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'''{{w|Albert Caraco}}''', né à {{w|Constantinople}} le {{date|10|juillet|1919}} et mort en septembre {{décès|en 1971|1971}}, était un {{cat|philosophe}} et {{cat|écrivain}} {{personnalité|turque}} d'expression française.
'''{{w|Albert Caraco}}''', né à {{w|Constantinople}} le {{date|10|juillet|1919}} et mort en septembre {{décès|en 1971|1971}}, est un {{cat|philosophe}} et {{cat|écrivain}} {{personnalité|turque}} d'expression française.


== Œuvres ==
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{{Réf Livre|titre=Bréviaire du chaos|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=Amers|année=1999|page=116|ISBN=2-8251-0989-4}}
{{Réf Livre|titre=Bréviaire du chaos|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=Amers|année=1999|page=116|ISBN=2-8251-0989-4}}


=== ''Post Mortem'' ===
{{citation|Ma haine de ce monde est ce que je trouve en moi de plus estimable, je hais le monde en tant que malade et que Juif, voilà deux titre du meilleur aloi, j'aime la mort et je fais bien, la plupart des malades ne l'aiment pas assez et leur fureur de vivre les rend méprisables, les Juifs de leur côté ne l'aiment pas du tout et leur attachement à l'existence est la raison du dégoût qu'ils m'inspirent. Il manque à ces deux races d'hommes le recul, la réserve et la pudeur, ni les malades ni les Juifs n'auront de style, ce sont des pauvres dans le pire sens du mot, qui s'arment au besoin de leur misère.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=12}}

{{citation|Madame Mère gagna beaucoup à veillir et j'y fus, ce me semble, pour assez de chose, elle avait le goût juste, mais elle manquait parfois de discernement, son acquis ne valant son naturel, ses fautes étaient pourtant des plus rares, même elle n'en fit plus les derniers temps. Je lui vis peu souvent meilleure allure que l'été soixante, le mot « grand air » n'était pas déplacé, la maladie couvait déjà, cette ombre de mélancolie assez nouvelle lui prêtait du charme et lui donnait un style, j'avais plaisir à marcher aux côtés d'une personne fixant les regards sans pourtant que les désirs s'en mêlassent.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=15}}

{{citation|Les êtres nobles aiment rarement la vie, ils lui préfèrent les raisons de vivre, et ceux qui se contentent de la vie sont toujours des ignobles. La vie qu'a-t-elle de si désirable, lorsqu'elle n'est sublime ? Les joies du corps, ce n'est pas sans étonnement qu'on voit les plus laids et les plus malsains les goûter avec un surcroît de rage et s'y ruer avec une fureur que les abus n'épuisent, les nations vaincues abondent en vilains de l'espèce insatiable, ces bêtes se rattraperont la nuit des servitudes que la journée leur impose. Seigneur ! épargnez-nous de ressembler aux larves !}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=22}}

{{citation|Je n'en veux pas aux médecins, ce sont de pauvres hommes à l'égal de leurs malades et qui se rendent insensibles par devoir, mais j'aurais souhaité parfois que leur profession ne fût ouverte qu'à des saints en espérance et que la vue de nos souffrances ne les endurcît au point d'en arriver à les accroître. Le plus étrange est qu'ils prêtaient à rire, au moment où l'on eût pleuré de bonne grâce: ils représentaient au chevet de la mourante non pas la vie, mais le néant du monde en proie à sa grimace, ils ne savaient pas même consoler celle qu'ils ne pouvaient guérir.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=26}}

{{citation|On aime un être que les lendemains menacent et d'autant plus qu'il est plus menacé, Dieu n'aime pas et n'est pas un objet d'amour, l'amour divin est un non-sens, le mieux est, certes, de n'aimer personne et pour ce nous devons commencer par nous-mêmes. Qui fait profession de se haïr rompt les attachements sensibles.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=33}}

{{citation|Madame Mère est morte, ou je me pends ou je l'oublie, je voulus me détruire, il me parut que j'avais quelques livres dans la tête, je résolus de vivre le temps nécessaire et d'oublier l'anéantie, mon ''Semainier'' n'avait pas d'autre fin, il m'a tiré du gouffre où je m'allais précipiter. Nous devons enterrer nos morts ou nous devons les suivre, nous immoler sur leurs tombeaux ou nous en détourner sans verser une larme...}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=34}}

{{citation|Ma philosophie est la bonne, malgré les âpretés effarouchantes qu'elle emporte et je refuse de mollir, je me rendis ascète et je les qualifie de fornications en l'air, les délectations moroses et les abandons suaves. Les femmes les cultivent ? Nous ne les imiterons là-dessus. Madame Mère n'ignorait les duretés de mon système, elle le jugeait recevable, au moins quand on se passe de l'amour, elle y voyait la condition nécessaire et cela prouve qu’elle avait du sens.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=35}}

{{citation|La face d'ombre de la femme est plus terrible que la nôtre, en Occident nous affectons d'ignorer ses ténèbres, le Moyen Age parlait - il est vrai - de Mélusine et Mélusine est selon moi le portrait le plus admirable de la femme, en la matière l'Occident n'alla jamais plus loin.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=36}}

{{citation|L'homme se passe de la femme, la femme non, la femme pend à l'homme et l'homme s'imagine à tort qu'il la poursuit, alors qu'elle l'appelle. Les couvents d'hommes valent mieux infiniment que les couvents de femmes, les hommes n'ont besoin d'amour, la chair ne les tourmente pas avec la même force, l'homme ne souffre pas d'être homme, mais de manquer d'argent ou de puissance, la femme souffre d'être femme et puis de n'être pas aimée. Les beaux dehors, les ris, les jeux, les bagatelles et les grâces, l'écume de la mer profonde et sous l'écume un monde noir où nous ne sommes plus à nous, mais à l'espèce.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=37}}

{{citation|Nous devons oublier nos morts en tant que morts, mais il nous est permis de suivre leur modèle et de perpétuer leurs œuvres, le reste n'est que simagrées. [...] Je suis la résurrection de celle qui n'est plus, mon œuvre l'arrache au néant, la voilà devenue ma fille, il ne subsiste en moi nulle tristesse et Monsieur Père n'est pas moins serein que moi.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=49}}

{{citation|Elle croyait à mes paroles et je lui prouvai que si Dieu par aventure existe, Il ne peut être personnel, la durée étant l'élément constitutif de la personne et la mort éternelle la rançon de toute vie. Nous aimons ce qui doit mourir et nous n'aimons que parce que nous nous sentons mortels et menacés.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=54}}

{{citation|Dieu ne nous aime pas et n'est pas un objet d'amour, le Mysticisme n'est au fond qu'un Narcissisme et le Dieu personnel n'est qu'une absurdité, le besoin qu'ont les misérables de se sentir consolés prouve l'abaissement des misérables et non pas l'évidence des figures qu'ils supposent. Le Dieu des philosophes me suffit, je suis moi-même une personne et je ne cherche de personne ailleurs qu'en moi, je consens à ma mort perpétuelle et l'idée de salut me paraît un délire, être sauvé n'est qu'un viol métaphysique. Madame Mère préférait le Classicisme à toute forme de Messianisme, elle avait saintement raison.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=55}}

{{citation|Elle avait tant souffert d'être orpheline, elle avait tant pleuré sa mère qu'elle voulut en quelque sorte se venger de la fortune et n'avoir qu'un enfant pour le choyer avec une fureur outrée. Elle m'a dégoûté de toutes les tendresses à m'accabler de ses embrassements et dès avant le milieu de ma vie je ne voulais plus être baisé de personne, je suis gavé jusqu'à la mort de procédés aimables, je suis rassasié de mignardises, c'est une force et je l'en remercie, je n'irai pas mendier les caresses, à l'instar de tant d'hommes mal aimés qu'une ombre de sourire amorce.}}
{{Réf Livre|titre=Post Mortem|auteur=Albert Caraco|éditeur={{w|L'Âge d'Homme (édition)|L'Âge d'Homme}}|Collection=La Merveilleuse Collection|année=1968|page=59}}
<!--{{citation|}}
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Version du 18 septembre 2011 à 19:48

Albert Caraco, né à Constantinople le 10 juillet 1919 et mort en septembre 1971, est un philosophe et écrivain turque d'expression française.

Œuvres

Bréviaire du chaos

Nous tendons à la mort, comme la flèche au but et nous ne le manquons jamais, la mort est notre unique certitude et nous savons toujours que nous allons mourir, n'importe quand et n'importe où, n'importe la manière. Car la vie éternelle est un non-sens, l'éternité n'est pas la vie, la mort est le repos à quoi nous aspirons, vie et mort sont liées, ceux qui demandent autre chose réclament l'impossible et n'obtiendront que la fumée, leur récompense.


Les villes, que nous habitons, sont les écoles de la mort, parce qu'elles sont inhumaines. Chacune est devenue le carrefour de la rumeur et du relent, chacune devenant un chaos d'édifices, où nous nous entassons par millions, en perdant nos raisons de vivre.


Mais à quoi bon prêcher ces milliards de somnambules, qui marchent au chaos d'un pas égal, sous la houlette de leurs séducteurs spirituels et sous le bâton de leurs maîtres ? Ils sont coupables, parce qu'ils sont innombrables, les masses de perdition doivent mourir, pour qu'une restauration de l'homme soit possible. Mon prochain n'est pas un insecte aveugle et sourd, mon prochain n'est pas un automate spermatique [...]. Que nous importe le néant de ces esclaves ? Nul ne les sauve ni d'eux-mêmes ni de l'évidence, tout se dispose à les précipiter dans les ténèbres, ils furent engendrés au hasard des accouplements, puis naquirent à l'égal des briques sortant de leur moule et les voici formant des rangées parallèles et dont les tas s'élèvent jusqu'aux nues. Sont-ce des hommes ? Non. La masse de perdition ne se compose jamais d'hommes [...].


Peu d'hommes survivront à la dernière catastrophe, où périra la masse de perdition, engendrée par le mal et dévouée au mal, dont elle est consubstantielle. L'humanité, demain, sera le reste précieux et qui se voudra toujours reste, alors la superstition du nombre s'éteindra jusqu'à la consommation des siècles et ce sera la leçon de l'Histoire que l'on retiendra de préférence à toutes : « ne croissez point et ne multipliez jamais, la source du malheur est la fécondité, craignez d'épuiser les ressources de la Terre et de souiller sa robe d'innocence, refusez le lot de l'insecte et souvenez-vous de ces êtres avortés, que le feu consuma par milliards, qui subsistaient au milieu de l'ordure et buvaient leurs déjections, à cinq ou six dans une chambre, en une légion de villes monstrueuses envahies par la rumeur et le relent, où pas un arbre ne poussait. Ce furent là vos pères, remémorez-vous leur abjection et ne vous inspirez de leur exemple, méprisez leur morale et rejetez leur foi, pareillement immondes, ils furent punis d'être restés des enfants et de chercher un Père dans le Ciel. Le Ciel est vide et vous serez des orphelins pour vivre et pour mourir en hommes libres. »


Un monde, qui fut, demeure païen, n'aurait pas violenté la nature, les Paganismes la jugeaient divine, ils adoraient en règle générale les arbres et les sources; au lieu du temps, que les religions prétendues révélées placent au centre de leurs dogmes, les Paganismes roulaient sur l'espace et, sauf exception, ils préféraient la mesure à la transcendance et l'harmonie à toute chose. Les religions, qui se disent révélées, ont établi sur nous le fanatisme et la chrétienne le poussant à bout, a divinisé la folie, glorifié l'incohérence et légitimé le désordre, au nom d'un plus grand bien.


Combien de temps pourrons-nous nous tromper encore ? Tous les délais expirent, le nombre des humains s'enfle comme une mer où les orages vont se déchaîner, le sol épuisé lasse nos efforts, l'eau manquera partout et l'air se raréfie déjà, les aliments ont toujours moins de consistance et les déchets encombrent l'œcumène, en empoisonnant toute chose. L'heure de vérité sera-t-elle aussi celle de notre agonie ?


Post Mortem

Ma haine de ce monde est ce que je trouve en moi de plus estimable, je hais le monde en tant que malade et que Juif, voilà deux titre du meilleur aloi, j'aime la mort et je fais bien, la plupart des malades ne l'aiment pas assez et leur fureur de vivre les rend méprisables, les Juifs de leur côté ne l'aiment pas du tout et leur attachement à l'existence est la raison du dégoût qu'ils m'inspirent. Il manque à ces deux races d'hommes le recul, la réserve et la pudeur, ni les malades ni les Juifs n'auront de style, ce sont des pauvres dans le pire sens du mot, qui s'arment au besoin de leur misère.


Madame Mère gagna beaucoup à veillir et j'y fus, ce me semble, pour assez de chose, elle avait le goût juste, mais elle manquait parfois de discernement, son acquis ne valant son naturel, ses fautes étaient pourtant des plus rares, même elle n'en fit plus les derniers temps. Je lui vis peu souvent meilleure allure que l'été soixante, le mot « grand air » n'était pas déplacé, la maladie couvait déjà, cette ombre de mélancolie assez nouvelle lui prêtait du charme et lui donnait un style, j'avais plaisir à marcher aux côtés d'une personne fixant les regards sans pourtant que les désirs s'en mêlassent.


Les êtres nobles aiment rarement la vie, ils lui préfèrent les raisons de vivre, et ceux qui se contentent de la vie sont toujours des ignobles. La vie qu'a-t-elle de si désirable, lorsqu'elle n'est sublime ? Les joies du corps, ce n'est pas sans étonnement qu'on voit les plus laids et les plus malsains les goûter avec un surcroît de rage et s'y ruer avec une fureur que les abus n'épuisent, les nations vaincues abondent en vilains de l'espèce insatiable, ces bêtes se rattraperont la nuit des servitudes que la journée leur impose. Seigneur ! épargnez-nous de ressembler aux larves !


Je n'en veux pas aux médecins, ce sont de pauvres hommes à l'égal de leurs malades et qui se rendent insensibles par devoir, mais j'aurais souhaité parfois que leur profession ne fût ouverte qu'à des saints en espérance et que la vue de nos souffrances ne les endurcît au point d'en arriver à les accroître. Le plus étrange est qu'ils prêtaient à rire, au moment où l'on eût pleuré de bonne grâce: ils représentaient au chevet de la mourante non pas la vie, mais le néant du monde en proie à sa grimace, ils ne savaient pas même consoler celle qu'ils ne pouvaient guérir.


On aime un être que les lendemains menacent et d'autant plus qu'il est plus menacé, Dieu n'aime pas et n'est pas un objet d'amour, l'amour divin est un non-sens, le mieux est, certes, de n'aimer personne et pour ce nous devons commencer par nous-mêmes. Qui fait profession de se haïr rompt les attachements sensibles.


Madame Mère est morte, ou je me pends ou je l'oublie, je voulus me détruire, il me parut que j'avais quelques livres dans la tête, je résolus de vivre le temps nécessaire et d'oublier l'anéantie, mon Semainier n'avait pas d'autre fin, il m'a tiré du gouffre où je m'allais précipiter. Nous devons enterrer nos morts ou nous devons les suivre, nous immoler sur leurs tombeaux ou nous en détourner sans verser une larme...


Ma philosophie est la bonne, malgré les âpretés effarouchantes qu'elle emporte et je refuse de mollir, je me rendis ascète et je les qualifie de fornications en l'air, les délectations moroses et les abandons suaves. Les femmes les cultivent ? Nous ne les imiterons là-dessus. Madame Mère n'ignorait les duretés de mon système, elle le jugeait recevable, au moins quand on se passe de l'amour, elle y voyait la condition nécessaire et cela prouve qu’elle avait du sens.


La face d'ombre de la femme est plus terrible que la nôtre, en Occident nous affectons d'ignorer ses ténèbres, le Moyen Age parlait - il est vrai - de Mélusine et Mélusine est selon moi le portrait le plus admirable de la femme, en la matière l'Occident n'alla jamais plus loin.


L'homme se passe de la femme, la femme non, la femme pend à l'homme et l'homme s'imagine à tort qu'il la poursuit, alors qu'elle l'appelle. Les couvents d'hommes valent mieux infiniment que les couvents de femmes, les hommes n'ont besoin d'amour, la chair ne les tourmente pas avec la même force, l'homme ne souffre pas d'être homme, mais de manquer d'argent ou de puissance, la femme souffre d'être femme et puis de n'être pas aimée. Les beaux dehors, les ris, les jeux, les bagatelles et les grâces, l'écume de la mer profonde et sous l'écume un monde noir où nous ne sommes plus à nous, mais à l'espèce.


Nous devons oublier nos morts en tant que morts, mais il nous est permis de suivre leur modèle et de perpétuer leurs œuvres, le reste n'est que simagrées. [...] Je suis la résurrection de celle qui n'est plus, mon œuvre l'arrache au néant, la voilà devenue ma fille, il ne subsiste en moi nulle tristesse et Monsieur Père n'est pas moins serein que moi.


Elle croyait à mes paroles et je lui prouvai que si Dieu par aventure existe, Il ne peut être personnel, la durée étant l'élément constitutif de la personne et la mort éternelle la rançon de toute vie. Nous aimons ce qui doit mourir et nous n'aimons que parce que nous nous sentons mortels et menacés.


Dieu ne nous aime pas et n'est pas un objet d'amour, le Mysticisme n'est au fond qu'un Narcissisme et le Dieu personnel n'est qu'une absurdité, le besoin qu'ont les misérables de se sentir consolés prouve l'abaissement des misérables et non pas l'évidence des figures qu'ils supposent. Le Dieu des philosophes me suffit, je suis moi-même une personne et je ne cherche de personne ailleurs qu'en moi, je consens à ma mort perpétuelle et l'idée de salut me paraît un délire, être sauvé n'est qu'un viol métaphysique. Madame Mère préférait le Classicisme à toute forme de Messianisme, elle avait saintement raison.


Elle avait tant souffert d'être orpheline, elle avait tant pleuré sa mère qu'elle voulut en quelque sorte se venger de la fortune et n'avoir qu'un enfant pour le choyer avec une fureur outrée. Elle m'a dégoûté de toutes les tendresses à m'accabler de ses embrassements et dès avant le milieu de ma vie je ne voulais plus être baisé de personne, je suis gavé jusqu'à la mort de procédés aimables, je suis rassasié de mignardises, c'est une force et je l'en remercie, je n'irai pas mendier les caresses, à l'instar de tant d'hommes mal aimés qu'une ombre de sourire amorce.


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