vague, dès les premiers instants, m'avait permis d'envisager que le destin de cette jeune femme pût un jour, et si faiblement que ce fût, entrer en composition avec le mien.


André Pieyre de Mandiargues, La Marge, 1967

Que le bleu du ciel puisse être à ce point blessant pour les yeux, que l'air à la première heure de l'après-midi puisse être pénible aux bronches comme une lampée de thé chaud au larynx, il faut sortir d'une réserve d'art ombreuse et fraîche pour en faire l'expérience.


Dominique Fernandez, Porporino ou les mystères de Naples, 1974

C'était l'époque où les seigneurs napolitains se faisaient conduire en carrosse à Pompéi, à Herculanum, pour acheter un morceau de statue, une amphore, une lampe d'albâtre volés par les paysans dans les champs de fouilles. La redécouverte de l'Antiquité inclinait tous les arts vers des formes sévères.
  • Porporino ou les mystères de Naples (1974), Dominique Fernandez, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1974  (ISBN 978-2-246-01243-6), partie III « Naples », Castrapolis, p. 333


Henri Thomas, Le Goût de l’éternel, 1990

L’art est l’éclair fourchu qui brise la nuit et montre par la fente ce qui est ensemble, insupportablement relié par le trait de feu, mortel.


Anne F. Garréta, La Décomposition, 1999

L'art réside dans l'invention concertée et systématique de règles nouvelles, et non dans notre soumission à un code ordinaire des passions ou de l'imitation qui a un nom vulgaire « inspiration » et n'excède jamais le degré de subtilité d'une simple signalétique.
  • La Décomposition, Anne F. Garréta, éd. Grasset (Le Livre de Poche), 1999, p. 23


Médias

Presse

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1850

Concevoir, disait-il, c'est jouir, c'est fumer des cigarettes enchantées ; mais sans l'exécution, tout s'en va en rêve et en fumée : Le travail constant, a-t-il dit encore, est la loi de l'art comme celle de la vie ; car l'art, c'est la création idéalisée. Aussi les grands artistes, les poètes, n'attendent-ils ni les commandes, ni les chalands ; ils enfantent aujourd'hui, demain, toujours. Il en résulte cette perpétuelle connaissance des difficultés qui les maintient en concubinage avec la Muse.
  • Il est ici question de Balzac.
  • Le siècle du progrès — Anthologie établie et présentée par Pierre Berès, Charles-Augustin Sainte-Beuve, éd. Hermann (éditeurs des sciences et des arts), coll. « Collection savoir : lettres », 1992  (ISBN 2-7056-6179-4), partie Balzac, 2 septembre 1850. Causeries du lundi, t. II, p. 35


Littérature, Enquête — Pourquoi écrivez-vous ?, 1920

J'écris : 1° pour posséder.
Posséder la vérité des choses apparue à mes sens et à ma raison. En exprimant cette vérité, je la fais mienne, mes vues sont le lien qui la rassemble. Dans Aristote cela se nomme imitation. Il faut en concevoir l'essentiel. Imiter c'est recréer l'objet, partant s'en emparer autant qu'il se puisse concevoir. C'est un plaisir incomparable, un attrait souverain, auquel deux causes ont part : l'intelligence de l'objet, son rendu ; l'une est lumière, l'autre puissance ; la seconde trouvant dans la première son guide, la première trouvant dans la seconde son épreuve et son complément. Corot disait : Oh ! la belle vache ; je vais la peindre. Crac ! la voilà.
2° pour persuader.
Le vrai des choses entré dans l'intelligence, l'objet fait esprit, devient communicable. Nécessairement il tend à se communiquer. L'universel de la pensée qui l'informe est comme un ressort qui pousse à l'infini. Tous les hommes sont appelés à jouir de ce que je possède. Nouvelle épreuve des lumières qui président à l'imitation, nouvel exercice de la puissance qu'elle suppose. Persuader dérive de posséder. Il en est la suite nécessaire ; il procède du même attrait. Ceux qui les séparent, qui dépeignent le plaisir d'écrire comme indépendant de l'approbation, prennent un trait d'orgueil ou de dépit pour l'essence des choses.
Tel est le goût d'écrire, tel en est le démon. Des deux causes que je viens de dire, dans un sens général, on peut nommer la première poésie, la seconde aura nom éloquence. L'une donne naissance à l'art en soi, la seconde en répand l'effet.

  • Louis Dimier donne suite à une enquête concernant son statut d'écrivain menée par le mensuel surréaliste Littérature, ce sur plusieurs numéros.
  • « Notre enquête — Pourquoi écrivez-vous ? », Louis Dimier, Littérature, nº 11, Décembre 1920, p. 22


Radio

Jacqueline de Romilly, La Fabrique de l'Histoire, 2005

Si on lit un texte, qui est émouvant, c'est difficile d'expliquer en quoi c'est beau. Et en général l'explication est plutôt consternante !
  • Jacqueline de Romilly, La Fabrique de l'Histoire, France Culture, 20 décembre 2010 (rediff. de 2005)


Musique

Critique

Claude Debussy, Monsieur Croche et autres écrits, 1901-1914

L'art est le plus beau des mensonges.
  • Monsieur Croche et autres écrits (1901-1914), Claude Debussy, éd. Gallimard, 1987, p. 66


Il y a une loi de beauté qu'il importe de ne pas oublier ! Malgré l'effort de quelques-uns, nous semblons marcher vers cet oubli, tant la Médiocrité, monstres à mille têtes, a de fidèles dans les sociétés modernes.
  • Monsieur Croche et autres écrits (1901-1914), Claude Debussy, éd. Gallimard, 1987, p. 110


Camille Saint-Saëns, Regards sur mes contemporains, 1990

« Les lois de la morale régissent l'art », a dit Schumann. Cela est fort joli ; mais cela n'est pas vrai. En morale, l'intention peut justifier bien des choses ; en art, les meilleures intentions ne sont bonnes qu'à paver l'enfer.
  • Regards sur mes contemporains, Camille Saint-Saëns, éd. Ed. Bernard Coutaz, 1990, p. 140


Propos de moralistes

Joseph Joubert, Pensées

Il y a dans l’art beaucoup de beautés qui ne deviennent naturelles qu’à force d’art.


L’adolescence de l’art est élégante, sa virilité pompeuse, et sa vieillesse riche, mais surchargée d’ornements qui en dissimulent le dépérissement.


L’exception est de l’art aussi bien que la règle. L’une en défend et l’autre en étend le domaine.


L’adolescence de l’art est élégante, sa virilité pompeuse, et sa vieillesse riche, mais surchargée d’ornements qui en dissimulent le dépérissement.


L’exception est de l’art aussi bien que la règle. L’une en défend et l’autre en étend le domaine.


Psychanalyse

Charles Baudouin, L'Oeuvre de Jung et la psychologie complexe, 1963

Depuis Freud, qui a salué lui aussi dans les grands poètes — Sophocle ou Shakespeare — ses maîtres et de grands connaisseurs avant lui de l'inconscient et singulièrement du complexe d'Oedipe, il existe une psychanalyse de l'art. [...] les études d'inspiration freudienne ont paru, à tort ou à raison, animées de la maligne pensée de réduire les grandes oeuvres du génie humain à de magnifiques camouflages des accidents de la sexualité infantile de leurs auteurs, ce qui est tout de même un peu court. Jung ne conteste nullement, ni la légitimité de ces investigations, ni la validité de leurs résultats. Mais il s'oppose [...] au parti pris réductif. Il ne veut pas qu'on entende réduire la création d'art à l'incident infantile dont elle porte effectivement les traces.
  • L'Oeuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-97[à vérifier : ISBN invalide]), partie I. Idées directrices, chap. IV. Prométhé et Epiméthée, Psychologie et poésie, p. 135


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