« Paul-Claude Racamier » : différence entre les versions

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{{citation|citation=<poem>Racamier (1992) insiste quant à lui sur la force libidinale du système défensif des psychotiques mais aussi du délire permettant au fonctionnement psychique d'assurer sa survie. Pour cet auteur, dans la schizophrénie, l'activation du fantasme d'auto-engendrement entraîne une sorte d'explosion interne, fulgurante, anéantissante et triomphante et constitue ce qu'il appelle « un évènement psychique blanc : une éblouissante déflagration psychique. Ce qu'on prend pour la catastrophe, c'est exactement cet évènement psychique blanc qui fait le vide et fascine à jamais » (l'évènement psychique blanc n'équivaut pas à la psychose blanche de Donnet et Green, mais on y retrouve cette notion importante d'un court-circuit psychique « follement excitant et terriblement sidérant »).
{{citation|citation=<poem>Racamier (1992) insiste quant à lui sur la force libidinale du système défensif des psychotiques mais aussi du délire permettant au fonctionnement psychique d'assurer sa survie. Pour cet auteur, dans la schizophrénie, l'activation du fantasme d'auto-engendrement entraîne une sorte d'explosion interne, fulgurante, anéantissante et triomphante et constitue ce qu'il appelle « un évènement psychique blanc : une éblouissante déflagration psychique. Ce qu'on prend pour la catastrophe, c'est exactement cet évènement psychique blanc qui fait le vide et fascine à jamais » (l'évènement psychique blanc n'équivaut pas à la psychose blanche de Donnet et Green, mais on y retrouve cette notion importante d'un court-circuit psychique « follement excitant et terriblement sidérant »).
L'évènement psychique blanc, reprend Racamier, est un cas majeur d'« orgasmes du moi », préludes aux développements délirants. Les hallucinations aussi ont un caractère orgastique.</poem>}}{{Réf Livre|titre=Processus de la schizophrénie|auteur=Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet|éditeur=Dunod|collection=Psycho Sup|année=2002|année d'origine=2002|page=97|section=1. Formes et caractéristiques de la schizophrénie|chapitre=II « Approche psycho-pathologique et clinique de la schizophrénie (Catherine Azoulay) »|ISBN=2-10-004780-9}}
L'évènement psychique blanc, reprend Racamier, est un cas majeur d'« orgasmes du moi », préludes aux développements délirants. Les hallucinations aussi ont un caractère orgastique.</poem>}}{{Réf Livre|titre=Processus de la schizophrénie|auteur=Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet|éditeur=Dunod|collection=Psycho Sup|année=2002|année d'origine=2002|page=97|section=1. Formes et caractéristiques de la schizophrénie|chapitre=II « Approche psycho-pathologique et clinique de la schizophrénie (Catherine Azoulay) »|ISBN=2-10-004780-9}}

=== [[Cédric Roos]], ''La relation d'emprise dans le soin'', 2006 ===
{{citation|<poem>La perversion est une activité de nature auto-érotique qui a pour condition le déni du statut de sujet chez le partenaire (F. Pasche, 1983). La perversité au contraire est de nature destructrice et vise la réalité psychique de l’autre qui est agressé (Ey, 1989).
Pour Racamier, la « pensée perverse » doit s’entendre au sens de la perversité, et non de la perversion érogène.</poem>}}
{{Réf Pub|nom=La relation d'emprise dans le soin|date=2006|lieu=La relation d'emprise (cadre psychanalytique) : Du point de vue de l'instigateur d'une relation d'emprise ''Le pervers narcissique : conformer l'autre en un identique''|source=[http://www.textes-psy.com/spip.php?article1017]|parution=Textes Psy|auteur=[[Cédric Roos]]}}

{{citation|<poem>Pour Racamier, le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui et, pour finir, non seulement sans peine, mais avec jouissance (Racamier, 1992).
La perversion narcissique correspond à l’aboutissement de ce mouvement, sa destination. Elle se définit donc comme « une façon particulière de se mettre à l’abri des conflits internes en se faisant valoir aux dépens de l’entourage. » (Racamier, 1992).</poem>}}
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{{citation|Lorsque l’objet de l’emprise est vidé de sa substance, abattu par la violence qui lui est infligée, lorsque, réduit à l’état d’ustensile, il n’a plus rien d’enviable, le pervers le délaisse pour un autre. Le pervers narcissique prend à tous mais ne doit rien à personne. Pour Racamier, il s’agit de faire taire cette « envie prédatrice et tenaillante » décrite par M. Klein, « qui s’exerce avec virulence envers tout ce qui est capable de dispenser richesse psychique et créativité, à commencer par le sein maternel ».}}
{{Réf Pub|nom=La relation d'emprise dans le soin|date=2006|lieu=La relation d'emprise (cadre psychanalytique) : Du point de vue de l'instigateur d'une relation d'emprise ''Le pervers narcissique : conformer l'autre en un identique''|source=[http://www.textes-psy.com/spip.php?article1017]|parution=Textes Psy|auteur=[[Cédric Roos]]}}

{{citation|La relation d’emprise obéit à des règles communicationnelles singulières qui prédisposent la personne sous emprise en paralysant ses défenses. Elle vit la relation dans une sorte d’état second, de rétrécissement de la conscience. Confuse, elle perd tout sens critique ce qui permet chez elle la coexistence paradoxale d’un non consentement et d’une acceptation. C’est ce que Racamier dénomme le « décervelage ».}}
{{Réf Pub|nom=La relation d'emprise dans le soin|date=2006|lieu=Modèle systémique : Caractéristiques communicationnelles de la relation d'emprise|source=[http://www.textes-psy.com/spip.php?article1017]|parution=Textes Psy|auteur=[[Cédric Roos]]}}


=== [[Alberto Eiguer]], ''Psychanalyse du libertin'', 2010 ===
=== [[Alberto Eiguer]], ''Psychanalyse du libertin'', 2010 ===

Version du 21 février 2012 à 16:38

Paul-Claude Racamier, né en 1924 dans le Doubs, mort en 1996, fut un médecin psychiatre et psychanalyste français.

Citations propres à l'auteur

Pensée perverse et décervelage, 1992

Préambule

Des sujets qui, plutôt que de souffrir des peines ordinaires, font souffrir des tourments extraordinaires au moi des autres ; [...] des noyaux pervers gâchant tout alentour les charmes de la libido et les vertus de la vérité; une pensée s’exerçant à tarir le courant de la pensée : rien de plus contraire à l’esprit de la psychanalyse, rien de plus difficile à comprendre ; et pourtant rien de plus important à connaître dans les rouages interpsychiques des familles, des institutions, des groupes et même des sociétés.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Préambule, dans [1], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Sources et trajets

On ne saura jamais assez que l’aberration du fonctionnement mental n’est pas l’apanage des psychotiques. Et quant à leur capacité (si souvent célébrée) de troubler la pensée d’autrui, ils sont loin d’en détenir le privilège.
D’autres qu’eux, baignant dans le confort psychique, passant pour normaux et se tenant pour supernormaux, sont beaucoup plus experts en décervelage ; car le décervelage est l’apanage le plus redoutable de la pensée perverse. Des intrications étranges et souvent secrètes se trament entre psychose et perversion, dans un jeu diabolique où les psychotiques perdent presque à tous les coups.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Sources et trajets, dans [2], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Sources et trajets Définition, dans [3], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Des matériaux intrapsychiques insuffisamment travaillés par un sujet (ou tout aussi bien par un organisme familial ou groupal) se transforment en poisons psychiques expulsés dans l’entourage : à la disproportion quantitative entre les charges s’ajoute un contraste qualitatif inouï. C’est ainsi qu’à la saisissante innocence du cliveur, si bien décrite par Jean Guillaumin, répond par contraste l’accablante perplexité où se trouve plongé le « colmateur obligé » du clivage.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Sources et trajets Un grand écart, dans [4], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Mouvement pervers narcissique

La perversion narcissique s’organise : elle sera ce qui empoisonne les autres, sans du tout incommoder celle ou celui qui l’exerce.
Une double opération sera donc menée à bien, qui consiste :
— à expulser hors de soi les conflits ou leurs traces et les douleurs ou les peines, sur le dos et dans la tête des autres, à charge pour eux de les héberger et de les agir ;
— à augmenter la valeur narcissique propre au détriment de l’autre, employé comme ustensile et comme faire-valoir.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Plaisir manipulatoire, et faire-valoir narcissique, dans [5], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Je parle au singulier. Il faudrait parler au pluriel. C’est que la perversion narcissique est loin d’être une affaire individuelle : c’est une affaire collective, et à partir du moment où les espaces psychiques sont transgressés, nous savons que tous les débordements sont possibles.
Pareillement, le mouvement pervers est loin d’être une affaire intrapsychique. C’est une affaire hautement interactive. Car il est tellement, ce mouvement, tourné vers autrui, qu’il ne cesse de s’en servir.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Plaisir manipulatoire, et faire-valoir narcissique, dans [6], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Il s’agit d’éteindre et de tarir en soi cette envie dont a si bien parlé Mélanie Klein, dans l’un de ses derniers et meilleurs écrits, cette envie prédatrice et tenaillante qui s’exerce avec virulence envers tout ce qui est capable de dispenser richesse psychique et créativité, à commencer par le sein maternel. Dès lors que l’objet est non seulement vidé, mais cloué au sol par les tâches qui lui sont infligées, dès lors qu’il est impérieusement soutiré, il n’a plus rien d’enviable, réduit qu’il a été à l’état d’ustensile.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Plaisir manipulatoire, et faire-valoir narcissique, dans [7], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Le pervers narcissique accompli a tout à prendre à tout le monde, mais ne doit rien à personne.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Plaisir manipulatoire, et faire-valoir narcissique, dans [8], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Aussi bien, dès qu’un brin de créativité passe, voit-on bientôt accourir un pervers, dans l’espoir d’y planter son bec : impuissant mais manoeuvrier, infécond mais prédateur.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Plaisir manipulatoire, et faire-valoir narcissique, dans [9], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[...] le pervers s’en prend à notre peau, cette peau dont nous savons (D. Anzieu) que l’une des fonctions est d’assurer l’auto-immunité psychique.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Question d’immunité, question de liaison, dans [10], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Son procédé majeur, son arme, devrais-je dire, c’est la disjonction. Il s’agit de disjoindre les personnes, les informations, les pensées : il s’agit toujours de rompre des liens.
La perversion narcissique constitue sans aucun doute le plus grand danger qui soit dans les familles, les groupes, les institutions et les sociétés. Rompre les liens, c’est attaquer l’amour objectal et c’est attaquer l’intelligence même : la peste n’a pas fait pis.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Question d’immunité, question de liaison, dans [11], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[...] le pervers s’évertue à faire fonctionner la séduction à sens unique : il cherche à fasciner sans se laisser prendre aux rets de l’attraction objectale.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Quelques perversions, dans [12], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[...] le pervers narcissique accompli se montre socialisé, séducteur, socialement conforme, et se voulant supernormal : la normalité, c’est son meilleur déguisement.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Quelques perversions, dans [13], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


L’aurais-je déjà dit : narcissique, il ne doit rien à personne ; mais narcissique, il a tout à prendre à tout le monde.
Et si l’on venait à me dire que l’imposture, le faux et usage de faux, l’abus de confiance, la fausseté d’esprit, l’escroquerie financière et morale, relèvent de cette perversité-là, je n’en disconviendrai certainement pas.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Mouvement pervers narcissique Quelques perversions, dans [14], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


De la pensée perverse au désordre de pensée

[...] la pensée perverse est pauvre; c’est qu’elle ne sait combiner que des déliaisons. Elle est déplaisante: c’est qu’elle n’est pas tournée vers le plaisir et surtout pas vers le plaisir de penser.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [15], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Afin d’économiser notre temps, je pourrais, pour définir la pensée perverse, dire qu’elle est exactement l’inverse de la pensée créative et en particulier de la pensée psychanalytique [...].
C’est ainsi qu’elle se montre décidément aveugle à la réalité psychique, celle de soi comme celle d’autrui. Du moment que son confort psychique personnel lui est acquis, le pervers n’a cure ni de fantasmes ni d’affects. Une pensée défantasmée donc, et défantasmante [...]. Baignant dans l’opulence de l’agir et dans l’habileté manœuvrière, il est dans le dénuement fantasmatique.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [16], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Insensible au psychique, mais très attentive aux réalités sociales, habile, opportuniste, et à ce titre « adaptée », la pensée perverse sera toute tournée vers l’agir, le faire-agir et la manipulation. Insensible aux mouvances relationnelles, elle est toute dans l’emprise exercée sur les autres afin de les utiliser au mieux de ses intérêts narcissiques et matériels. Pour elle, c’est le résultat qui compte. Les fins sont surinvesties au détriment des moyens.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [17], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


La pensée perverse se paie d’un prix élevé : celui du plaisir de penser. C’est ce plaisir quasi-esthétique qui est non seulement attaqué mais désinvesti par la pensée perverse : une pensée efficace à sa façon, mais formidablement pauvre.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [18], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Envers la vérité en général et toute vérité en particulier la pensée perverse use d’une remarquable désinvolture. Plus que quiconque peut-être, nous sommes, nous autres psychanalystes, des têtes chercheuses de vérité : de vérité psychique [...].
De tels efforts sont dérisoires au regard de la pensée perverse. Vérité ou mensonge, peu lui importe : c’est l’efficience qui compte : il s’agit seulement, et en toute « innocence », de savoir si les dires sont crédibles, et s’ils vont passer la rampe. Pour le pervers, ce qui est dit est vrai, et ce qui n’est pas dit n’est pas vrai.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [19], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[La pensée perverse] n’enveloppe rien ni personne. En revanche, à la manière d’une araignée, elle emballe ses proies, dans un filet serré de faux-semblants, de demandes non-dites et de mensonges explicites. Elle n’est faite que pour confondre l’autre. Elle fait effraction de toutes façons, y compris par l’agir et par l’extr’agir, dans le moi de l’autre ou du groupe. Elle contraint, empiète, pénètre, absorbe et dilacère, elle « prend la tête », opérant insidieusement à la façon d’une grenade à fragmentation.
Cette fragmentation, cette démentalisation, à la fois dévalorisante et disqualifiante, atteindra le partenaire obligé : le thérapeute par exemple. Comme elle essaime avec autant de force qu’elle disjoncte et disjoint, elle pourra contaminer des familles, des institutions et des sociétés entières.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [20], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Cette pensée qui déstabilise le mental, serait-ce une pensée véritablement paradoxale ? Pas du tout : le paradoxe déroute, mais il donne quand même à penser. Il peut se muer en humour. Pas la pensée perverse. En vérité elle ne fait qu’attraper le moi ; elle décourage, démobilise et démolit la compréhension dans son principe même. Ses deux anti-mamelles sont la créativité et l’intelligence. Serait-elle simplement sotte — Elle est pire : anti-intelligente.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [21], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Usant des secrets pour délier les liaisons et briser la chaîne des contacts, [la pensée perverse] ne laisse subsister que des fragments épars, qui ne vont pas ensemble et dont on ne peut donc faire un savoir, si ce n’est au prix d’un énorme travail de reconstruction.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, De la pensée perverse au désordre de pensée, dans [22], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Noyaux pervers

A moins d’être complices, les victimes de la perversion narcissique sont à plaindre et plus encore à protéger. Les plus exposés au danger, ce sont les schizophrènes [...]. Les schizophrènes, incertains comme ils le sont de leur propre moi, narcissiquement béants, prêts à tout pour plaire et prompts à périr de faux-semblants, sont les proies préférées du narcissisme pervers.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Objet de pervers, dans [23], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Prenez un pervers. Prenez-en deux. Prenez-en trois. Imbéciles, incultes, ignares autant que vous voudrez: peu importe. Mais, en tout cas, pervers. Laissez-les se rencontrer. L’identification fera d’elle-même leur premier ciment : n’est-ce pas elle qui permet aux semblables de se reconnaître et par conséquent de s’assembler [...].
Vous voici en présence d’un noyau pervers. Il ne reste plus qu’à le mettre à pied d’oeuvre et attendre les dégâts.
Le noyau s’installe insidieusement dans l’organisme, dans le groupe, dans l’institution, dans le milieu social, quand ce n’est pas dans une nation tout entière.
Il va suffire d’une défaillance, serait-elle passagère, de cet organisme ou de ce pays, pour que le noyau entre en action.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Le noyau mis en scène, dans [24], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Le noyau pervers ne crée pas ; il infiltre ; il parasite ; il s’étend ; il se ramifie.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Le noyau mis en scène, dans [25], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Le noyau s’est installé sans crier gare. Il a fait mine de participer à l’oeuvre commune. Agglutinant pour les utiliser ceux qu’il peut narcissiquement séduire, rejetant ceux qu’il ne réussit pas à capturer, le noyau entreprend de contaminer le milieu qu’il parasite.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Le noyau mis en scène, dans [26], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[...] si habile en discrédits que soit un pervers, il finit un jour par se discréditer lui-même. Aidons-le : un bon coup de pouce. La vérité, disions-nous, n’a qu’un filet de voix, mais il est irrésistible : et voici qu’enfin, telle une rivière résurgente, elle refait surface. Il faut l’entendre.
Le moment est venu pour l’institution de se mobiliser dans un sursaut de santé.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Le noyau mis en scène, dans [27], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


Au demeurant, s’il est vrai que les pervers-réunis s’accrochent à leur proie comme des tiques, il est non moins vrai qu’ils se sauvent devant la chose la plus simple qui soit au monde : la réflexion.
  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Le noyau mis en scène, dans [28], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


[...] je pense, oui je pense avec force et avec ténacité à la victoire de la vérité qui se libère sur les mensonges qui purulent ; de l’authentique sur le toc ; de la connaissance qui se gagne sur l’imbécillité qui se pavane ; et des charmes de la créativité libidinale sur les miasmes inféconds de la perversité.
Oui, je pense avec ferveur à la qualité de l’esprit.

  • Pensée perverse et décervelage, 1992, Noyaux pervers Lever de rideau sur un final, dans [29], paru Trait pour trait Mouvement de travail et de recherche autour de la psychanalyse, Paul-Claude Racamier.


D'autres spécialistes concernant ses recherches

Alberto Eiguer, Le pervers narcissique et son complice, 1989

P.-C. Racamier (1978) avance que le pervers narcissique est au fond un psychotique sans symptômes et que c'est de la pression de sa psychose latente désorganisatrice qu'il cherche à se débarrasser par l' acting out. La décharge, sur quelqu'un d'autre, de sa psychose (délégation) lui permet de rester « équilibré ». Il est question de « déprédation morale » (P.-C. Racamier, 1987).
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie I. Le Champ de la perversion narcissique, chap. Définition et description générale, p. 5


Dans le chapitre VI du rapport « Les paradoxes des schizophrènes », P.-C. Racamier (1978) conclut par cette phrase (qui est tout un programme) : « Nous nous sommes déjà demandé de quelle perversion la psychose schizophrénique est l'envers, sans doute pouvons-nous désormais répondre à cette question, ancienne comme les premières découvertes de S. Freud : la schizophrénie est l'envers d'une perversion narcissique. »
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie I. Le Champ de la perversion narcissique, chap. Définition et description générale, Séduction narcissique, p. 26


Si la mère « entend [...] inclure l'enfant en elle-même une fois pour toutes, cet enfant narcissiquement séduit doit être comme s'il n'était pas né. Il ne faut pas qu'il opère cette seconde naissance qu'est la naissance psychique ; il ne faut pas qu'il croisse, qu'il pense, qu'il désire, qu'il rêve. Il restera pour la mère un rêve incarné : un fétiche vivant. Mais peut-il encore avoir des rêves, celui qui est un rêve ? Pas plus que de rêver, il devra penser : la séduction narcissique ne tolère ni le désir ni la pensée, qui sont preuves d'insurrection ». Et Racamier ajoute que pour éviter qu'il ne soit, il faut le nourrir sans cesse. Pour éviter qu'il ne désire, il faut désirer à sa place (et présenter cela comme une offre exceptionnelle, ajouterons-nous).
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie I. Le Champ de la perversion narcissique, chap. Définition et description générale, Séduction narcissique, p. 26


Racamier insiste sur la perversion de la pensée dans les familles des schizophrènes, consistant dans une ambiguïté insoutenable, une logique « élastique » qui se plie et se déplie aux contingences externes comme le reflet de ces mêmes inter-relations (pseudo-mutuelles et superficielles), dont les membres de la famille ont une perception contradictoire ou paradoxale. Ils se disent solidaires et unis, alors qu'ils ne le sont pas. La logique paradoxale offre un camouflage parfait à la perversion narcissique [...]. Si par hasard leur véracité est mise en doute par quelqu'un, celui-ci pourrait se voir désigné comme fou.
  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie I. Le Champ de la perversion narcissique, chap. Définition et description générale, Séduction narcissique, p. 26


Les rapports entre psychose et perversion narcissique sont étroits. P.-C. Racamier (1978) a insisté sur la présence de pervers narcissiques parmi les proches du psychotique ; nous lui devons également la formule de la perversion narcissique comme revers de la schizophrénie : cette perversion narcissique serait celle d'un autre, de la mère du patient le plus fréquemment.
Cependant le psychotique même agit souvent sur le mode pervers, à la sortie de l'épisode critique notamment.

  • Le pervers narcissique et son complice, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 1989  (ISBN 2 10 002843 X), partie II. Applications à la psychopathologie, chap. Psychose et perversion narcissique, Emprise régressive et emprise fonctionnelle, p. 83


Catherine Azoulay, Processus de la schizophrénie, 2002

Racamier (1992) insiste quant à lui sur la force libidinale du système défensif des psychotiques mais aussi du délire permettant au fonctionnement psychique d'assurer sa survie. Pour cet auteur, dans la schizophrénie, l'activation du fantasme d'auto-engendrement entraîne une sorte d'explosion interne, fulgurante, anéantissante et triomphante et constitue ce qu'il appelle « un évènement psychique blanc : une éblouissante déflagration psychique. Ce qu'on prend pour la catastrophe, c'est exactement cet évènement psychique blanc qui fait le vide et fascine à jamais » (l'évènement psychique blanc n'équivaut pas à la psychose blanche de Donnet et Green, mais on y retrouve cette notion importante d'un court-circuit psychique « follement excitant et terriblement sidérant »).
L'évènement psychique blanc, reprend Racamier, est un cas majeur d'« orgasmes du moi », préludes aux développements délirants. Les hallucinations aussi ont un caractère orgastique.

  • Processus de la schizophrénie (2002), Catherine Azoulay/Catherine Chabert/Jean Gortais/Philippe Jeammet, éd. Dunod, coll. « Psycho Sup », 2002  (ISBN 2-10-004780-9), chap. II « Approche psycho-pathologique et clinique de la schizophrénie (Catherine Azoulay) », 1. Formes et caractéristiques de la schizophrénie, p. 97


Cédric Roos, La relation d'emprise dans le soin, 2006

La perversion est une activité de nature auto-érotique qui a pour condition le déni du statut de sujet chez le partenaire (F. Pasche, 1983). La perversité au contraire est de nature destructrice et vise la réalité psychique de l’autre qui est agressé (Ey, 1989).
Pour Racamier, la « pensée perverse » doit s’entendre au sens de la perversité, et non de la perversion érogène.

  • La relation d'emprise dans le soin, 2006, La relation d'emprise (cadre psychanalytique) : Du point de vue de l'instigateur d'une relation d'emprise Le pervers narcissique : conformer l'autre en un identique, dans [30], paru Textes Psy, Cédric Roos.


Pour Racamier, le mouvement pervers narcissique se définit essentiellement comme une façon organisée de se défendre de toute douleur et contradiction internes et de les expulser pour les faire couver ailleurs, tout en se survalorisant, tout cela aux dépens d’autrui et, pour finir, non seulement sans peine, mais avec jouissance (Racamier, 1992).
La perversion narcissique correspond à l’aboutissement de ce mouvement, sa destination. Elle se définit donc comme « une façon particulière de se mettre à l’abri des conflits internes en se faisant valoir aux dépens de l’entourage. » (Racamier, 1992).

  • La relation d'emprise dans le soin, 2006, La relation d'emprise (cadre psychanalytique) : Du point de vue de l'instigateur d'une relation d'emprise Le pervers narcissique : conformer l'autre en un identique, dans [31], paru Textes Psy, Cédric Roos.


Lorsque l’objet de l’emprise est vidé de sa substance, abattu par la violence qui lui est infligée, lorsque, réduit à l’état d’ustensile, il n’a plus rien d’enviable, le pervers le délaisse pour un autre. Le pervers narcissique prend à tous mais ne doit rien à personne. Pour Racamier, il s’agit de faire taire cette « envie prédatrice et tenaillante » décrite par M. Klein, « qui s’exerce avec virulence envers tout ce qui est capable de dispenser richesse psychique et créativité, à commencer par le sein maternel ».
  • La relation d'emprise dans le soin, 2006, La relation d'emprise (cadre psychanalytique) : Du point de vue de l'instigateur d'une relation d'emprise Le pervers narcissique : conformer l'autre en un identique, dans [32], paru Textes Psy, Cédric Roos.


La relation d’emprise obéit à des règles communicationnelles singulières qui prédisposent la personne sous emprise en paralysant ses défenses. Elle vit la relation dans une sorte d’état second, de rétrécissement de la conscience. Confuse, elle perd tout sens critique ce qui permet chez elle la coexistence paradoxale d’un non consentement et d’une acceptation. C’est ce que Racamier dénomme le « décervelage ».
  • La relation d'emprise dans le soin, 2006, Modèle systémique : Caractéristiques communicationnelles de la relation d'emprise, dans [33], paru Textes Psy, Cédric Roos.


Alberto Eiguer, Psychanalyse du libertin, 2010

Racamier observe (1992) que l'attitude de prédation morale est liée au fait que les pervers-narcissiques disposent d'une pensée limitée et qu'il leur faut agir [...]. « D'où le besoin d'incessantes confirmations [...]. »
  • Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 2010  (ISBN 978-2-10-054958-0), partie II. Libertinage et prédation, chap. Psychopathologie du prédateur et de sa famille, La naissance du concept de prédation morale, p. 119


Le pervers-narcissique attire sa proie vers soi et la détourne de toute voie qui la conduise vers l'objectalité « et les angoisses et les désirs qui s'y attachent » (Racamier, 1992).
  • Psychanalyse du libertin, Alberto Eiguer, éd. Dunot, coll. « Psychismes », 2010  (ISBN 978-2-10-054958-0), partie II. Libertinage et prédation, chap. Psychopathologie du prédateur et de sa famille, La naissance du concept de prédation morale, p. 123