La Vierge aux rochers
Apparence
Article en cours de rédaction | |
Cet article est inachevé. Son état est provisoire et sera modifié. Une version améliorée est en préparation.
|


La Vierge aux rochers est un tableau de Léonard de Vinci dont il existe 2 versions. La première peinte entre et est exposée au musée du Louvre tandis que la seconde achevée au début du XVIe siècle est visible à la National Gallery, à Londres.
Daniel Arasse
[modifier]- Voir le recueil de citations : Daniel Arasse
Les différences entre les deux versions de La
Vierge aux rochers marquent la force avec laquelle Léonard adopte l'idée selon laquelle la luminosité atmosphérique, l'éclairage (c'est-à-dire aussi les ombres) et les reflets affectent l'apparence des couleurs. […] Dans la seconde version, la part accordée au ciel est fortement réduite et ce choix permet d'englober « logiquement » les figures dans une atmosphère plus sombre. […] Presque paradoxalement – mais c'est aussi là que réside la science de la peinture que Léonard travaille à mettre au point –, alors que la lumière plus neutre de la première version détachait les figures du fond sans leur donner ce rilievo qui est la perfection de la peinture, le second tableau permet à la fois d'unir davantage l'ensemble des composantes de l'image en les enveloppant dans une ombre commune et de faire surgir vers le fidèle le groupe des figures. L'efficacité de ce nouveau traitement lumineux est comme démontrée par la transformation de l'ange. […] C'est un fait que Léonard n'avait plus besoin de cette figure, typiquement albertienne, d’admoniteur. Le groupe est lumineusement assez présent désormais pour qu'il ne soit pas besoin d'inviter, du regard et du doigt, son spectateur à participer à la scène. Le repliement du regard de l'ange dans le plan du tableau est un indice du chemin accompli par Léonard (et de la conscience qu'il en avait) : sa science des ombres et des lumières lui permet d'impliquer son spectateur sans avoir besoin de lui lancer un appel. Tout en se refermant sur elles-mêmes, les figures sont coprésentes au spectateur, ouvertes à sa participation affective.
- Léonard de Vinci : le rythme du monde, Daniel Arasse, éd. Hazan, 1997 (ISBN 2-85025-542-4), partie L’ouvrage de peinture, chap. Les desseins du peintre, p. 304-306 (lire en ligne)
Baudelaire
[modifier]- Voir le recueil de citations : Charles Baudelaire
- Les Fleurs du mal, Charles Baudelaire, éd. Poulet-Malassis et de Broise, 1857, p. 23 (texte intégral sur Wikisource)
Sylvie Béguin
[modifier]- Voir le recueil de citations : Sylvie Béguin
Et surtout, peut-être pour nous déjà, nous attire dans ce tableau le sourire qui se dessine sur les lèvres de l'ange et qui annonce le sourire de la Joconde.
- Sylvie Béguin, Si le Louvre m'était conté… Épisode 4 : la Vierge aux rochers, André Flédérick, Société des amis du Louvre / Antenne 2 (1e diffusion), 1973 (accéder en ligne)
Serge Bramly
[modifier]- Voir le recueil de citations : Serge Bramly
- Léonard de Vinci : une biographie, Serge Bramly, éd. JC Lattès, 2019 (ISBN 978-2-7096-6323-6), chap. VI. La plume et le canif, p. 270
- Léonard de Vinci : une biographie, Serge Bramly, éd. JC Lattès, 2019 (ISBN 978-2-7096-6323-6), chap. VI. La plume et le canif, p. 272-273
- Léonard de Vinci : une biographie, Serge Bramly, éd. JC Lattès, 2019 (ISBN 978-2-7096-6323-6), chap. VI. La plume et le canif, p. 275
- Léonard de Vinci : une biographie, Serge Bramly, éd. JC Lattès, 2019 (ISBN 978-2-7096-6323-6), chap. VI. La plume et le canif, p. 277
Pascal Brioist
[modifier]- Voir le recueil de citations : Pascal Brioist
- Les Audaces de Léonard de Vinci, Pascal Brioist, éd. Stock, 2019 (ISBN 978-2-234-08638-8), p.
- Cette source est trop vague : les champs page doivent être renseignés. Si des références précises ne sont pas données, la citation devra être retirée de la page.
Dan Brown
[modifier]- Voir le recueil de citations : Da Vinci Code
Pourquoi est-ce Jean-Baptiste qui bénit Jésus, comme pour le soumettre à son autorité ? Et pourquoi la Vierge tient-elle Jean-Baptiste - et non son propre fils - au creux de son bras ? Pour le protéger ? Ou pour le forcer à adorer Jésus ?
- (en) Da Vinci Code, Dan Brown (trad. Daniel Roche), éd. JC Lattès, 2004 (ISBN 978-2-709-62493-0), p. 173
David Alan Brown
[modifier]Lorsqu'il repensa la représentation de l'ange, Léonard décida bien évidement de supprimer le regard en direction du spectateur et le geste de la main avec le doigt pointé. […] L'œuvre préparée et exécutée sous la supervision du maître constitue la version définitive de la Vierge aux rochers.
- (en) In revising the angel, Leonardo evidently decided to suppress his outward glance and pointing gesture. […] Prepared and begun by him and then executed under his supervision, it is the definitive edition of the Madonna of the Rocks.
- (en) David Alan Brow, « The London Madonna of the Rocks in Light of Two Milanese Adaptations », dans Collaboration in Italian Renaissance art, Yale University Press, (lire en ligne), p. 170, 172.
- Léonard de Vinci, Pietro C. Marani (trad. Françoise Liffran), éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-015038-0), partie L’œuvre de Léonard de Vinci, p. 132
André Chastel
[modifier]- Voir le recueil de citations : André Chastel
Le texte du manuscrit Arundel [ B.M. 155r.] insiste plus que d'ordinaire sur les jeux d'ombre et de lumière, sur le clair-obscur étrange de la caverne; et l'on est tenté de le rapprocher de l'effet crépusculaire et humide de la Vierge aux rochers. L'atmosphère couverte qui exalte et adoucit à la fois le relief des formes, ajoute à l'intensité de la beauté. Si le moment de la grâce la plus expressive exige l'enveloppe obscure, une grotte qui déploie un champ sombre autour des figures est comme une demeure idéale où elles prendront toute leur séduction : en plaçant les personnages divins dans ce cadre fantastique, Léonard, par une de ces transpositions décidées dont il est coutumier, donne à la scène traditionnelle la valeur d'un symbole plus général. Il superpose sa propre vision à l'image pieuse : le jour bleuâtre qui filtre à travers les prismes minéraux semble suggérer une clairière du monde souterrain plutôt qu'un libre horizon ; des glaciers apparaissent dans les lointains et rappellent l'immensité de la nature.
- Art et humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique : études sur la Renaissance et l'humanisme platonicien (1959), André Chastel, éd. Presses universitaires de France, 1961, partie III. Léonard de Vinci et le néo-platonisme, chap. III. La vérité de l’art. III, la caverne et les lointains, p. 436-437 (lire en ligne)
Kenneth Clark
[modifier]- Voir le recueil de citations : Kenneth Clark
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : an account of his development as an artist] (1939), Kenneth Clark (trad. Eleonor Levieux et Françoise-Marie Rosset), éd. Librairie générale française, coll. « Livre de poche », 2005 (ISBN 9782253114413), chap. II. 1481-1490, p. 104 (lire en ligne)
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : an account of his development as an artist] (1939), Kenneth Clark (trad. Eleonor Levieux et Françoise-Marie Rosset), éd. Librairie générale française, coll. « Livre de poche », 2005 (ISBN 9782253114413), chap. II. 1481-1490, p. (lire en ligne)
- Cette source est trop vague : les champs page doivent être renseignés. Si des références précises ne sont pas données, la citation devra être retirée de la page.
André Charles Coppier
[modifier]- Voir le recueil de citations : André Charles Coppier
Dans le panneau de la National Gallery, l’ange ne parle pas au spectateur et son rôle ne s’explique plus ; car il est indifférent à la scène, quoiqu’il soutienne de ses deux mains le petit Jean dont le geste de bénédiction, — si vivement mis en lumière au Louvre, — s’atténue, ici, dans une pénombre injustifiée. Son regard erre, sans but, vers le bas du cadre, parmi les graminées et les fleurs de jardin qui ont remplacé la source alpestre.
- « Les Vierges aux Rochers et la légende de La Joconde », André-Charles Coppier, La revue des deux mondes, nº 7e période, tome 14, 1923, p. 194 (texte intégral sur Wikisource)
Vincent Delieuvin
[modifier]- Voir le recueil de citations : Vincent Delieuvin
Les nouvelles réflectographies infrarouges effectuées sur les deux œuvres, celle de la National Gallery en 2005 puis celle du Louvre en 2009, ont permis de définitivement rejeter cette idée d'une substitution pour cause d'hétérodoxie de la version du Louvre. Sous la Vierge londonienne a été découverte une partie d'une première composition d'une Vierge en adoration, dans une attitude assez différente de celle finalement peinte […]. Dans le tableau du Louvre, la réflectographie n'a pas révélé de composition différente sous la peinture, mais des modifications très significatives. Hormis les légers repentirs destinés à améliorer l'agencement des personnages, on a découvert que l'ange avait d'abord été peint tel qu'on le voit dans le tableau de Londres, le regard tourné vers Jean et sans la main droite levée. Ce n'est que vers la fin de l'exécution picturale que le maître a modifié son attitudes[n 1]. L'idée d'une correction de l'image du Louvre dans la version de Londres doit donc être désormais tout à fait abandonnée, et celle de l'hétérodoxie du tableau du Louvre oubliée.
- « La licence dans la règle », Vincent Delieuvin, dans Léonard de Vinci [exposition, Paris, Musée du Louvre, 24 octobre 2019-24 février 2020 (catalogue)], sous la direction de Vincent Delieuvin et Louis Frank, éd. Louvre/Hazan, 2019 (ISBN 9782754111232), partie Liberté, p. 134-135
À la suite d'un différend financier avec la confrérie, il a peut-être décidé avec Ambrogio de Predis de céder cette première version après y avoir modifié l'attitude de l'ange, pour attirer davantage l'attention sur le petit saint Jean, sans doute à la demande du nouveau destinataire, et pour une raison inconnue […] C'est à l'occasion de cette transformation de l'ange que Léonard a tracé l'un de ses plus beaux dessins, l'Étude de figure pour l'ange de la Vierge aux rochers du musée de Turin, afin d'étudier le pivotement naturel de la figure et le surgissement du sourire.
- « La licence dans la règle », Vincent Delieuvin, dans Léonard de Vinci [exposition, Paris, Musée du Louvre, 24 octobre 2019-24 février 2020 (catalogue)], sous la direction de Vincent Delieuvin et Louis Frank, éd. Louvre/Hazan, 2019 (ISBN 9782754111232), partie Liberté, p. 135
- « La licence dans la règle », Vincent Delieuvin, dans Léonard de Vinci [exposition, Paris, Musée du Louvre, 24 octobre 2019-24 février 2020 (catalogue)], sous la direction de Vincent Delieuvin et Louis Frank, éd. Louvre/Hazan, 2019 (ISBN 9782754111232), partie Liberté, p. 138
Ce dernier manque de relief. Le geste y semble plus mécanique. La tête de l’enfant pourrait tout aussi bien être de la main de Boltraffio, qui a travaillé dans l’atelier de Léonard.
- Remise en cause de l'autorité du tableau de la National Gallery. Citation rapportée par Sarah Belmont.
- « Ép. 1 « La Vierge aux rochers » de Léonard de Vinci, son double et ses troubles. », Sarah Belmont, BeauxArts, 19 novembre 2020 (lire en ligne)
Pierluigi De Vecchi
[modifier]La Vierge aux rochers semble posséder au plus haut degré ce mystérieux pouvoir de fascination qui s'empare aussitôt inconsciemment du spectateur, l'invitant à un jeu d'associations fantastiques et émotionnelles dont seule une petite partie peut être renvoyée à un système précis de conventions formelles et iconographiques. Plus aisé à analyser, en dépit de la complexité, de la richesse des références et de ses profondes innovations, le langage de l'artiste apparaît comme le résultat d'une orientation et de choix qui visent en premier lieu, avec une grande lucidité, au dépassement de tout ce qui avait été atteint dans le domaine de la « mimésis ». Ici est à l'œuvre ce processus systématique de différentiation et de représentation des mouvements, des gestes et des attitudes des personnages, de la nature et des accidents atmosphériques qui est à l'origine du prodigieux développement et débordement des intérêts « scientifiques » de l'artiste.
- Pierluigi De Vecchi, « La Vergine delle Rocce », dans Gian Alberto Dell'Acqua (it), Leonardo e Milano, .
- Léonard de Vinci, Pietro C. Marani (trad. Françoise Liffran), éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-015038-0), partie L’œuvre de Léonard de Vinci, p. 82
Claire Farago
[modifier]Colette Féraudet
[modifier]
Les personnages transmettent par leurs gestes et leurs regards un message silencieux, à la fois mystérieux et sacré. L’ambigüité que recèle la plupart des œuvres de Léonard a été perçue dès l’origine comme une composante de sa personnalité. […] La Vierge aux rochers offre plusieurs possibilités d’interprétation et son iconographie est inattendue. La figure de droite, la seule qui nous regarde, est-elle féminine ou masculine ?
- « La Vierge aux rochers », Colette Féraudet, Panorama de l'Art, 27/03/2023 (lire en ligne)
Léonard est un maître de la narration et de la théâtralité des gestes. Comme nombre de ses œuvres, en commençant par l'Adoration des Mages, la Vierge aux rochers raconte une histoire. […] L'ensemble constitue une combinaison de gestes annonçant ce que Léonard peindra dans La Cène.
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 226-227
La première version de la Vierge aux rochers est un exemple saisissant de la manière dont les connaissances scientifiques du peintre contribuent à la maîtrise de son art. Le sujet du tableau est double: la Vierge et les rochers. Comme Ann Pizzorusso le souligne dans son étude consacrée à la géologie chez Léonard, les composants de la grotte « sont rendus avec une précision géologique remarquable ». […] Nous n'avons pas sous les yeux un décor que Léonard aurait admiré dans la nature et fidèlement reproduit. La grotte sort manifestement tout droit de son imagination mais pour concevoir de toutes pièces une structure aussi créative et réaliste, il faut avoir une connaissance approfondie de la géologie.
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 230
#Ann Pizzorusso; Syson Leonardo da Vinci : painter at the court of Milan (The National Gallery, Londres, 9 novembre 2011 - 5 février 2012), (ISBN 978-1-85709-491-6, lire en ligne); #Clark; #Kemp
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 232-233
Les interrogations portant sur le niveau de contribution de Léonard et de ses collègues dans la réalisation de la seconde version de la Vierge aux rochers mettent en lumière l'importance de la collaboration dans l'atelier du maître. Nous avons tendance à voir les artistes comme des créateurs isolés, enfermés dans leur mansarde, attendant patiemment que l'inspiration vienne. Mais comme le laissent transparaître les carnets de Léonard et le processus de création de son Homme de Vitruve, la création artistique est pour lui une affaire collégiale. Depuis ses premiers jours dans l'atelier de Verrocchio, Léonard a découvert les joies et les avantages du travail en équipe.
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 233-234
Uriel/Gabriel; Étude; Berenson, #Clark
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 234-235
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 15. Vierge aux rochers, p. 236
Au lieu de publier ses notes sur la peinture, Léonard les retouche sans cesse tout au long de sa carrière, comme la plupart de ses peintures. […] La plupart des passages rassemblés par Francesco Melzi sont écrits par Léonard entre 1490 et 1492, alors qu'il commence la deuxième version de la Vierge aux rochers (celle de Londres) et a constitué son propre atelier avec quelques jeunes élèves et apprentis. Il est donc intéressant de les lire comme des conseils majoritairement destinés aux membres de son atelier dans le cadre de leur collaboration à la Vierge aux rochers, lorsqu'ils s'attellent tous ensemble à relever les défis complexes posés par les effets de lumière.
- au sujet de la rédaction des notes pour son Traité de la peinture.
- Léonard de Vinci la biographie (2017), Walter Isaacson (trad. Anne-Sophie De Clercq, Jérémie Gerlier), éd. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2019 (ISBN 978-2-889-15263-6), chap. 17. La science de l’art, p. 263-264
Martin Kemp
[modifier]- Voir le recueil de citations : Martin Kemp
Marie est bien la figure centrale, à la fois protectrice attendrie des enfants et arbitre complice de leur dialogue. À ce titre, il apparaît bien plus judicieux de voir dans les rochers l'illustration d'une des innombrables métaphores du Cantique des cantiques, cette intarissable source de l'imagerie mariale, si chère au cœur des immaculistes : « Ma colombe, dans les fentes du rocher [in foraminibus petrae], dans les retraites escarpées (in caverna maceriae], que je voie ton visage, que j'entende ta voix! » (II, I4). La lumière qui fait émerger les visages de la Vierge et des autres protagonistes produit une impression de révélation miraculeuse, tout à fait en phase avec la métaphore biblique. L'interaction des figures est orchestrée avec un souci presque obsessif de l'éloquence narrative des gestes. […] Il s'agit bel et bien de lire l'histoire qui se tisse, comme un « jeu de ficelle » reliant entre eux les protagonistes de ce groupe pyramidal.
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : The marvellous works of nature and man (2006)] (1981), Martin Kemp (trad. Christian Vair), éd. Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 2019 (ISBN 9782850888007), chap. Le microcosme, p. 114
L'élément le plus novateur du tableau est ce système d'ombre et de lumière. Il ne connait aucun précédent dans la peinture italienne, et l'on n'en trouve que de très incomplètes préfigurations dans les œuvres antérieures de Léonard lui-même. La Vierge aux rochers est la preuve la plus irréfutable que Léonard a désormais repensé du tout au tout les techniques traditionnelles de rendu de l'ombre et de la lumière, au profit d'un système dans lequel l'unité tonale participe pleinement de la structure du tableau.
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : The marvellous works of nature and man (2006)] (1981), Martin Kemp (trad. Christian Vair), éd. Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 2019 (ISBN 9782850888007), chap. Le microcosme, p. 114
Les plus anciens écrits conservés dans lesquels Léonard consigne ses préceptes en matière de description tonale (le Manuscrit C et le Codex Ashburnham II) sont postérieurs de quelques années à la date d'exécution probable de La Vierge aux rochers, mais le tableau montre qu'il en avait déjà une idée claire dès 1483-1486. Ce qu'il recherchait par-dessus tout, c'était de suggérer de façon convaincante la troisième dimension: « Le relief est [...] l'âme de la peinture » (Ash. II 1r). Pour y parvenir, il insistait sur le primat de l'ombre sur la lumière: « L'ombre est plus puissante que la lumière, en ce qu'elle l'interdit, et prive entièrement les corps de lumière, alors que la lumière ne peut jamais chasser toute l'ombre des corps » (Ash. II 22r). L'ombre, en définitive, domine la couleur, et subordonne toutes les nuances à son emprise. « Il se peut que toutes les variétés de couleurs d'une même ombre paraissent transformées en la couleur de cette ombre » (Urb. 66r) ;
« Ne t'attache pas à ce qu'on reconnaisse, dans tes ombres finales, les couleurs qui voisinent ensemble » (Urb. 206v).
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : The marvellous works of nature and man (2006)] (1981), Martin Kemp (trad. Christian Vair), éd. Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 2019 (ISBN 9782850888007), chap. Le microcosme, p. 122
À bien des égards, l'image de Londres est nettement plus aboutie que la version du Louvre. Les formes ont gagné en ampleur, et le groupe apparaît grandi par son nouveau rapport d'échelle avec le cadre, légèrement resserré. Le doigt pointé de l'ange, excessivement littéral, a été éliminé, et son regard désormais tourné vers l'intérieur du groupe confère une dimension supplémentaire au réseau interne d'échanges muets. En outre, l'éclairage se fait encore plus nettement directionnel.
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : The marvellous works of nature and man (2006)] (1981), Martin Kemp (trad. Christian Vair), éd. Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 2019 (ISBN 9782850888007), chap. Le « premier moteur » de l’univers, p. 402
L’intervention personnelle de Léonard est incontestable dans des portions de l'image aussi substantielles que significatives. Qu'on observe en particulier le modelé du visage de la Vierge complexe et résolument analytique; l'étoffe, merveilleusement subtile et diaphane, qui court de son épaule droite, en passant par son sein, jusqu'à son bras gauche; le raffinement radieux de la tête de l'ange aux boucles pleines d'une vivacité presque électrique; sa manche gauche, d'une ravissante délicatesse dans l'usage des glacis translucides. Tous ces effets sont indéniablement hors de portée d'Ambrogio, comme de tout autre disciple connu de Léonard. En outre, la technique de l'estompage au doigt, véritable signature du maître, reparaît dans la tête de l'ange et, plus discrètement, dans celle de la Vierge. Tout cela est contrebalancé par le rendu, mécanique et comme cireux, de certains détails comme les fleurs du premier plan, faiblesses qui pourraient certes être le fait d'un Léonard moins en verve. Moins heureux encore sont les rochers dressés derrière la Vierge, entièrement dépourvus de la précision géologique de la première version.
- Léonard de Vinci [Leonardo da Vinci : The marvellous works of nature and man (2006)] (1981), Martin Kemp (trad. Christian Vair), éd. Citadelles & Mazenod, coll. « Les Phares », 2019 (ISBN 9782850888007), chap. Le « premier moteur » de l’univers, p. 411
Jean Kokelberg
[modifier]Quatre visages s'éclairent : deux garçons très jeunes (Jean-Baptistye et Jésus) et deux êtres féminins (l'Ange et la Vierge) ; soyons rassurés, l'équilibre et l'harmonie règnent au sein de ce qu'il faut bien appeler une petite famille.
- Madones toscanes, Jean Kokelberg, éd. La Renaissance du livre, 2005 (ISBN 978-2-874-15509-3), p. 63
Pietro C. Marani
[modifier]- Voir le recueil de citations : Pietro C. Marani
L'ange gardien du petit saint Jean à droite, à la structure étonnante, mi-ange mi-monstre (Pedretti le compare à une harpie) donne à ce paysage, déjà irréel, une certaine connotation d'animalité. En plus de ces problèmes d'interprétation, il faut tenir compte du langage stylistique de Léonard: en Lombardie, à cette époque, il devait sembler extrêmement avancé, sans précédent. On a là toute la vision de la nature et du monde conçue par l'artiste à Florence: une chaude lumière solaire qui, malgré les vastes zones d'ombre, a pour rôle d'unifier l'espace et l'homme, à l'image de la perspective florentine, insérant l'homme dans la totalité du monde et des phénomènes naturels. […] La seconde version montre comment, dix ans plus tard, l'artiste peut changer complètement de registre, dans son style comme dans ses significations symboliques. Ce second exemplaire joue audacieusement de façon plus intellectuelle encore sur la déformation et l'agrandissement de la scène et des personnages, plongés dans une lumière qui n'est plus naturelle, mais abstraite, en accord avec l'évolution de la poétique de Léonard et de sa théorie artistique.
- Léonard de Vinci : catalogue complet des peintures, Pietro C. Marani (trad. Isabelle Rabourdin), éd. Bordas, 1991 (ISBN 2-04-019559-9), partie Catalogue des œuvres, 10. La Vierge aux rochers (la Vierge, l’Enfant, le petit saint Jean et un Ange), p. 58
- Léonard de Vinci : catalogue complet des peintures, Pietro C. Marani (trad. Isabelle Rabourdin), éd. Bordas, 1991 (ISBN 2-04-019559-9), partie Catalogue des œuvres, 14. La Vierge aux rochers, p. 68
La composition nouvelle et naturaliste de la scène, son fort effet tridimensionnel obtenu grâce à des contrastes violents entre ombres et lumières, l'atmosphère mystérieuse et en même temps très douce qui lie les divers personnages dans un enchevêtrement de rapports et de lignes de force qui, à travers le regard de l'ange, requièrent aussi la participation active du spectateur, font de la première version de la Vierge aux rochers un tableau paradigmatique, une première et extraordinaire synthèse de la culture de Léonard. Dans cette œuvre complexe et fortement structurée, l'art est considéré avant tout comme une création indépendante de l'intellect, non comme un asservissement à une idéologie ou à une théorie préconçue.
- Léonard de Vinci, Pietro C. Marani, éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-015038-0), partie La peinture de Léonard de Vinci : évolution de la technique et du style dans le sillage du classicisme, p. 18-19
La seconde version de la Vierge aux rochers offre l'image d'un monde naturel soumis à l'investigation d'un bistouri, passé au crible d'un œil impitoyable qui mesure et transmet à l'esprit, puis à la main, la tâche de reproduire l'image du monde comme s'il était perçu à travers une lentille convexe. Cette seconde version présuppose aussi que Léonard ait mis au point les préceptes de son Traité de la peinture qui en justifient le caractère plus académique, l'inspiration plus mentale et la technique nettement plus raffinée. En effet, dans la peinture de Londres, bien que de nombreuses zones soient non finite, on retrouve la touche finale travaillant la surface du bout des doigts.
- Léonard de Vinci, Pietro C. Marani, éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-015038-0), partie La peinture de Léonard de Vinci : évolution de la technique et du style dans le sillage du classicisme, p. 19
Francesco Malaguzzi
[modifier]
Ainsi, ce n'est plus une copie mais une reprise très libre et peu attrayante que la Vierge [aux rochers], aujourd'hui à Berlin, que Bernardino de Conti a peinte, signée et datée en 1521, représentant le petit Jésus et Saint Jean s'embrassant sous la protection de la Vierge qui, dans son attitude générale, est tirée de l'exemplaire léonardesque. Le peintre a également reproduit, avec quelques variations, le fond rocheux et accidenté, et dans certaines particularités des cassures au-dessus de la figure de la Vierge, il a révélé qu'il s'était précisément conformé à l'exemplaire londonien, qu'il avait vu à Milan à l'époque. Mais il a enduit les chairs de ses personnages d'une teinte rouge brique des plus désagréables.
- (it) Così non più una copia ma una derivazione molto libera e poco attraente è la Madonna [delle Rocce], oggi a Brera, che Bernardino dei Conti nel 1521 dipinse, firmò e datò, raffigurante il piccolo Gesù e San Giovannino abbracciati sotto la protezione della Vergine la quale, nell'atteggiamento generale, è tolta a quella leonardesca. Il pittore riprodusse, con qualche variante, anche il fondo roccioso e accidentato e, in certe particolarità delle spezzature al di sopra della figura della Vergine, rivelò di essersi precisamente attenuto all'esemplare londinese[11], ch'egli vide in quell'epoca, a Milano. Ma stese sulle carni delle sue figure una tinta rosso mattone sgradevolissima.
- (it) La corte di Lodovico il Moro, Bramante e Leonardo da Vinci, Ulrico Hoepli, Milano, 1915., Francesco Malaguzzi Valeri (trad. Wikiquote), éd. Ulrico Hoepli, 1915, t. II, p. 425
Dans un compte-rendu jusqu'à présent inconnu parce qu'il fait partie d'un fonds documentaire des Archives d'État de Milan, actuellement en cours de classement, nous trouvons ce résumé d'une supplique : « Jean Ambroise Preda et Leonard de Vinci (de Florence) exposent qu'ils avaient convenu avec les érudits de la Conception de Saint François de Milan de faire certaines peintures. ». Il s'agit évidemment du résumé de la lettre publiée par Motta [...] dans laquelle les deux peintres demandent l'intervention du Duc afin d'être pleinement payés par la Confrérie de l'Immaculée Conception pour les travaux réalisés pour leur compte, à savoir un retable « de personnages de relief en or fin » et un tableau « de la Vierge peinte à l'huile et deux tableaux avec deux grands anges » peint, est-il clairement indiqué, par Léonard, et demandant la restitution de la Madone en cas de non-paiement.
- (it) In un protocollo fin qui sconosciuto perchè fa parte di una miescellanea, presso l'Archivio di Stato di Milano, che si sta ordinando, trovasi questo riassunto di una supplica: "Johannes Ambrosius Preda et Leonardus da Vinci Florentinus exponunt alias convenisse cum scolaribus Coneptionis Santi Francisci Mediolani ad faciendum quasdam picturas." Si tratta evidentemente del riassunto della suplica pubblicata dal Motta con la quale i due pittori chiedevano l'intervendto del duca per esser soddistaffi complemente dalla confraternita della Concezionne di lavori eseguitti per loro, cioè un'ancona "de figure de relevo misa tuta de oro fino" e un quadro "de una nostra Dona depinta a olio et dui quadri cum dui angeli grandi" dipinta, è detto chiaramente , da Leonardo chiedendo, in caso di non pagamento, la restituzione della Madonna.
- « Un nuovo documento sulla Vergine delle Roccie di Leonardo [Un nouveau document sur la Vierge aux rochers de Léonard. », Francesco Malaguzzi Valeri (trad. Wikiquote), Rassegna d'Arte antica e moderna, nº 1901.7, juillet 1901, p. 110 (lire en ligne)
Eugène Müntz
[modifier]- Voir le recueil de citations : Eugène Müntz
N'importe, un abîme sépare le tableau du Louvre des autres peintures milanaises de Léonard : technique, style, expression, tout diffère ; le dessin est encore légèrement recroquevillé, un peu dans le goût de Verrochio : les draperies chiffonnées, les physionomies soucieuses voir maussades; toutes particularités (on n'ose prononcer le nom de défauts, car de tels défauts sont faits pour désarmer la critique), qui ne tarderont pas à disparaitre. En un mot, quoi que peinte à Milan, la Vierge au rochers est encore florentine d'inspiration.
- Madones toscanes, Eugènes Müntz, éd. Hachette, 1899, p. 164
Charles Nicholl
[modifier]- Voir le recueil de citations : Charles Nicholl
Carlo Pedretti
[modifier]Ann Pizzorusso
[modifier]D'un point de vue géologique, toutes les peintures et tous les dessins de Léonard de Vinci révèlent une remarquable fidélité à la nature. La Vierge aux rochers de la National Gallery de Londres, qui lui est attribuée, ne présente pas une telle fidélité. Si on la compare à la Vierge aux rochers du Louvre, dont l'exactitude géologique est stupéfiante, on ne peut s'empêcher de se demander si Léonard a lui-même peint l'arrière-plan du tableau de la National Gallery. […] Il semble peu probable que la même personne ait pu représenter les formations géologiques avec autant de précision dans l'œuvre du Louvre et avec autant d'incongruité dans le tableau de la National Gallery.
- (en) Viewed from a geological perspective, all of Leonardo’s paintings and drawings reveal a remarkable fidelity to nature. The Virgin of the Rocks in the National Gallery in London, attributed to him, displays no such fidelity. If we compare it to the Virgin of the Rocks in the Louvre, whose geological accuracy is astounding, we cannot help questioning whether Leonardo himself painted the background in the National Gallery painting. […] It seems unlikely that the same person could have portrayed geological formations so accurately in the Louvre work and so incongruously in the National Gallery painting.
- « Leonardo’s Geology: The Authenticity of the Virgin of the Rocks », Ann Pizzorusso (trad. Wikiquote), Leonardo, nº Vol 29, n° 3, juin 1996, p. 197 (lire en ligne)
Sara Taglialagamba
[modifier]
D'une beauté désarmante mais d'une expression quelque peu cruelle, l'ange sert de repoussoir à la composition en s'adressant au spectateur. Une étude de son visage, […] fut qualifiée par Berenson (it) de « plus beau dessin du monde ». Sur le dessin, le modèle tourne le regard vers le spectateur et l'invite à la découverte d'un prodige. Son visage est défini d'une touche décidée, par le biais d'un jeu savant d'ombres et de lumières. Expressifs et fureteurs, ses yeux captivent l'attention, et c'est précisément son regard qui parvient à fixer l'instant où il se tourne, comme appelé de l'extérieur.
- « Du dessin au tableau », Sara Taglialagamba, dans Léonard de Vinci: l'art du dessin, Carlo Pedretti et Sara Taglialagamba, éd. Citadelles & Mazenod, 2017 (ISBN 978-2-85088-725-3), chap. Les deux Vierges, p. 204-206
Carlo Vecce
[modifier]- Voir le recueil de citations : Carlo Vecce
Son exécution, étalée sur deux ans, de 1483 à 1485, dans un style qui trahit encore l'influence de la manière florentine, est une interprétation résolument libre du programme figuratif originel : il ne s'agit plus du groupe statique et traditionnel de la Vierge avec enfant, entouré d'anges et de prophètes, mais d'une représentation sacrée de l'ancienne légende de la rencontre entre le Christ enfant et le jeune Jean-Baptiste dans le désert […] Cette audacieuse mise en situation permet à Léonard de développer le motif des rochers et des massifs, d'ailleurs prévu dans le contrat, et d'en faire les acteurs fondamentaux de la scène, de les charger de valeur symbolique, comme dans le mythe de la caverne qui s'ouvre et révèle à l'homme le mystère intime de la nature.
- Léonard de Vinci (1998), Carlo Vecce (trad. Michael Fusaro), éd. Flammarion, 2019 (ISBN 978-2-0814-7359-1), partie II. Milan (1482-1499), chap. 3. La Vierge aux rochers, p. 97
Au sein de cette composition pyramidale, les droites qui joignent les membres des personnages, la ligne horizontale qui coupe la scène de l'index de l'ange aux mains jointes de Jean-Baptiste, ainsi que la verticale qui part de la main de la Vierge et va jusqu'à la main droite du Christ bénissant, créent l'icône de la croix, la prophétie de la Passion, l'événement que la Vierge semble vouloir épargner à son fils. […] Au centre du tableau, toutes les énergies, toutes les lignes de forces semblent converger vers un point unique, un aleph, la broche qui retient le manteau de la Vierge : sertie dans une couronne de perles, la gemme ovale et convexe réfléchit (comme le miroir des époux Arnolfini de Van Eyck) le monde ténébreux qui se trouve face au tableau : le profil d'une grande fenêtre, peut-être l'intérieur de l'atelier de l'artiste. « Miroir profond et sombre… »
- Léonard de Vinci (1998), Carlo Vecce (trad. Michael Fusaro), éd. Flammarion, 2019 (ISBN 978-2-0814-7359-1), partie II. Milan (1482-1499), chap. 3. La Vierge aux rochers, p. 98
Alessandro Vezzosi
[modifier]- Voir le recueil de citations : Alessandro Vezzosi
La première réalisation connue de Léonard à Milan est La Vierge aux rochers, une composition d'une grande complexité, une peinture « métaphysique » qui apparaît comme le paradigme de conceptions esthétiques dont Léonard avait eu l'intuition mais qu'il n'avait pas pleinement exprimées dans sa période florentine. […] La Vierge aux rochers va être le prototype d'une « manière » de l'école léonardesque en Lombardie. L'invention qui consiste à plonger la scène dans l'ombre donne aux éléments surgissant dans la lumière la puissance de véritables révélations et fait apparaître les personnages, les halos et les reflets de « lumières secondaires » comme des émanations spirituelles.
- Léonard de Vinci : Art et science de l’univers, Alessandro Vezzosi (trad. Françoise Lifran), éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-053353-0), chap. III. À Milan au temps des Sforza, p. 55-56
La broche de la Vierge est d'un extraordinaire intérêt quant à la morphogenèse du tableau : elle constitue une sorte de microcosme, un œil de lumière réfractée et d'ombre profonde, comme un miroir obscur. Le visage de la Vierge se trouve au point de convergence de plusieurs diagonales, mais c'est la broche, avec ses vingt perles qui est au centre de toute la composition.
- Léonard de Vinci : Art et science de l’univers, Alessandro Vezzosi (trad. Françoise Lifran), éd. Gallimard, 1996 (ISBN 2-07-053353-0), chap. III. À Milan au temps des Sforza, p. 57-58
Françoise Viatte
[modifier]Les personnages principaux sont les interprètes d'une scène qui relate la Passion et la mort du Christ, mais, comme dans le cas d'autres compositions de Léonard de Vinci, le sens en est caché ou du moins n'est pas suffisamment explicite pour ne pas avoir favorisé les nombreuses et savantes exégèses du tableau. Et, cependant, la transcription du thème de l'Immaculée Conception n'est-elle pas dégagée, ici, de toute littéralité ? La présence de la nature, la représentation des strates de rochers, celles de l'air, de l'ombre, de l'eau et des plantes font appel à la propre vision du peintre plutôt qu'à l'ordonnance de l'image que lui avaient fixée les commanditaires de l'œuvre. Il y est question de la puissance d'érosion du temps, de « l'immensité des formes variées et singulières qu'élabore l'artificieuse nature » évoquées dans le passage du Codex Arundel qui fait suite à la description de la tempête et qu'André Chastel a justement rapproché de la Vierge aux rochers.
- « La Vierge aux rochers », Françoise Viatte, dans Léonard de Vinci : dessins et manuscrits, Françoise Viatte et Varena Forcione, éd. Réunion des musées nationaux, 2003 (ISBN 978-2-7118-4589-7), p. 127 (lire en ligne)

Ici, dans l'acuité de l'expression et le rendu du volume, par le seul traitement de la lumière, du volume, ce visage est le fait de Léonard de Vinci et de lui seul.
- (en) Here, in the acuity of the expression and in the rendering of the volume solely through the treatment of light, this face is the achievement of Leonardo and of no one else.
- Au sujet de la Tête d'enfant de trois quarts à droite, dessin préparatoire de la tête de Jean-Baptiste du tableau la Vierge aux rochers (première version).
- (en) « Head of a Child in Three-Quarter View », Françoise Viatte, dans Leonardo da Vinci, master draftsman, Carmen C. Bambach (dir.), éd. Metropolitan Museum of Art / Yale University Press, 2003 (ISBN 978-1-5883-9034-9), cat. 61, p. 423 (lire en ligne)
- « Tête d'enfant de trois quarts à droite », Françoise Viatte, dans Léonard de Vinci : dessins et manuscrits, Françoise Viatte et Varena Forcione, éd. Réunion des musées nationaux, 2003 (ISBN 978-2-7118-4589-7), partie La vierge aux rochers, cat. 37, p. 137 (lire en ligne)
Frank Zöllner
[modifier]La confrérie pouvait s'identifier directement avec le jeune Baptiste du tableau, qui adore le Christ, mais qui en même temps est béni par lui. La confrérie était donc doublement présente dans l'œuvre : d'une part pendant la prière devant le retable, d'autre part dans le tableau lui-même, par sa figure d'identification, Jean. De plus, Marie pose sa main, qui plus est une partie de son manteau en guise de protection, sur Jean; ainsi, l'enfant et avec lui les membres de l'ordre sont placés sous la protection de la Vierge. Le motif de la protection est thématisé par le manteau enveloppant Jean Baptiste, mais aussi par le cadre de la scène, car les rochers et la grotte étaient considérés comme un refuge, au sens propre comme au sens figuré. C'est peut-être pour cette raison que Léonard apporta tant de soin au traitement pictural du fond rocheux.
- « Léonard de Vinci, vie et œuvre », Frank Zöllner, dans Léonard de Vinci : tout l’œuvre peint et graphique, Frank Zöllner et Johannes Nathan, éd. Tashen, 2019 (ISBN 978-3-8365-7628-4), chap. III. Nouveau départ à Milan, 1483-1484, p. 82
Au-delà d'une interprétation placée sous le signe de l'histoire de la piété, la Vierge aux rochers peut aussi se comprendre d'un point de vue purement artistique, comme une manifestation des études « scientifiques » de Léonard. En fait, avec son ouverture sur une réserve d'eau alpine, la grotte éclatée en deux galeries semble illustrer la conception du corps de la terre, c'est-à-dire de la terre comme d'un être vivant, conception fréquemment formulée par les auteurs de l'Antiquité et du Moyen Âge, et telle que Léonard l'a lui-même thématisée de façon récurrente dans ses écrits. Suivant cette lecture, la Vierge aux rochers annoncerait précisément les conceptions géologiques et hydrologiques que l'artiste exprimera plus tard dans le cadre de ses réflexions « scientifiques » sur le « corps de la terre ». […] Une fois de plus, comme si souvent chez Léonard, l'art précède donc la réflexion théorique et « scientifique ».
- « Léonard de Vinci, vie et œuvre », Frank Zöllner, dans Léonard de Vinci : tout l’œuvre peint et graphique, Frank Zöllner et Johannes Nathan, éd. Tashen, 2019 (ISBN 978-3-8365-7628-4), chap. III. Nouveau départ à Milan, p. 84
Notes et références
[modifier]- ↑ Vincent Delieuvin, Bruno Mottin et Elisabeth Ravaud, « The Paris "Virgin of the Rocks": A New Approach Based on Scientific Analysis », dans Michel Menu (dir.), Leonardo da Vinci's Technical Practice: Paintings, Drawings and Influence = La Pratique technique de Léonard de Vinci: peintures, dessins et influence (Colloque international, Londres, The National Gallery, 13-14 janvier 2012), Hermann, (ISBN 978-2-7056-8455-6)
Voir aussi
[modifier]- « La Vierge, l'Enfant Jésus, saint Jean Baptiste et un ange, dit La Vierge aux rochers », sur collections.louvre.fr
- « The Virgin of the Rocks », sur nationalgallery.org.uk