Aller au contenu

Mapuche (roman)

Une page de Wikiquote, le recueil des citations libres.

Mapuche est un roman noir de Caryl Férey publié en 2012, qui traite des disparitions forcées en Argentine et de l'adoption des enfants des disparus par des proches de la junte militaire au pouvoir entre 1976 et 1983. Il a obtenu le prix Landerneau polar en 2012 ainsi que le prix Tenebris en 2013.

Un Short Skyvan PA-51 gris
Avion utilisé lors des vols de la mort

Citations

[modifier]
- Aller, va jouer dehors mon petit !
  • Largage d'un corps à la limite des eaux internationales lors d'un vol de la mort.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 14


Jana n'avait pas d'i-phone, de télévision, de vêtements débordant du placard, de cartes bancaires ; elle n'avait que l'Art pour échappatoire et les terres ancestrales au milieu de l'atelier.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 21


Buenos Aires était née de rien, une terre de broussailles et de boue au bord d'un estuaire ouvert sur l'océan où soufflaient des vents contraires. C'est ici que les colons avaient construit un port de commerce. La Boca, mâchoires fermées sur le continent amérindien.
Un esutaire où mouille des voiliers et des barques, en arrière plan on devine des bâtiments en bois.
Port de la Boca en 1870
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 29


Les murs du commissariat suintaient la violence, l'arbitraire et les coups.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 46


«Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas, les Colombiens des Mayas, les Argentins descendent du bateau», raillait le dicton.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 47


Participer à des réunions d'étudiants de gauche, à des activités syndicales, avoir critiqué à haute voix les militaires, porter le même nom qu'un suspect, avoir assisté à un enlèvement, être juif, enseigner ou étudier la sociologie, conseiller des pauvres ou des suspects en matière juridique, soigner des suspects ou des pauvres, écrire des poèmes, des romans, des discours, être étranger et «trop bruyant», être réfugié d'un pays sous régime militaire, recherché pour des raisons politiques, exercer le métier de psychologue ou psychanalyste - influencé par des théoriciens juifs-, donner un récital de piano devant des ouvriers ou des paysans, être «trop» passionné d'histoire, être un jeune soldat qui en sait trop ou qui conteste, être «trop» fasciné par l'Occident ou réaliser des films trop axés sur des sujets de société ou contrevenant à la «bonne morale», militer dans une association des Droits de l'homme, avoir un frère, une sœur, un cousin ou un ami proche d'une personne disparue : les militaires et la police enlevaient les gens pour n'importe quelle raison.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 51


Ruben Calderón faisait partie des rescapés.
On l'avait libéré au milieu de la liesse populaire qui avait suivi la victoire de l'équipe nationale lors de la coupe du monde de football, un jour de juillet 1978 sans explications.
Sans doute fallait-il des gens pour raconter les atrocités qui se déroulaient dans les prisons clandestines, et de manière suffisamment convaincante pour refroidir les récalcitrants.
[...] Mais Ruben s'était tu.
Raconter l'ineffable, c'était le revivre, laisser remonter l'angoisse, le chagrin, la douleur, parler, c'était redonner à ses tortionnaires le pouvoir de l'écraser.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 52


Superposition d'immeubles, de rue pavées, de marbre, de ferraille et d'ordures, foyer de la révolution sud-américaine, vivant le coup d'État comme une seconde nature, culturelle, péroniste et hautaine, Buenos Aires savait que son âge d'or était passé et ne reviendrait pas.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 62


Belle femme, Isabel De Angelis aurait pu faire une carrière de Miss s'il n'y avait eu cette particule qui l'empêchait de travailler.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 105


Portrait de 3/4 à l'encre de Chine représentant un homme brun portant des lunettes.
Le journaliste d'investigation et écrivain Rodolfo Walsh (1927-1977).
- Calderón, c'est votre vrai nom : comme le poète ?
Le détective fronça les sourcils.
- Vous connaissez ?
[...] L'écrivain avait disparu pendant le Processus, comme Haroldo Conti, Rodolfo Walsh...Tortutés, battus, liquidés.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 121


La réalité c'était la crasse, la faim, la peur, se lever dans le froid ou la chaleur étouffante d'un squat sans eau ni électricité, aller chier dans un champ d'ordure, s'asperger dans la bassine, aider le collecteur de farine à confectionner le pain, nourrir les gamins aux yeux collés de mouches, se préparer enfin pour sortir, rêver le temps d'un reflet dans le miroir avant de retrouver les coups, les menaces, les flics, les supporters violents et homophobes qu'il fallait éviter sous peine de finir édenté comme Paula [...], la réalité c'était Luz le petit trav' qui tapinait au bout des docks et qu'on s'envoyait pour quelques pesos quand on ne lui fichait pas une raclée pour lui apprendre à être pédé, le paco[1] qu'il refourguait à d'autres paumés, tous les mensonges pathétiques que Luz/Orlando s'inventait pour tenir le coup sans froisser ses parents, qui pourtant n'en savaient rien.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 137


Les rires dans la maison étaient considérés comme des offenses au défunt qui, par son absence, occupait toute la place.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 152


La police argentine était considérée comme une bande rivale par les malfrats et les gangs, un groupe armé chargé de protéger la haute délinquance de la petite. Une porosité ténue : [...] les jeunes zonards arrêtés étaient battus avant de négocier leur liberté en échange d'une partie de leur larcin : la maigreur de ces derniers expliquant la propension des flics à les liquider.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 167


Un jardin de mauvaises herbes menait à la porte entrouverte : il avança jusqu'au perron.
- Vous êtes armé ? l'arrêta Ossario derrière la porte blindée.
Il avait gardé la chaîne. Un coup de talon et elle volait en éclat.
- Non, répondit Ruben.
- Moi si.
- N'allez pas vous blesser...
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 184


- Vous ne savez pas ?
- Quoi ?
- Maria Victoria a été adoptée. Elle et son frère ! Ah ! triompha-t-il. Vous ne le saviez pas ?!
Ruben pâlit à son tour.
- Vous voulez dire que Maria a été adoptée pendant la dictature ?
- Évidemment !
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 186


Tout avait commencé la semaine précédente, quand le retraité avait noté des mouvements inhabituels dans sa rue : une voiture grise et des silhouettes qui rodaient autour de la maison de son voisin.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 225


Dessin de presse représentant deux femmes âgées sou une pencarte (Présentes maintenant et toujours)
Les Abuelas ou grands-mères de la place de Mai sous une reprise du slogan scandé par la foule au Chili au moment du décès du poète Pablo Neruda assassiné.
C'était un Jeudi : le soleil revenu, les moineaux de la place de Mai prenaient une douche à la fontaine de l'obélisque en attendant l'arrivée des Grands-mères.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 227


Affiche rouge et noir appelant à un rassemblement contre la loi point final le 20 mars à 19 h 00. La silouhette d'un profil de militaire apparaît au centre d'un panneau d'interdiction de stationner.
Poster appelant à manifester contre la Loi pont final

Église ! Ordure !
Tu es la dictature !

  • (es) Iglesia  ! Bassura ! Vos sos la dictatura !
  • Slogan contre l'église catholique scandé par des manifestant(e)s opposés la Loi point final de décembre 1986
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 235


À soixante-seize ans, Susana Arguan, la vice-présidente des abuelas arborait de printanières robes à pois sur son corps toujours alerte [...] et maniait l'ironie avec la fausse légèreté d'un désespoir rancunier.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 238


Le nouveau-né souffrant d'insuffisance cardiaque, ses appropriadores[2] attitrés, la famille Campallo, l'avaient échangé avec un autre bébé de disparus né dix jours plus tôt, «Rodolpho», alors en possession de Rosa et Javier Michellini, sous-officier dans la Marine.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 241


Endormis au penthotal, chargés dans des camions ou des voitures, bâillonnés, ficelés, encagoulés, les subversifs extraits des prisons clandestines étaient transférés jusqu'aux aérodromes de l'armée avant d'être jetés vivants dans le Rio de la Plata [...] On retrouvait parfois des cadavres ligotés sur les côtes uruguayennes, des corps démembrés ou mutilés que les vagues ramenaient selon les humeurs du courant. La tempête de la semaine dernière avait ramené le cadavre de la photographe vers Buenos Aires, comme aux pires heures de la guerre sale.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 266


Une tombe couverte de bouquets de fleurs avec des cartes accrochées aux bouquets
Tombe d'Eva Perón dite Evita au cimetière de la Recoleta
Celui [Le Cimetière] de la Recoleta accueillait la fine fleur du pays, présidents, gouverneurs, ministres, célébrités - Pour le tombeau d'Eva Duarte, dite Evita, il suffisait de suivre les gerbes.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 292


Ces cheveux sont ceux de votre fille, dit-il avec un regard franc du collier. Ou plutôt de votre fille adoptive, Maria Victoria. J'ai comparé vos ADN : vous n'avez aucun lien biologique... Vous préférez m'en parler maintenant ou vous expliquer devant la presse ?
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 294


Qui te dit que ton botaniste n'est pas dans le coup ? C'est peut-être un militaire, un ancien nazi, une vieille ordure réfugiée sous un faux nom en Uruguay ou un complice de ton fameux commanditaire.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 342


Ils avaient bétonné l'escalier qui menait aux geôles pour la visite de la Commission des droits de l'Homme : les corps nus et humides sur les plaques de fer, les viols, l'électricité, les émissaires de la communauté internationale ne virent rien du tout. La Coupe du Monde de football pouvait avoir lieu.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 351


Les enlèvements, les mises en détention illégales et la torture systématique étaient une structure parallèle de coercition bureaucratique efficace, apte à semer une terreur sans précédent dans la population : le but était aussi de faire souffrir l'imagination des vivants.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 361


Trois pactes liaient les différents corps d'armée et la police argentine : celui «du sang», quand il fallait éliminer ou torturer les subversifs, «d'obéissance» qui unissait la hiérarchie du haut en bas de la pyramide, et le dernier «de corruption», avec le partage des biens volés des disparus.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 368


Pas assez calés. Trop tête brulée. Ils préféraient s'en remettre à Hector Parise, leur ancien officier interrogateur et tête pensante de leur association, toujours sur les bons coups.
Celui-ci pouvait leur rapporter gros.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 369


Le Picador installa la machine. La Picana : deux pinces de cuivre reliées à un transfo électrique que les tortionnaires appliquaient sur les parties les plus sensibles - anus, organes génitaux, gencives, tétons, oreilles, aisselles, fosses nasales. Le procédé n'était pas nouveau : dès les années 30 Lugones[3] commissaire de police et fils du grand poète argentin, avait testé la machine. Les instructeurs français revenant de la guerre d'Algérie l'avaient remise au goût du jour.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 397


La Mapuche eut à peine le temps d'essuyer le sang tiède qui coulait sur sa bouche : des bruits de machette se firent entendre, supplantant le bourdonnement des insectes. Quelqu'un la pistait. Quelqu'un qui ne pouvait pas être Rubén... Jana serra les dents et fila sur sa gauche.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 424


Aujourd'hui elle n'éprouvait plus rien. Qu'une haine sans borne : une haine sans horizon.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 434


- Notre église n'a pas d'argent, si c'est ce que vous voulez, dit-il en tirant la porte coulissante. Et ce n'est pas la peine de me menacer, je ne suis pas dangereux.
- Moi, si, fit Jana dans son dos.

  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 437


La Mapuche huma l'air du jardin de sculptures. Une odeur de gibier flottait quelque part, entre plaine et herbes hautes : c'était l'heure de la chasse...

  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 440


- Il ne faut pas rester ici ! répéta le cardinal. Il y a des esprits mauvais dans les bois, je les sens. Je sens leur présence autour de moi. Ils rôdent... Vous ne les sentez pas ?!
Le diable errait dans la forêt autour d'eux. Une menace terrible qui allait bientôt les frapper.

  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 440


La vérité est comme l'huile dans l'eau : elle finit toujours par remonter.
  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 517


Le botaniste rêvait de mourir parmi les fleurs, pas de faim dans cette auge, chiant de peur et suppliant. Il pleurait comme un chiot, incapable de maîtriser les tremblements qui l'agitait.

  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 544-545


Sa voix remontait du fond des âges. Était-il devenu comme elle, un fantôme ?

  • Mapuche, Caryl Férey, éd. Gallimard, coll. « Folio policier », 2012  (ISBN 978-2-070-45297-2), p. 544-545


Citation sur

[modifier]
Caryl Férey s’est passionné pour les Mapuches, titre de son précédent livre où se nouait une histoire d’amour entre une Indienne déracinée et un détective hypersensible, fils d’un poète tué par la dictature de Videla.
  • « L'énergie Rock de Caryl Férey », Macha Séry, Le Monde, 11 mars 2016 (lire en ligne)


Voir Aussi

[modifier]

Vous pouvez également consulter les articles suivants sur les autres projets Wikimédia :

Bibliographie

[modifier]

Notes et références

[modifier]
  1. Un dérivé bon marché de la cocaïne très addictif apparu en 2001 en Argentine
  2. Le mot appropriadores désigne dans ce contexte des personnes adoptant des enfants de façon illégale, après que leurs parents biologiques aient disparu. Il peut s'agir de nourrissons dont les mères ont été exécutées peu après leur naissance.
  3. Il s'agit de Polo Lugones (1897-1971), fils de l'écrivain Leopold Lugones (1874-1938).