« Rire » : différence entre les versions

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La fée Didier (discussion | contributions)
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{{citation|citation=Je ris, tu ris, il rit, nous rions aux larmes en élevant le ver que les ouvriers veulent tuer. On a le calembour aux lèvres et des chansons étroites.|précisions=Cette citation provient d'une revue dirigée par [[André Breton]].}}
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{{Réf Article|titre=''[[Les Champs Magnétiques]]'' partie I La Glace sans tain|auteur=[[André Breton]]/[[Philippe Soupault]]|publication=Littérature|numéro=8|date=Octobre 1919|page=9}}
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==== [[Paul Eluard]] , ''Capitale de la douleur'', 1926 ====
''' Sous la menace rouge '''
{{Citation|citation=Sous la menace rouge d'une épée, défaisant sa chevelure qui guide des baisers, qui montre à quel endroit le baiser se repose, elle rit. L'ennui, sur son épaule, s'est endormi. L'ennui ne s'ennuie qu'avec elle qui rit, la téméraire, et d'un rire insensé, d'un rire de fin du jour semant sous tous les ponts des soleils rouges, des lunes bleues, fleurs fanées d'un bouquet désenchanté.}}
{{Réf Livre|titre=Capitale de la douleur ''suivi ''de L'amour la poésie|auteur=[[Paul Eluard]]|éditeur=Gallimard|collection=Poésie|année=1966|année d'origine=1926|page=99|partie=Nouveaux poèmes|section=Sous la menace rouge|ISBN=978-2-07-030095-2}}


==== [[Robert Desnos]], ''La liberté ou l'amour !'', 1927 ====
==== [[Robert Desnos]], ''La liberté ou l'amour !'', 1927 ====

Version du 18 avril 2012 à 07:21

Rembrandt (1628)

Le rire marque un sentiment de gaieté par un mouvement de la bouche accompagné souvent de bruit et par une expression correspondante des regards et des traits du visage.

Cinéma

Marcel Pagnol, Le Schpountz, 1937-1938

Irénée : Faire rire ! Devenir un roi du rire ! C’est moins effrayant que d’être guillotiné, mais c’est aussi infamant.


Irénée : Celui qui fait rire tout le monde, c’est qu’il se montre inférieur à tous.


Irénée : Mais le rire, le rire… C’est une espèce de convulsion absurde et vulgaire…


Claude Lelouch, L'aventure c'est l'aventure, 1972

Jacques : Souriez, d'autant que le rire est le propre de l'homme, tout de même.
Aldo : C'est pas à toi, cette phrase.
Jacques : Non, mais ça fait plaisir à entendre.


Littérature

Écrit intime

Paul Klee, Journal, 1957

Rire à se pâmer. Et je le dis à nouveau, ce rire élève au-dessus de l'animal.


Prose poétique

André Breton/Philippe Soupault, Les Champs Magnétiques, 1919

Je ris, tu ris, il rit, nous rions aux larmes en élevant le ver que les ouvriers veulent tuer. On a le calembour aux lèvres et des chansons étroites.


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927

Pas plus que l’océan, pas plus que le désert, pas plus que les glaciers, les murs du cimetière n’assignent de limites à mon existence tout imaginaire. Et cette matérielle figure, le squelette des danses macabres, peut frapper s’il lui plaît à ma fenêtre et pénétrer dans ma chambre. Elle trouvera un champion robuste qui se rira de son étreinte.


Qu’ils me font rire ceux qui prétendent faire autre chose dans cette tempête que des gestes désespérés de moulins à vent, des contorsions de cerfs-volants, des mouvements arbitraires d’ailes, ceux qui se prétendent timonniers capables d’aller au port, ceux pour qui doute n’est pas synonyme d’inquiétude, ceux qui sourient finement !


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Ma vie avec la vague

Parmi tous ces poissons, il y en avait quelques-uns particulièrement repoussants et féroces, petits tigres d'aquarium aux grands yeux fixes et à la gueule fendue et carnassière. Je ne sais par quelle aberration mon amie se complaisait à jouer avec eux, leur témoignant sans rougir une préférence que je veux ignorer. Elle passait de longues heures enfermée avec ces horribles créatures. Un jour, je ne pus attendre plus longtemps, je défonçai la porte et me jetai sur eux. Agiles et fantomatiques, ils s'échappèrent de mes mains tandis qu'elle me frappait en riant jusqu'à me faire tomber. Je sentis que je me noyais. Et Lorsque je fus sur le point de mourir, déjà violacé, elle me déposa doucement sur le bord, et se mit à me baiser, me disant je ne sais quoi. Je me sentais faible, moulu et humilié. En même temps, la volupté me faisait fermer les yeux. Sa voix était suave et me parlait de la mort délicieuse des noyés. Quand je revins à moi, je commençai à la craindre et la haïr.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Sables mouvants — Ma vie avec la vague, p. 76


Elle avait des cauchemars, délirait avec le soleil, avec des plages brûlantes. Elle rêvait au pôle et à se convertir en un grand morceau de glace, naviguant sous des cieux noirs pendant des nuits longues de plusieurs mois. Elle m'insultait. Elle maudisait, elle riait, emplissant la maison d'éclats de rire et de fantasmes. Elle appelait les monstres des profondeurs, aveugles, rapides, obtus. Chargée d'électricité, elle carbonisait ce qu'elle touchait ; acide, elle corrompait ce qu'elle effleurait. Ses bras si doux devinrent des cordes rudes qui m'étranglaient. Et son corps, verdâtre et élastique, était un fouet implacable qui frappait et frappait. Je m'enfuis. Les horribles poissons rirent d'un rire féroce.
Dans les montagnes, parmi les hauts pins et les précipices, j'ai respiré l'air frais et ténu comme une pensée de liberté. Un mois s'est passé, et je suis revenu. J'étais décidé. Il avait fait si froid que je trouvai sur le marbre de la cheminée, près du feu éteint, une statue de glace. Je ne fus pas touché par sa beauté haïe. Je la jetai dans un grand sac de toile et je sortis, avec l'endormie sur mon dos. Dans un restaurant des faubourgs, je la vendis à un patron ami qui se mit incontinent à la piler en petits morceaux qu'il déposa dans le seau où il faisait rafraîchir les bouteilles. Ainsi s'acheva ma vie avec la vague.

  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Sables mouvants — Ma vie avec la vague, p. 77


Promenade nocturne

Il n'y a rien, tu n'as rien à donner au désert : ni goutte d'eau ni goutte de sang. Les yeux bandés tu avances par des couloirs, des carrefours, des ruelles où trois étoiles conspirent. A voix basse la rivière parle. Sur ta gauche, sur ta droite, en arrière, en avant, d'ignobles rires, d'ignobles chuchotements. Le monologue te guette à chaque pas, et ses exclamations, ses signes d'interrogation, ses nobles sentiments, ses points sur les i durant un baiser, son moulin de lamentations et son répertoire de miroirs brisés. Poursuis : tu n'as rien à te dire.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Promenade nocturne, p. 86


Joyce Mansour, Dolman le maléfique, 1961

Sans remords et sans repos, il ne se fatiguait jamais de lui-même ; il aplatissait ses prunelles sur chaque centimètre de son corps interchangeable et soupirait de bonheur tant il trouvait profonde sa vérité. Son désir coulait en longues rigoles meurtrières vers la victime du moment qui finissait toujours par se démener à ses pieds dénuée de pudeur et prête, sous ses yeux impitoyables, oui, prête, mais sans vainqueur. Alors Dolman riait silencieusement.
  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 49


Dolman se lassa de son image aqueuse et ordonna à nouveau la mise en route de la communauté. Les villageois ensablés arrachèrent leurs enfants aux cocotiers et repartirent en se lamentant sur les chemins de la forêt. Dolman était lourd d'angoisse. Il retrouva sa hutte et ses vieilles habitudes sans plaisir. L'insatisfaction usait ses méninges, et un désir galopant gonflait ses poumons comme un caillot de sang. La mort acheta un billet de loterie en son nom.
C'est alors que le Diable intervint. Ne pouvant accepter l'évasion d'une de ses créatures, il quitta sa tour de silence et accourut, détermine à enfermer Dolman dans les perspectives toujours changeantes d'une souffrance sans issue. On pense bien qu'il ne pouvait permettre l'anéantissement de la fange, il en avait trop besoin pour consolider son règne. Il retroussa donc ses babines et se prépara à la lutte. Il ne laissa rien au hasard car l'imprévu est père du rire et le rire libère, allège et arrache le guidon des pattes démoniaques.

  • « Dolman le maléfique », Joyce Mansour, La Brèche, nº 1, Octobre 1961, p. 50


Roman

François Rabelais, Gargantua, 1534

Le rire est le propre de l'homme.
  • Cette maxime est tirée d'Aristote, De partibus animalium, 3, 10. Elle se retrouve aussi dans les œuvres de Guillaume Bouchet, poète et ami de Rabelais.


Jean-Jacques Rousseau, Julie ou La nouvelle Héloïse, 1761

Celle qui la première introduit le vice dans une âme bien née, étouffe la voix de la conscience par la clameur publique, et réprime l'audace de bien faire par la crainte du blâme. [...] Vous braveriez plutôt cent périls qu'une raillerie, et l'on ne vit jamais tant de timidité jointe à une âme aussi intrépide.
  • Julie ou La nouvelle Héloïse (1761), Jean-Jacques Rousseau, éd. Garnier-Flammarion, coll. « GF Flammarion », 1967  (ISBN 2-08-070148-7), partie II, Lettre XXVII. Réponse de Julie, p. 216


[...] qu'est-ce que cette répugnance qui met un prix aux railleries de gens dont l'estime n'en peut avoir aucun ?
  • Julie ou La nouvelle Héloïse (1761), Jean-Jacques Rousseau, éd. Garnier-Flammarion, coll. « GF Flammarion », 1967  (ISBN 2-08-070148-7), partie II, Lettre XXVII. Réponse de Julie, p. 217


Gabriele D'Annunzio, Le Feu, 1900

La Foscarina regarda la rieuse avec étonnement, car elle l’avait oubliée ; et cette femme, assise là sur ce banc de pierre jauni par les lichens, avec ces mains tordues, avec cette scintillation d’or et d’ivoire entre les lèvres minces, avec ces petits yeux glauques sous les paupières flasques, avec cette voix enrouée et ce rire clair, la fit penser à une de ces vieilles fées palmipèdes qui vont par la forêt suivies d’un crapaud obéissant.
  • Le Feu, Gabriele D'Annunzio, éd. La Revue de Paris, 1900, chap. II. L'empire du silence, p. 733


James Joyce, Ulysse, 1922

De nouveau Kennyglousse penche la belle pyramide de ses cheveux, se baisse, montre le peigne d'écaille de sa nuque, fait pleuvoir le thé hors de sa bouche, s'étranglant de thé et de rire, toussant de s'étrangler, miaulant :
— Ô ces yeux de poisson mort ! Penser qu'on pourrait être mariée à un homme comme ça ! Avec ses deux poils de barbe.
Douce laisse échapper un splendide hurlement, le vrai hurlement d'une vraie femme, ravissement, joie, indignation.
— Mariée à ce nez huileux ! hurle-t-elle.
Gamme de rire, de l'aigu au grave, de bronze et d'or, elles se provoquent l'une l'une, carillon sur carillon, sonneries alternées orbronze bronzor, gravaigu, rire sur rire. Et pouffent de plus belle.


Le dauphin neigeux secoua sa crinière, et, montant vers la poupe dorée, le nautonier déploya la voile gonflée, allant au vent toutes voiles dehors, armures à bâbord. Une multitude de nymphes charmantes s'approchèrent de bâbord et de tribord et s'attachant aux flancs de la noble nef elles entrelacèrent leurs corps éclatants ainsi que fait le charron habile quand il accommode au coeur de sa roue les rayons équidistants dont chacun est frère de l'autre et qu'il les relie tous par un cercle, gratifiant ainsi de vitesse les pieds des hommes, soit qu'ils courent au combat soit qu'ils s'efforcent de conquérir le sourire de la beauté. Ainsi les vit-on accourir et se placer, ces nymphes aimables, ces soeurs immortelles. Et elles riaient, s'ébattant dans leur cirque écumeux : et le navire fendait les flots.


Julien Green, Léviathan, 1929

Au milieu du chantier, se dressaient trois tas de charbon, de taille égale, séparés les uns des autres, malgré les éboulements qui brisaient la pointe de leurs sommets et tentaient de rapprocher leurs bases en les élargissant. Tous trois renvoyaient avec force la lumière qui les inondait ; une muraille de plâtre n'eût pas paru plus blanche que le versant qu'ils exposaient à la lune, mais alors que le plâtre est terne, les facettes diamantées du minerai brillaient comme une eau qui s'agite et chatoie. Cette espèce de ruissellement immobile donnait aux masses de houille et d'anthracite un caractère étrange ; elles semblaient palpiter ainsi que des êtres à qui l'astre magique accordait pour quelques heures une vie mystérieuse et terrifiante. L'une d'elles portait au flanc une longue déchirure horizontale qui formait un sillon où la lumière ne parvenait pas, et cette ligne noire faisait songer à un rire silencieux dans une face de métal. Derrière elles, leurs ombres se rejoignaient presque, creusant des abîmes triangulaires d'où elles paraissaient être montées jusqu'à la surface du sol comme d'un enfer. La manière fortuites dont elles étaient posées, telles trois personnes qui s'assemblent pour délibérer, les revêtait d'une grandeur sinistre.
  • Léviathan (1897), Julien Green, éd. Fayard, coll. « Le Livre de Poche », 1993  (ISBN 978-2-253-09940-[à vérifier : ISBN invalide]), chap. XIII, p. 169


André Breton, L'Amour fou, 1937

Dans la mesure même où j'ai pu m'abandonner durant plusieurs jours à l'idée a priori purement séduisante que je puis être en quelque sorte attendu, voire cherché, par un être auquel je prête tant de charmes, le fait que cette idée vient de se découvrir des bases réelles ne peut manquer de me précipiter dans un abîme de négations. De quoi suis-je capable en fin de compte et que ferai-je pour ne pas démériter d'un tel sort ? Je vais devant moi mécaniquement, dans un grand bruit de grilles qu'on ferme. Aimer, retrouver la grâce perdue du premier instant où l'on aime... Toutes sortes de défenses se peignent autour de moi, des rires clairs fusent des années passées pour finir en sanglots, sous les grands battements d'ailes grises d'une nuit peu sûre de printemps. Peu sûre : c'est bien, en effet, toute l'insécurité qui est en moi dès que, cette nuit-là, je me reprends à lire dans l'avenir ce qui pourrait, ce qui devrait être si le coeur disposait. La liberté à l'égard des autres êtres, la liberté à l'égard de celui qu'on a été semble ne se faire alors si tentante que pour mieux m'accabler de ses défis.


Dominique Fernandez, Porporino ou les mystères de Naples, 1974

« — Eh bien ! soyons plus précis. Ces yeux aux reflets verts, ces lèvres de corail, ces cheveux qui bouclent avec tant de grâce sans le secours des fers, votre teint, Feliciano, votre manière de marcher, de vous tenir, n'appartiennent pas, j'en mets ma main au feu, à une petite victime de la cruauté sacerdotale.
« A-t-il entendu dire, me demandai-je, que je passe pour être né de la fornication d'un prêtre ? J'allais éclater de rire à cause de la tournure fadement complimenteuse et bizarrement alambiquée de sa phrase, quand je m'avisai, par je ne sais quel frémissement qui parcourut ma personne, que peut-être le chevalier de Casanova ne songeait nullement à goûter avec moi les douceurs de la paternité.
« — Feliciano, reprit-il, je suis sûr que votre conformation diffère de la mienne.
« J'hésitais encore à comprendre.
« — Vous n'êtes qu'une beauté travestie.
« — Monsieur, répondis-je, je suis Feliciano Marchesi.
« — Ma chère, vous êtes une jolie femme déguisée. Si la longue contemplation que j'ai faite de vos charmes ne m'en avait donné l'assurance, je n'aurais jamais eu l'effronterie de vous attirer derrière ce rideau.

  • Porporino ou les mystères de Naples (1974), Dominique Fernandez, éd. Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », 1974  (ISBN 978-2-246-01243-6), partie II « Les pauvres de Jésus-Christ », Une méprise plutôt étrange, p. 233


Philosophie

Psychanalyse

Daniel Sibony, Les Sens du rire et de l'humour, 2010

Pour Baudelaire, le rire naît du choc entre deux infinis, celui qui sépare l'homme de Dieu et celui qui le sépare de l'animal. Mais l'homme est lui-même l'entrechoc fugace de ces deux infinis.
  • Les Sens du rire et de l'humour, Daniel Sibony, éd. Odile Jacob, 2010, p. 12