« Vladimir Nabokov » : différence entre les versions
Aucun résumé des modifications |
|||
Ligne 19 : | Ligne 19 : | ||
{{citation|citation=L'art d'écrire est un art très futile s'il n'implique pas avant tout l'art de voir le monde comme un potentiel de fiction. Le matériau de ce monde peut être bien réel (pour autant qu'il y ait une réalité), mais n'existe aucunement en tant qu'intégralité acceptée comme telle : c'est un chaos, et à ce chaos l'auteur dit : « Va ! » et le monde vacille et entre en fusion. Et voilà que se recombinent non seulement ses éléments visibles et superficiels, mais ses atomes mêmes. L'écrivain est le premier homme à en dresser la carte et à donner des noms aux objets naturels qu'il contient. Ces baies-là sont comestibles. Cette créature mouchetée qui a bondi sur mon chemin peut être domestiquée. Ce lac entre les arbres s'appellera le lac d'Opale, ou, plus artistiquement, le lac Lavasse. Cette brume est une montagne et cette montagne doit être conquise. Le grand artiste gravit une pente vierge et, arrivé au sommet, au détour d'une corniche battue par les vents, qui croyez-vous qu'il rencontre ? Le lecteur haletant et heureux. Tous deux tombent spontanément dans les bras l'un de l'autre et demeurent unis à jamais si le livre vit à jamais.}} |
{{citation|citation=L'art d'écrire est un art très futile s'il n'implique pas avant tout l'art de voir le monde comme un potentiel de fiction. Le matériau de ce monde peut être bien réel (pour autant qu'il y ait une réalité), mais n'existe aucunement en tant qu'intégralité acceptée comme telle : c'est un chaos, et à ce chaos l'auteur dit : « Va ! » et le monde vacille et entre en fusion. Et voilà que se recombinent non seulement ses éléments visibles et superficiels, mais ses atomes mêmes. L'écrivain est le premier homme à en dresser la carte et à donner des noms aux objets naturels qu'il contient. Ces baies-là sont comestibles. Cette créature mouchetée qui a bondi sur mon chemin peut être domestiquée. Ce lac entre les arbres s'appellera le lac d'Opale, ou, plus artistiquement, le lac Lavasse. Cette brume est une montagne et cette montagne doit être conquise. Le grand artiste gravit une pente vierge et, arrivé au sommet, au détour d'une corniche battue par les vents, qui croyez-vous qu'il rencontre ? Le lecteur haletant et heureux. Tous deux tombent spontanément dans les bras l'un de l'autre et demeurent unis à jamais si le livre vit à jamais.}} |
||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=36|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=Bons lecteurs et bons écrivains}} |
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=36|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=Bons lecteurs et bons écrivains}} |
||
==== [[Gustave Flaubert]] (1821-1880) — Madame Bovary (1856) ==== |
|||
{{citation|citation=Le livre traite de l'adultère et il contient des situations et des allusions qui ont choqué le régime prude et philistin de Napoléon III. Le roman a même été cité en justice pour obscénité. Imaginez un peu cela. Comme si l'oeuvre d'un artiste pouvait jamais être obscène. Je suis heureux de vous dire que Flaubert a gagné son procès.}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=192|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Gustave Flaubert]] (1821-1880) — Madame Bovary (1856)}} |
|||
{{citation|citation=La bourgeoisie, pour Flaubert, est un état d'esprit, pas un état de finances. Dans une célèbre scène de notre livre, où l'on voit une vieille femme, qui a travaillé dur toute sa vie, recevoir une médaille, pour avoir trimé comme une esclave pour son fermier-patron, sous le regard béat d'un aéropage de bourgeois épanouis, faites-y bien attention, il y a philistinisme des deux côtés, politiciens épanouis et vieille paysanne superstitieuse sont également bourgeois au sens flaubertien du terme.}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=193|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Gustave Flaubert]] (1821-1880) — Madame Bovary (1856)}} |
|||
==== [[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913) ==== |
|||
{{citation|citation=[[Jean Cocteau]] a appelé l'oeuvre « une miniature géante, pleine de mirages, de jardins surimposés, de parties jouées entre l'espace et le temps ».}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=287|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913)}} |
|||
{{citation|citation=[[Marcel Proust|Proust]] est un prisme. Son seul objet est de réfracter, et, par réfraction, de recréer rétrospectivement un monde. Ce monde lui-même, les habitants de ce monde, n'ont aucune espèce d'importance historique ou sociale. Il se trouve qu'ils sont ce que les échotiers appellent des représentants du Tout-Paris, des messieurs et des dames qui ne font rien, de riches oisifs. Les seules professions que l'on nous montre en action, ou à travers leurs résultats, relèvent de l'art ou de l'érudition. Les créatures prismatiques de Proust n'ont pas d'emploi, leur emploi est d'amuser l'auteur. Elles sont aussi libres de s'adonner au plaisir et à la conversation que ces légendaires personnages de l'antiquité que nous nous représentons si clairement allongés autour de tables chargées de fruits, ou foulant des sols décorés tout en échangeant de hautes théories, mais que nous ne nous représentons jamais à la comptabilité ou dans un chantier naval.}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=287|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913)}} |
|||
{{citation|citation=Chez les romanciers qui l'ont précédé, il y avait une distinction très nette entre passage descriptif et partie dialoguée : un passage de nature descriptive, puis l'on passe à la conversation, et ainsi de suite. Notez qu'il s'agit là d'une méthode encore en usage aujourd'hui dans la littérature conventionnelle, la littérature de série B et de série C, qu'on sert en bouteilles, et une littérature non côtée qu'on débite à pleins seaux. Mais, chez Proust, conversations et descriptions s'entremêlent, créant une nouvelle unité où fleur et feuilles et insecte appartiennent à un seul et même arbre en fleurs.}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=292|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=[[Marcel Proust]] (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913)}} |
|||
==== L'Art de la littérature et le bon sens ==== |
|||
{{citation|citation=.}} |
|||
{{Réf Livre|titre=Littératures|auteur=Vladimir Nabokov|éditeur=Robert Laffont|année=2010|année d'origine=1980|page=292|collection=Bouquins|partie=Littératures I|section=L'Art de la littérature et le bon sens}} |
|||
== D'autres auteurs le concernant == |
== D'autres auteurs le concernant == |
Version du 18 décembre 2011 à 18:00
Vladimir Nabokov (en russe Владимир Владимирович Набоков) est un romancier, poète et critique littéraire américain d'origine russe né à Saint-Pétersbourg le 23 avril 1899, mort à Montreux le 2 juillet 1977.
Citations propres à l'auteur
Lolita, 1955
- Lolita (1955), Vladimir Nabokov (trad. E. H. Kahane), éd. Gallimard, coll. « Folio », 1959, p. 86
La Transparence des choses, 1972
- La Transparence des choses (1972), Vladimir Nabokov (trad. Donald Harper et Jean-Bernard Blandenier), éd. Arthème Fayard, coll. « Folio », 1979, p. 31
Littératures, 1980
Vladimir Nabokov a enseigné la littérature européenne de 1941 à 1958. Ces cours qu'il a professé dans plusieurs universités américaines se trouvent réunis dans Littératures.
Bons lecteurs et bons écrivains
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Bons lecteurs et bons écrivains, p. 35
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Bons lecteurs et bons écrivains, p. 36
Gustave Flaubert (1821-1880) — Madame Bovary (1856)
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Gustave Flaubert (1821-1880) — Madame Bovary (1856), p. 192
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Gustave Flaubert (1821-1880) — Madame Bovary (1856), p. 193
Marcel Proust (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913)
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Marcel Proust (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913), p. 287
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Marcel Proust (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913), p. 287
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, Marcel Proust (1871-1922) — Du côté de chez Swann (1913), p. 292
L'Art de la littérature et le bon sens
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, partie Littératures I, L'Art de la littérature et le bon sens, p. 292
D'autres auteurs le concernant
Tu aimes l'art parce que tu goûtes encore l'aventure, le jeu, les dieux, rire et jouir. Tu aimes l'art parce qu'il t'innocente du cauchemar collectif, révèle ton âme comme foyer vivant d'énergie et de désir vrais, cibles et flèches érotiques. Tu aimes l'art parce que tu hais la mort et d'ailleurs n'y crois pas, le problème du temps se résolvant en épiphanies dans ta solitude pensive.
Il va sans dire alors que ces cours sont pour toi — comme d'ailleurs toute l'oeuvre de Nabokov. Car véritables exercices de guerre défensive, ils retournent contre l'ennemi les armes mêmes que ce dernier entend liquider : raison, sensibilité, esprit critique, jouissance, luxe.
- Cécile Guilbert préfaçant la réédition de 2010 des cours de littérature européenne de Vladimir Nabokov, professés entre 1941 et 1958 dans plusieurs universités américaines et réunis sous le titre Littératures.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. VIII
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. X
« J'ai toujours eu un certain nombre de rôles en réserve au cas où ma muse me ferait défaut », assentit Nabokov avec son humour habituel à un interviewer de la BBC venu l'interroger quelques semaines avant sa mort, en 1977 : « En tête venait le lépidoptériste, explorateur de célèbres jungles. Ensuite il y avait le grand maître aux échecs, puis le champion de tennis au revers implacable, enfin le goal qui arrête un but historique, et pour finir, l'auteur d'une pile d'ouvrages inconnus : Feu pâle, Lolita, Ada, que découvrent et publient mes héritiers. »
Or, bizarrement, il a omis de cette malicieuse déclaration son rôle de professeur. Un rôle qu'il a pourtant joué pendant presque vingt ans. Un rôle exécuté avec le soin et la fougue qu'il propulsait dans tout ce qu'il entreprenait. Un rôle interprété avec tant d'originalité que tous ses spectateurs s'en souviennent encore. Un rôle qui, à l'instar des autres et les diffractant tous, a laissé de volumineuses traces imprimées dans lesquelles on le retrouve tout entier.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XIV
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XV
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XVIII
- Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XIII
- Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XIX
- Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XX
- Point de vue de Vladimir Nabokov sur le philistinisme.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXI
[...] toute règle possédant son exception, il lui arrive d'évoquer dans sa correspondance « 146 étudiants morts d'ennui et 4 enthousiastes ». Et au fond, c'est à ces quatre-là seulement qu'il s'adresse.
Car à l'opposé du philistin, à toutes les époques et dans tous les milieux, se dresse l'individu particulier, singulier, solitaire, spirituellement différent. Forcément rare et minoritaire, c'est l'artiste, mais aussi l'opposant politique, le dissident, le scissionniste, le résistant. C'est lexicalement parlant le libertin [En « fauconnerie, se dit de l'oiseau de proie qui s'écarte et ne revient pas » (Littré).], mais aussi l'excentrique, le décalé. Nul n'a été plus sensible que Nabokov à la fragilité de cette différence, de cette discordance toujours menacée, étouffée ou combattue. Pas seulement par la dictature mais par le ressentiment démocratique. Pas seulement par la censure mais par l'indifférence, l'insensibilité, voire la cruauté. « Quiconque dont l'esprit est assez fier pour ne pas se développer suivant un schéma invariable, dit-il, a en secret une bombe derrière la tête. » Mais aussi : « Plus l'individu est brillant, plus il est près du bûcher. Etranger rime toujours avec danger. »
Ce « brillant étranger » (suivez son regard) est bien sûr au premier chef le grand écrivain, mais aussi l'excellent lecteur communiquant avec lui dans la jouissance de l'art.
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXII
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXIV
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXX
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXX
- Littératures (1980), Vladimir Nabokov, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, Préface de Cécile Guilbert — Les ruses du professeur Nabokov, p. XXXI