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== Littérature ==
== Littérature ==

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Littérature

Critique

André Pieyre de Mandiargues, Le Musée noir, 1924

Introduction

Allez en forêt saisir le midi frémissant des clairières ; découvrez le minuit des carrières à l'abandon, des plages retirées où s'enjolivent de lune les menues alluvions déposées par le flot ; explorez les gares, les passages, les souterrains des grandes villes, les maisons closes comme des confitures de velours en pots de miroir, les salles de jeu, les foires à la brocante, les théâtre vieillis ; parcourez les gorges des torrents polies et dures telles que des chevaux cabrés, les grottes, les chemins de planches jetés aux marécages ; tant de choses qu'à moins de les voir en aveugle on doit regarder jusqu'à se brûler ou se crever les yeux, et tous les ricanements des bonshommes, toutes les ordonnances de leurs clergés ou de leurs polices, ne pourront plus rien contre l'innocence farouche d'un univers enfin déchaîné.


Écrit intime

Paul Klee, Journal, 1957

Au-dedans de moi, quel changement ! J'ai vu vivre un morceau d'histoire. Le Forum et le Vatican m'ont adressé la parole. L'humanisme me veut prendre à la gorge, il est davantage qu'une torturante invention des professeurs de lycée. Il me faut le suivre, ne serait-ce qu'un bout de chemin. Adieu Elfes, fée de la lune, étoiles filantes.
Ma bonne étoile ne se lève point, ne se lèvera pas avant longtemps. Estime-toi heureux, Barbare ! Pourvu que tu puisses penser ! Ulysse a vu la mer et moi j'ai vu Rome. Exorcisé ! Voici l'Europe néoclassique.


Manifeste

René Crevel, Note en marge du jeu de la vérité, 1934

La nuit, de son phosphore, nourrit le soleil du jour à naître. Déterminateur non moins que déterminé, le rêve, dans les labyrinthes de ses volutes les plus particulières, désigne leurs chemins aux vérités générales, aux décisions qu’elles commandent.
  • « Note en marge du jeu de la vérité », René Crevel, Documents 34, nº 20, Avril 1934, p. 23


Nouvelle

Renée Vivien, La Dame à la Louve, 1904

Brune comme une Noisette

Seuls lui plaisaient le grand air, les marches à travers la forêt, les fleurs sauvages cueillies en chemin, et le péril et l’aventure. Elle était faite pour le péril et l’aventure autant que moi. Nous nous aimions en frères. Au fond de notre amitié, pourtant réelle, croupissait une vase corrompue de soupçon, de haine même. Elle se défiait de moi, et je n’oubliais pas mon ressentiment féroce de mâle dédaigné.
  • La Dame à la Louve, Renée Vivien, éd. Alphonse Lemaire, 1904, Brune comme une Noisette, p. 151


Poésie

Paul Eluard , L'Amour la poésie, 1929

Receleuse du réel

Tu ne pleureras pas
Tu ne videras pas cette besace de poussière
Et de félicités
Tu vas d'un concret à un autre
Par le plus court chemin celui des monstres.

  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1929), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Défense de savoir, VII. Receleuse du réel, p. 235


Prose poétique

Robert Desnos, Deuil pour deuil, 1924

La nuit sort de chez elle, vêtue de blanc et parée de billes de verre. Elle se promène lentement dans les jardins et les fleurs tenues éveillées par le souvenir du dernier papillon voient, avec émerveillement, passer cette grande figure pâle aux cheveux noirs dont quatre anges nègres aux ailes rousses tiennent les tresses. Ses pieds marquent profondément leur empreinte dans le sol et les vers luisants, égarés sur les chemins, contemplent longtemps ce souvenir d'un pied charmant présentant la particularité d'avoir deux pouces.


André Breton, Poisson soluble, 1924

Le vertige les mène, elles ne se retournent guère sur nous mais nous frappons le sol du sabot de notre cheval chaque fois que nous voulons signifier à telle ou telle que nous serions aise de la remonter à la surface. De la foulée s'échappent alors une nuée de poissons volants qui montrent le chemin aux belles imprudentes.


Journée audacieuse et fière qui n'a pas à compter sur l'indulgence de la terre et qui finira bien par lier sa gerbe d'étoiles comme les autres quand les petits enfants rentreront, l'oeil en bandoulière, par les chemins du hasard. Nous reparlons de cette journée entre haut et bas, dans les cours royales, dans les imprimeries. Nous en reparlerons pour nous en taire.


Paul Eluard , Capitale de la douleur, 1926

Dans la brume

Grand pays de bronze de la belle époque, par tes chemins en pente douce, l'inquiétude a déserté.
  • Capitale de la douleur suivi de L'amour la poésie (1926), Paul Eluard, éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 978-2-07-030095-2), partie Nouveaux poèmes, Dans la brume, p. 125


Robert Desnos, La liberté ou l'amour !, 1927

Leur chemin sera toujours parsemé des tessons de bouteille à philtre du rêve interrompu, des cailloux pointus de l’ennui. Pieds blancs marchant dans des directions différentes, les engelures du doute vous meurtriront en dépit des prophéties onéreuses de la cartomancienne du faubourg.
  • La liberté ou l'amour ! (1927), Robert Desnos, éd. Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1962  (ISBN 978-2-07-027695-0), III. Tout ce qu'on voit est d'or, p. 32


Tu passes rarement sur mon chemin. Je suis à l’âge où l’on commence à regarder ses doigts maigres, et où la jeunesse est si pleine, si réelle qu’elle ne va pas tarder à se flétrir. Tes lèvres font monter les larmes à mes yeux ; tu couches toute nue dans mon cerveau et je n’ose plus dormir.


Le corbillard le Louise Lame peut poursuivre dans Paris un chemin sans accidents, je ne le saluerai point au passage. J'ai rendez-vous demain avec Louise Lame et rien ne peut m’empêcher de m’y rendre. Elle y viendra. Pâle peut-être sous une couronne de clématites, mais réelle et tangible et soumise à ma volonté.


Corsaire Sanglot n’eut pas besoin de suivre son chemin pour que les allées de cyprès du songe solitaire connussent les semelles de son imagination.


Le corps de Louise Lame vaincue et fatiguée repose dans la flaque de sang. Le corsaire attentif comprend que l’heure est venue des représailles. Il s’apprête à sortir quand la sirène apparaît dans le salon. Il la saisit à bras le corps, la soulève et la jette à toute volée dans la rue, à travers une fenêtre. Les vitres volent en éclats et l’eau fait irruption dans le club : une eau bleue et bouillonnante, écumeuse, qui renverse les tables, les fauteuils, les buveurs. Corsaire Sanglot, durant ce temps, s’éloigne d’un quartier si paisible que le rêve y devient réalité. Son chemin est celui de la pensée, fougère à queue de paon.


Le Corsaire Sanglot réfléchit. Il se souvient d’un cadavre de femme et d’un salon où l’on buvait une douce liqueur... Il reprend le chemin du club des Buveurs de Sperme.


Octavio Paz, Liberté sur parole, 1958

Grand monde

Dans chacun des chemins qui mènent à toi, il y a une question sans revers, une hache, une indication ambiguë dans son innocence, une coupe emplie de feu, une autre question qui n'est qu'une seule entaille, bien des viscosités luxueuses, un hallier de fallacieuses allusions entretissées.
  • Liberté sur parole (1958), Octavio Paz (trad. Jean-Clarence Lambert), éd. Gallimard, coll. « Poésie », 1966  (ISBN 2-07-031789-7), partie II. AIGLE OU SOLEIL ? (1949-1950), Aigle ou Soleil ? — Grand monde, p. 97


Récit de voyage

Guy de Maupassant, La Vie errante, 1890

Lassitude

[...] pas un ami qui dîne chez lui ou qui consente à dîner chez vous.
Quand on l’invite, il accepte à la condition qu’on banquettera sur la tour Eiffel. C’est plus gai. Et tous, comme par suite d’un mot d’ordre, ils vous y convient ainsi tous les jours de la semaine, soit pour déjeuner, soit pour dîner.
Dans cette chaleur, dans cette poussière, dans cette puanteur, dans cette foule de populaire en goguette et en transpiration, dans ces papiers gras traînant et voltigeant partout, dans cette odeur de charcuterie et de vin répandu sur les bancs, dans ces haleines de trois cent mille bouches soufflant le relent de leurs nourritures, dans le coudoiement, dans le frôlement, dans l’emmêlement de toute cette chair échauffée, dans cette sueur confondue de tous les peuples semant leurs puces sur les sièges et par les chemins, je trouvais bien légitime qu’on allât manger une fois ou deux, avec dégoût et curiosité, la cuisine de cantine des gargotiers aériens, mais je jugeais stupéfiant qu’on pût dîner, tous les soirs, dans cette crasse et dans cette cohue, comme le faisait la bonne société, la société délicate, la société d’élite, la société fine et maniérée qui, d’ordinaire, a des nausées devant le peuple qui peine et sent la fatigue humaine.