Shenaz Patel
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Shenaz Patel est une écrivaine et journaliste mauricienne, née le à Rose-Hill.
Citations
[modifier]Paradis Blues
[modifier]Écrire pour apprivoiser l’idée que chacun de nous, dans sa vérité singulière, est au fond non pas double mais multiple. Multiple et mouvant, aussi sûrement que nos corps sont plus liquides que ne le laisse croire le regard, aussi vrai que notre terre est bleue comme une bulle. Au milieu de l’eau, écrire pour dire que tout être est une île, ceint par l’omniprésente barrière de corail de ses doutes, ses contradictions, ses certitudes aussi, cerné par l’horizon, désiré autant que craint, des autres. Écrire pour tenter de rompre l’enfermement, pour chercher la fissure, la passe qui ouvrirait l’échappée belle.
- « En guise de note », Paradis Blues, Vents d’ailleurs, La Roque d’Anthéron, 2014.
- « Au-delà des frontières : pour une nouvelle poétique de la rencontre. En conversation avec Shenaz Patel », Markus Arnold et Shenaz Patel, dans Borders and Ecotones in the Indian Ocean, Markus Arnold, Corinne Duboin et Judith Misrahi-Barak, éd. Presses universitaires de la Méditerranée, 2020 (ISBN 978-2-36781-422-3), p. url (lire en ligne)
Entretiens
[modifier]Pour moi, une nouvelle réussie est un peu comme ces cailloux qu’on jette dans un cours d'eau: même après avoir disparu, ils se prolongent en ce que l’anglais appelle "ripples," ces ondes concentriques qui troublent la surface de l’eau comme les mots justes troublent la surface de nos apparences et de notre conscience.
- « Rompre Le Silence des Chagos : Entretien avec Shenaz Patel », Rohini Bannerjee, Shenaz Patel, Nouvelles Études Francophones, vol. 23 nº 1, 2008, p. 199 (lire en ligne)
Pour moi, rien ne dit que la littérature doive être déconnectée de ou faire l'impasse sur l'actualité. Au contraire. La littérature peut être un autre moyen de parler de l'actualité, en allant plus loin, notamment dans l'aspect humain qui est parfois négligé. […] Mon écriture romanesque est en tout cas différente de mon écriture journalistique. L’une est plus poétique, et peut se permettre beaucoup plus de libertés par rapport à une écriture journalistique qui doit davantage être clinique et se cantonner aux faits. Il y a une volonté d'efficacité et de rapidité dans l'écriture journalistique alors que l'écriture littéraire est une façon plus libre de s'exprimer. […] Écrire est en tout cas toujours lié pour moi, quelque part, à une urgence. Imposée de l'extérieur parfois, mais aussi, souvent, intérieure.
- « Rompre Le Silence des Chagos : Entretien avec Shenaz Patel », Rohini Bannerjee, Shenaz Patel, Nouvelles Études Francophones, vol. 23 nº 1, 2008, p. 199-200 (lire en ligne)
La littérature nous offre la possibilité unique de pénétrer à l'intérieur des gens et de leurs histoires. Cela m'a personnellement permis, très tôt, de comprendre à quel point l'être humain est, par essence, mouvant, à quel point beaucoup de choses sont en permanence à l'œuvre à l'intérieur de lui, des choses d'ailleurs souvent contradictoires. La littérature nous permet d'aller derrière la façade pour toucher à l'essentiel de ce qui se niche au fond de l'humain, pour nous confronter à sa complexité. À sa façade sombre, à sa beauté.
- « Rompre Le Silence des Chagos : Entretien avec Shenaz Patel », Rohini Bannerjee, Shenaz Patel, Nouvelles Études Francophones, vol. 23 nº 1, 2008, p. 202 (lire en ligne)
Si l'écrivain a un rôle quelconque à jouer, ce qui demeure une question posée, ce n'est peut-être pas seulement d'inventer des histoires mais aussi de ne pas laisser mourir les histoires qui existent autour de lui, et qui demandent à être racontées pour ne pas sombrer dans le silence et l'oubli. Et si cela peut paraître paradoxal, le romanesque me semble, en fait, un moyen privilégié de rendre plus réel, plus vivant, de donner une chair, un sang, des yeux, une respiration, une incarnation à une histoire qui pourrait autrement rester uniquement une affaire de dates et d'événements.
- « Rompre Le Silence des Chagos : Entretien avec Shenaz Patel », Rohini Bannerjee, Shenaz Patel, Nouvelles Études Francophones, vol. 23 nº 1, 2008, p. 204 (lire en ligne)
Je crois qu'on écrit avec tout ce qu'on est, sa tête, ses tripes, son cœur, avec l'ensemble de ce qu'on a vécu jusque-là ou de ce qu'on a envie de vivre par la suite, avec son passé, ses opinions, ses goûts, ses dégoûts, ses peurs, ses espoirs etc. L'écriture est pour moi une chose très viscérale, qui vient du fond de soi.
- « Rompre Le Silence des Chagos : Entretien avec Shenaz Patel », Rohini Bannerjee, Shenaz Patel, Nouvelles Études Francophones, vol. 23 nº 1, 2008, p. 206 (lire en ligne)
Je suis frappé par l’omniprésence de la question raciale ici. Dans le monde francophone actuel, on dirait qu’on n’a même pas le droit de prononcer le mot « race ». Il n’y a pas de races, seulement la race humaine : telle semble être la devise imposée.
- (en) I’m struck by how the question of race here is ever-present. In the francophone world nowadays, it's like you're not even allowed to say the word "race." There are no races, only the human race: that seems to be the imposed motto.
- (en) « Race, Power and Storytelling: An Interview with Shenaz Patel », Namrata Poddar, kwelijournal.org, 15 juin 2018 (lire en ligne)
Je travaille sur un recueil de nouvelles centrées sur la vie de personnes qui auraient pu être des héros ou des icônes, mais qui, pour une raison ou une autre, principalement sociale et politique, sont reléguées aux marges de l’histoire. Ce sont des histoires que j’ai rencontrées ici et là, au gré d’une conversation, d’une rencontre fortuite, d’un écho. Deux de ces histoires sont centrées sur les Américains et le mouvement des droits civiques.
- (en) I'm working on a collection of short stories focusing on the lives of people who could have been heroes or icons, but who, for one reason or another, largely social and political, are relegated to the margins of history. These are stories I’ve encountered here and there, through a conversation, a chance meeting, an echo. And two of these stories are centered on Americans and the Civil Rights movement.
- (en) « Race, Power and Storytelling: An Interview with Shenaz Patel », Namrata Poddar, kwelijournal.org, 15 juin 2018 (lire en ligne)
Le journalisme et l’écriture littéraire sont deux respirations différentes. Le journalisme est une école de rigueur, c’est une activité précise, clinique. On n’a pas le droit d’inventer. En littérature, par contre, j’ai tous les droits ou presque. C’est mon espace de liberté.
- « Subtilité du regard féminin sur l’île Maurice: Un entretien avec Shenaz Patel », Shenaz Patel, Sushma Dusowoth, Nouvelles Études Francophones, vol. 34 nº 1, 2019, p. 190 (lire en ligne)
Journalisme et littérature restent pour moi indissociablement liés par les mêmes passions : celle d’aller au-devant de l’humain et celle pour l’écrit, pour le mot. Pour moi, le mot est un matériau fascinant qui construit la vie et le monde. À mon sens, un écrivain n’est ni un journaliste, ni un ethnologue, ni un historien, ni un anthropologue. C’est quelqu’un qui a choisi la fiction, le romanesque, justement pour ce que cela permet non de reproduction du réel, mais de déconstruction et reconstruction du réel. Le journalisme dit le monde. La littérature le recrée.
- « Subtilité du regard féminin sur l’île Maurice: Un entretien avec Shenaz Patel », Shenaz Patel, Sushma Dusowoth, Nouvelles Études Francophones, vol. 34 nº 1, 2019, p. 191 (lire en ligne)
Dans l’histoire, il y a des faits, des dates, et puis il y a des points de vue. Et dans nos histoires de pays soumis à diverses formes de domination coloniale et d’exploitation (esclavage, engagisme), il y a le problème des sources. Très souvent, nous ne disposons de sources écrites que de la part des puissants. Nous n’avons que leur version. Et c’est là justement que la fiction (roman, théâtre, poésie, etc.) a un rôle important à jouer : pas en prétendant à la vérité historique, mais en affirmant la présence et les vérités humaines.
- « Subtilité du regard féminin sur l’île Maurice: Un entretien avec Shenaz Patel », Shenaz Patel, Sushma Dusowoth, Nouvelles Études Francophones, vol. 34 nº 1, 2019, p. 192 (lire en ligne)
Pour moi, un écrivain n’a pas forcément besoin d’être historien pour écrire sur des faits historiques. Un écrivain a la légitimité des histoires qu’il a envie de raconter et de son talent à les raconter. Il ne se propose pas de “reproduire le visible, mais de rendre visible,” selon la formule que le grand peintre Paul Klee appliquait à l’art. C’est pour moi une distinction capitale.
- « Subtilité du regard féminin sur l’île Maurice: Un entretien avec Shenaz Patel », Shenaz Patel, Sushma Dusowoth, Nouvelles Études Francophones, vol. 34 nº 1, 2019, p. 193 (lire en ligne)
Je crois que je me vois davantage comme une « exploratrice ». Ce que je sais, c’est qu’il y a des histoires qui me viennent, comme ça, avec l’envie de les écrire, et de les partager. Ce qui m’intrigue, c’est comment une chose totalement inanimée à la base, de l’encre, sur du papier, peut soudain s’animer. Au fur et à mesure que l’on lit, que l’on avance, il y a des images qui se forment, des paysages qui s’animent, des êtres qui prennent vie, tellement qu’on a envie de les suivre, de les entendre encore, tellement qu’ils continuent parfois à marcher à nos côtés longtemps après qu’on les ait quittés.
- « Au-delà des frontières : pour une nouvelle poétique de la rencontre. En conversation avec Shenaz Patel », Markus Arnold et Shenaz Patel, dans Borders and Ecotones in the Indian Ocean, Markus Arnold, Corinne Duboin et Judith Misrahi-Barak, éd. Presses universitaires de la Méditerranée, 2020 (ISBN 978-2-36781-422-3), p. url (lire en ligne)
Dans la littérature, ce qui m’a toujours fasciné, c’est ce double mouvement qui permet d’une part d’aller très profondément à l’intérieur de soi, parce que parfois, on vit des choses et on n’arrive pas à les formuler. Et puis, on lit un livre. Et soudain, il y a un écho très fort dans ce qu’on lit. On se dit que l'on n'est pas tout seul parce que l’auteur, lui, est arrivé à mettre des mots sur des choses que je ressens et que je n’arrive pas à exprimer. Et puis […], quand j’écris, je suis Dieu parce que je peux créer des personnes que j’aurais aimé rencontrer et que je ne rencontrerai probablement pas dans la vie réelle.
- Shenaz Patel, Chemins d’écriture. « Une leçon d’écriture, avec la romancière mauricienne Shenaz Patel », RFI, 23 décembre 2023 (accéder en ligne)