« Vertige » : différence entre les versions

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Littérature

Écrit intime

Raymond Abellio, Ma dernière mémoire, 1971

Qu’est-ce qui force l’homme à ouvrir les yeux sinon le besoin de vertige ?
  • Ma dernière mémoire, Raymond Abellio, éd. Gallimard, 1971, t. I, partie Un faubourg de Toulouse, 1907-1927, p. 208


Prose poétique

André Breton/Philippe Soupault, Les Champs Magnétiques, 1919

Il n'y a plus qu'à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux : si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu'à nous.


Francis Picabia, Dactylocoque, 1922

La femme qui se trouve en ce moment près de moi, caresse ses seins, les pointes sont rouges ; sur chaque sein il y a un portrait, à gauche Foch, à droite le Soldat inconnu. Son ventre est peint en blanc, ses jambes en jaune, hélas, elle danse le Tango ! Ses fesses sont prises dans une boîte à bougies, le dessus de la boîte est fendu ainsi qu'une tirelire, de cette fente s'échappent des perles bleues, je les enfile. Les bras de cette femme sont en plâtre, sans articulations, elle les tient écartés, en croix. Tout à coup elle s'arrête de danser et je me sens pris de vertige dans le silence impressionnant.
  • « Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 10


André Breton, Poisson soluble, 1924

Le vertige les mène, elles ne se retournent guère sur nous mais nous frappons le sol du sabot de notre cheval chaque fois que nous voulons signifier à telle ou telle que nous serions aise de la remonter à la surface. De la foulée s'échappent alors une nuée de poissons volants qui montrent le chemin aux belles imprudentes.


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Être naturel

A cette heure guerrière, à cette heure de sauve-qui-peut, les amants se penchent au balcon du vertige. Ils s'élèvent doucement, épi de bonheur qui se balance sur un champ calciné. Leur amour est un aimant auquel est suspendu le monde. Il règle les marées, il ouvre les écluses de la musique. Au pied de leur chaleur, la réalité brise sa coquille.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Être naturel — II, p. 105


L'assiégé

Il n'y a rien à ma droite. Plaine : monde à peupler, feuille en blanc. Pèlerinages, sacrifices, combats corps à corps avec mon âme, dialogues avec la neige et le sel : tant de blanc qui attend pour se dresser, tant de noms endormis ! Heures, miroirs polis par l'attente, tremplins du vertige, beffrois de l'extase, ponts suspendus sur le vide qui s'ouvre entre deux exclamations — statues momentanées qui célèbrent durant une fraction de seconde la chute de la foudre.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — L'assiégé, p. 109


Joyce Mansour, Dolman le maléfique, 1961

[Dolman] sentit son épine dorsale s'étirer sous le choc de l'ossature cataleptique des girafes et, avec stupéfaction et délice, il laissa glisser ses yeux sur la savane, se sentant devenir tour à tour herbe, roseau, terre, vent, terre, terre, TERRE ! Il se maria aux sapins et leurs branchages, bruissements, oiseaux et racines entrèrent en lui sans offrir la moindre résistance. En un clignement de paupières il assimila l'arbre foudroyé. Voici qu'il était arbre... mais ses yeux couraient encore... il connut les femmes lointaines qui se dépêchaient en cliquetant sur les chemins du sommet entre les lamas aux cous lourds de signification phalliques et les hommes qui gémissaient à leurs côtés. Épuisé Dolman trébucha sur une pierre et de ses paumes couvrit ses prunelles frénétiques. Secoué par un éternuement d'exaltation, il éprouva son premier vertige.
Entre temps les villageois, ayant atteint leur but, larguèrent une rapide prière vers la vallée et revinrent sur leurs pas sans trop de hâte. L'honneur était sauf.

  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 48


Joyce Mansour, Illusions de vol, 1964

Il m'arrive souvent que je me cache : je braque mes yeux myopes sur le virage menteur et je pars au galop, sous les voûtes du vieux miroir, portée par la métate du vertige. Alors je te vois autre que tu n'es ; envoûtée par le faux autant que par le vrai, je me couche de tout mon long, la tête en bas de la côte hivernale et je rêve.
  • « Illusions de vol », Joyce Mansour, La Brèche, nº 6, Juin 1964, p. 22


Roman

Marie d'Agoult, Nélida, 1866

Un mariage, quelque brillant qu'il fût, me plaçait sous le pire des jougs, celui du caprice d'un individu qui pouvait être noble et intelligent à la vérité, mais qui pouvait aussi être vulgaire et stupide. D'ailleurs, le mariage, c'était le ménage, le gynécée, la vie des salons. C'était le renoncement presque certain à l'expansion de ma force, à ce rayonnement de ma vie sur d'autres vies, dont l'image seule enflammait mon cerveau d'irréfrénables désirs. L'idée de diriger un jour une communauté tout entière et l'éducation de deux cents jeunes filles, toujours renouvelées et recrutées dans les premiers rangs de la société, s'empara de moi comme la seule qui pût me conduire à un but digne d'efforts. Si je pouvais, me disais-je, infiltrer dans ces jeunes coeurs les sentiments dont le mien déborde ; si, au lieu de la morgue et de la vanité dont on les nourrit, je parvenais à les pénétrer des principes d'une égalité vraie ; si j'allumais dans leur âme un pur et enthousiaste amour du peuple, jaurais fait une révolution... Ce mot me donnait le vertige.


André Breton, L'Amour fou, 1937

Comme tout s'embellit à la lueur des flammes ! Le moindre débris de verre trouve moyen d'être à la fois bleu et rose. De ce palier supérieur du Teide où l'oeil ne découvre plus la moindre herbe, où tout pourrait être si glacé et si sombre, je contemple jusqu'au vertige tes mains ouvertes au-dessus du feu de brindilles que nous venons d'allumer et qui fait rage, tes mains enchanteresses, tes mains transparentes qui planent sur le feu de ma vie.


Philosophie

Gaston Bachelard, L'Eau et les Rêves, 1942

L'être voué à l'eau est un être en vertige. Il meurt à chaque minute.
  • L'eau et les rêves — Essai sur l'imagination de la matière (1942), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1993  (ISBN 978-2-253-06100-7), partie IV, chap. Introduction : Imagination et matière, p. 13


Gaston Bachelard, L'Air et les Songes, 1943

Le nietzschéisme est essentiellement un vertige surmonté. Près de l'abîme, Nietzsche vient chercher des images dynamiques d'ascension. Le réel du gouffre donne à Nietzsche, par une dialectique bien connue de l'orgueil, la conscience d'être une force surgissante.
  • L'Air et les Songes — Essai sur l'imagination du mouvement (1943), Gaston Bachelard, éd. Le Livre de Poche, coll. « Biblio Essais », 1992  (ISBN 978-2-253-06100-7), partie VII, chap. V. « Nietzsche et le psychisme ascensionnel », p. 190