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=== Prose poétique ===
=== Prose poétique ===
==== [[Robert Desnos]], ''Pénalités de l'enfer'', 1922 ====
{{citation|citation=Je marche dans le chemin des forêts vierges tracé par la bordure du trottoir. Ce serait un crime que de piétiner ces ombres silencieuses, capables, au surplus, de mauvais desseins. Le Courrier de Lyon a volé mes cantiques aux lames du parquet sur lesquelles je nage voluptueusement vers des terres inconnues. Au moment suprême où je me noie je ferme à demi les yeux, les traits de mon visage descendent vers mon nombril. Je ressemble alors à ce petit gros Monsieur qui porte une lanterne en guise de nom.}}{{Réf Article|titre=Pénalités de l'enfer|auteur=[[Robert Desnos]]|publication=Littérature Nouvelle Série|numéro=4|date=Septembre 1922|page=10}}

==== [[Robert Desnos]], ''Deuil pour deuil'', 1924 ====
==== [[Robert Desnos]], ''Deuil pour deuil'', 1924 ====
{{citation|citation=La nuit sort de chez elle, vêtue de blanc et parée de billes de verre. Elle se promène lentement dans les jardins et les fleurs tenues éveillées par le souvenir du dernier papillon voient, avec émerveillement, passer cette grande figure pâle aux cheveux noirs dont quatre anges nègres aux ailes rousses tiennent les tresses. Ses pieds marquent profondément leur empreinte dans le sol et les vers luisants, égarés sur les chemins, contemplent longtemps ce souvenir d'un pied charmant présentant la particularité d'avoir deux pouces.}}
{{citation|citation=La nuit sort de chez elle, vêtue de blanc et parée de billes de verre. Elle se promène lentement dans les jardins et les fleurs tenues éveillées par le souvenir du dernier papillon voient, avec émerveillement, passer cette grande figure pâle aux cheveux noirs dont quatre anges nègres aux ailes rousses tiennent les tresses. Ses pieds marquent profondément leur empreinte dans le sol et les vers luisants, égarés sur les chemins, contemplent longtemps ce souvenir d'un pied charmant présentant la particularité d'avoir deux pouces.}}

Version du 2 avril 2012 à 12:41

Littérature

Critique

André Pieyre de Mandiargues, Le Musée noir, 1924

Introduction

Allez en forêt saisir le midi frémissant des clairières ; découvrez le minuit des carrières à l'abandon, des plages retirées où s'enjolivent de lune les menues alluvions déposées par le flot ; explorez les gares, les passages, les souterrains des grandes villes, les maisons closes comme des confitures de velours en pots de miroir, les salles de jeu, les foires à la brocante, les théâtre vieillis ; parcourez les gorges des torrents polies et dures telles que des chevaux cabrés, les grottes, les chemins de planches jetés aux marécages ; tant de choses qu'à moins de les voir en aveugle on doit regarder jusqu'à se brûler ou se crever les yeux, et tous les ricanements des bonshommes, toutes les ordonnances de leurs clergés ou de leurs polices, ne pourront plus rien contre l'innocence farouche d'un univers enfin déchaîné.


Écrit intime

Paul Klee, Journal, 1957

Au-dedans de moi, quel changement ! J'ai vu vivre un morceau d'histoire. Le Forum et le Vatican m'ont adressé la parole. L'humanisme me veut prendre à la gorge, il est davantage qu'une torturante invention des professeurs de lycée. Il me faut le suivre, ne serait-ce qu'un bout de chemin. Adieu Elfes, fée de la lune, étoiles filantes.
Ma bonne étoile ne se lève point, ne se lèvera pas avant longtemps. Estime-toi heureux, Barbare ! Pourvu que tu puisses penser ! Ulysse a vu la mer et moi j'ai vu Rome. Exorcisé ! Voici l'Europe néoclassique.


Manifeste

René Crevel, Note en marge du jeu de la vérité, 1934

La nuit, de son phosphore, nourrit le soleil du jour à naître. Déterminateur non moins que déterminé, le rêve, dans les labyrinthes de ses volutes les plus particulières, désigne leurs chemins aux vérités générales, aux décisions qu’elles commandent.
  • « Note en marge du jeu de la vérité », René Crevel, Documents 34, nº 20, Avril 1934, p. 23


Nouvelle

Gérard de Nerval, Les Filles du feu, 1834

Sylvie

Plus loin que Louvre est un chemin bordé de pommiers dont j'ai vu bien des fois les fleurs éclater dans la nuit comme des étoiles de la terre.
  • Les Filles du feu (1834), Gérard de Nerval, éd. Maxi-Livres, coll. « Maxi-Poche Classiques Français », 1997  (ISBN 2-8771-4348-1), partie Sylvie — Souvenir du valois, III. Résolution, p. 117


Renée Vivien, La Dame à la Louve, 1904

Brune comme une Noisette

Seuls lui plaisaient le grand air, les marches à travers la forêt, les fleurs sauvages cueillies en chemin, et le péril et l’aventure. Elle était faite pour le péril et l’aventure autant que moi. Nous nous aimions en frères. Au fond de notre amitié, pourtant réelle, croupissait une vase corrompue de soupçon, de haine même. Elle se défiait de moi, et je n’oubliais pas mon ressentiment féroce de mâle dédaigné.
  • La Dame à la Louve, Renée Vivien, éd. Alphonse Lemaire, 1904, Brune comme une Noisette, p. 151


Poésie

Paul Eluard , L'Amour la poésie, 1929

Receleuse du réel

Tu ne pleureras pas
Tu ne videras pas cette besace de poussière
Et de félicités
Tu vas d'un concret à un autre
Par le plus court chemin celui des monstres.

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1929), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Défense de savoir, VII. Receleuse du réel, p. 235


Prose poétique

Robert Desnos, Pénalités de l'enfer, 1922

Je marche dans le chemin des forêts vierges tracé par la bordure du trottoir. Ce serait un crime que de piétiner ces ombres silencieuses, capables, au surplus, de mauvais desseins. Le Courrier de Lyon a volé mes cantiques aux lames du parquet sur lesquelles je nage voluptueusement vers des terres inconnues. Au moment suprême où je me noie je ferme à demi les yeux, les traits de mon visage descendent vers mon nombril. Je ressemble alors à ce petit gros Monsieur qui porte une lanterne en guise de nom.
  • « Pénalités de l'enfer », Robert Desnos, Littérature Nouvelle Série, nº 4, Septembre 1922, p. 10


Robert Desnos, Deuil pour deuil, 1924

La nuit sort de chez elle, vêtue de blanc et parée de billes de verre. Elle se promène lentement dans les jardins et les fleurs tenues éveillées par le souvenir du dernier papillon voient, avec émerveillement, passer cette grande figure pâle aux cheveux noirs dont quatre anges nègres aux ailes rousses tiennent les tresses. Ses pieds marquent profondément leur empreinte dans le sol et les vers luisants, égarés sur les chemins, contemplent longtemps ce souvenir d'un pied charmant présentant la particularité d'avoir deux pouces.


André Breton, Poisson soluble, 1924

Le vertige les mène, elles ne se retournent guère sur nous mais nous frappons le sol du sabot de notre cheval chaque fois que nous voulons signifier à telle ou telle que nous serions aise de la remonter à la surface. De la foulée s'échappent alors une nuée de poissons volants qui montrent le chemin aux belles imprudentes.


Journée audacieuse et fière qui n'a pas à compter sur l'indulgence de la terre et qui finira bien par lier sa gerbe d'étoiles comme les autres quand les petits enfants rentreront, l'oeil en bandoulière, par les chemins du hasard. Nous reparlons de cette journée entre haut et bas, dans les cours royales, dans les imprimeries. Nous en reparlerons pour nous en taire.


Paul Eluard , Capitale de la douleur, 1926

Dans la brume

Grand pays de bronze de la belle époque, par tes chemins en pente douce, l'inquiétude a déserté.
  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Dans la brume, p. 125


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927

Leur chemin sera toujours parsemé des tessons de bouteille à philtre du rêve interrompu, des cailloux pointus de l’ennui. Pieds blancs marchant dans des directions différentes, les engelures du doute vous meurtriront en dépit des prophéties onéreuses de la cartomancienne du faubourg.
  • La liberté ou l'amour ! (1927), Robert Desnos, éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1962  (ISBN 978-2-07-027695-0), III. Tout ce qu'on voit est d'or, p. 32


Tu passes rarement sur mon chemin. Je suis à l’âge où l’on commence à regarder ses doigts maigres, et où la jeunesse est si pleine, si réelle qu’elle ne va pas tarder à se flétrir. Tes lèvres font monter les larmes à mes yeux ; tu couches toute nue dans mon cerveau et je n’ose plus dormir.


Le corbillard le Louise Lame peut poursuivre dans Paris un chemin sans accidents, je ne le saluerai point au passage. J'ai rendez-vous demain avec Louise Lame et rien ne peut m’empêcher de m’y rendre. Elle y viendra. Pâle peut-être sous une couronne de clématites, mais réelle et tangible et soumise à ma volonté.


Corsaire Sanglot n’eut pas besoin de suivre son chemin pour que les allées de cyprès du songe solitaire connussent les semelles de son imagination.


Le corps de Louise Lame vaincue et fatiguée repose dans la flaque de sang. Le corsaire attentif comprend que l’heure est venue des représailles. Il s’apprête à sortir quand la sirène apparaît dans le salon. Il la saisit à bras le corps, la soulève et la jette à toute volée dans la rue, à travers une fenêtre. Les vitres volent en éclats et l’eau fait irruption dans le club : une eau bleue et bouillonnante, écumeuse, qui renverse les tables, les fauteuils, les buveurs. Corsaire Sanglot, durant ce temps, s’éloigne d’un quartier si paisible que le rêve y devient réalité. Son chemin est celui de la pensée, fougère à queue de paon.


Le Corsaire Sanglot réfléchit. Il se souvient d’un cadavre de femme et d’un salon où l’on buvait une douce liqueur... Il reprend le chemin du club des Buveurs de Sperme.


René Char, Fureur et mystère, 1948

Louis Curel de la Sorgue

La création et la risée se dissocient. L'air-roi s'annonce. Sorgue, tes épaules comme un livre ouvert propagent leur lecture. Tu as été, enfant, le fiancé de cette fleur au chemin tracé dans le rocher qui s'évadait par un frelon... Courbé, tu observes aujourd'hui l'agonie du persécuteur qui arracha à l'aimant de la terre la cruauté d'innombrables fourmis pour la jeter en millions de meurtriers contre les tiens et ton espoir. Ecrase donc encore une fois cet oeuf cancéreux qui résiste...
  • Fureur et mystère (1948), René Char, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1962  (ISBN 2-07-030065-X), partie SEULS DEMEURENT (1938-1944), Louis Curel de la Sorgue, p. 41


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Grand monde

Dans chacun des chemins qui mènent à toi, il y a une question sans revers, une hache, une indication ambiguë dans son innocence, une coupe emplie de feu, une autre question qui n'est qu'une seule entaille, bien des viscosités luxueuses, un hallier de fallacieuses allusions entretissées.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Grand monde, p. 97


Récit de voyage

Guy de Maupassant, La Vie errante, 1890

Lassitude

[...] pas un ami qui dîne chez lui ou qui consente à dîner chez vous.
Quand on l’invite, il accepte à la condition qu’on banquettera sur la tour Eiffel. C’est plus gai. Et tous, comme par suite d’un mot d’ordre, ils vous y convient ainsi tous les jours de la semaine, soit pour déjeuner, soit pour dîner.
Dans cette chaleur, dans cette poussière, dans cette puanteur, dans cette foule de populaire en goguette et en transpiration, dans ces papiers gras traînant et voltigeant partout, dans cette odeur de charcuterie et de vin répandu sur les bancs, dans ces haleines de trois cent mille bouches soufflant le relent de leurs nourritures, dans le coudoiement, dans le frôlement, dans l’emmêlement de toute cette chair échauffée, dans cette sueur confondue de tous les peuples semant leurs puces sur les sièges et par les chemins, je trouvais bien légitime qu’on allât manger une fois ou deux, avec dégoût et curiosité, la cuisine de cantine des gargotiers aériens, mais je jugeais stupéfiant qu’on pût dîner, tous les soirs, dans cette crasse et dans cette cohue, comme le faisait la bonne société, la société délicate, la société d’élite, la société fine et maniérée qui, d’ordinaire, a des nausées devant le peuple qui peine et sent la fatigue humaine.


Roman

Alexandre Dumas, Le Capitaine Pamphile, 1839

Le soir, je rentrai assez tard, comme c'est ma coutume. Aux premiers pas que je fis dans ma chambre, je sentis que quelque chose craquait sous ma botte. Je levai vitement le pied, rejetant tout le poids de mon corps sur l'autre jambe : le même craquement se fit entendre de nouveau ; je cru que je marchais sur des oeufs. Je baissai ma bougie... Mon tapis était couvert d'escargots.
Joseph m'avait ponctuellement obéi : il avait acheté de la salade et des escargots, avait mis le tout dans un panier au milieu de ma chambre ; dix minutes après, soit que la peur d'être croqués les eût saisis d'émoi, toute la caravane s'était mise en route, et elle avait même déjà fait passablement de chemin ; ce qui était facile à juger par les traces argentées qu'ils avaient laissées sur les tapis et sur les meubles.
Quant à Gazelle, elle était restée au fond du panier, contre les parois duquel elle n'avait pu grimper. Mais quelques coquilles vides me prouvèrent que la fuite des Israélites n'avait pas été si rapide, qu'elle n'eût mis la dent sur quelques-uns avant qu'ils eussent le temps de traverser la mer Rouge.

  • Le Capitaine Pamphile (1839), Alexandre Dumas, éd. Gallimard, coll. « Folio classique », 2003  (ISBN 978-2-07-042652-2), I. Introduction à l'aide de laquelle le lecteur fera connaissance avec les principaux personnages de cette histoire et l'auteur qui l'a écrite, p. 43


André Breton, L'Amour fou, 1937

Cette femme qui venait d'entrer allait bientôt se retrouver dans la rue, où je l'attendais sans me montrer. Dans la rue... L'admirable courant du soir faisait miroiter comme nulle autre cette région la plus vivante et par instants la plus trouble de Montmartre. Et cette silhouette devant moi qui fuyait, interceptée sans cesse par de mobiles buissons noirs. L'espoir – au reste quel espoir ? – ne faisait déjà plus voleter à mes côtés qu'une très petite flamme déteinte. Et les trottoirs bifurquaient inexplicablement tour à tour, selon un itinéraire aussi capricieux que possible. Contre toute apparence, je me demandais si je n'avais pas été aperçu pour qu'on m'entraînât ainsi dans le plus merveilleux chemin des écoliers. Il finit tout de même par me mener quelque part, à une station quelconque de véhicules.


C'est bientôt juin et l'héliotrope penche sur les miroirs ronds et noirs du terreau mouillé ses milliers de crêtes. Ailleurs les bégonias recomposent patiemment leur grande rosace de vitrail, où domine le rouge solaire, qui éteint un peu plus, là-bas, celle de Notre-Dame. Toutes les fleurs, à commencer même par les moins exubérantes de ce climat, conjuguent à plaisir leur force comme pour me rendre toute la jeunesse de la sensation. Fontaine claire où tout le désir d'entraîner avec moi un être nouveau se reflète et vient boire, tout le désir de reprendre à deux, puisque cela n'a encore pu se faire, le chemin perdu au sortir de l'enfance et qui glissait, embaumant la femme encore inconnue, la femme à venir, entre les prairies. Est-ce enfin vous cette femme, est-ce seulement aujourd'hui que vous deviez venir ?


L'arène s'est déroulée à son tour selon la volute des chemins poudreux qu'ont remontés le dimanche précédent les acclamations de la foule, à cette minute où l'homme, pour concentrer sur lui toute la fierté des hommes, tout le désir des femmes, n'a qu'à tenir au bout de son épée la masse de bronze au croissant lumineux qui réellement tout à coup piétine, le taureau admirable, aux yeux étonnés. C'était alors le sang, non plus cette eau vitrée d'aujourd'hui, qui descendait en cascades vers la mer. Les petits enfants de la terrasse n'avaient d'yeux que pour le sang, on les avait menés là sans doute dans l'espoir qu'ils s'accoutumassent à le répandre, aussi bien le leur que celui d'un monstre familier, dans le tumulte et l'étincellement qui excusent tout.