Gorgias (Platon)

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Début du Gorgias dans le codex Clarkianus 39 (fin du IXe siècle).

Le Gorgias est un dialogue de Platon.

Citations[modifier]

Socrate à Gorgias : Veux-tu savoir quel type d’homme je suis ? Eh bien, je suis quelqu’un qui est content d’être réfuté, quand ce que je dis est faux, quelqu’un qui a aussi plaisir à réfuter quand ce qu’on me dit n’est pas vrai, mais auquel il ne plaît pas moins d’être réfuté que de réfuter. En fait, j’estime qu’il y a plus grand avantage à être réfuté, dans la mesure où se débarrasser du pire des maux fait plus de bien qu’en délivrer autrui. Parce qu’à mon sens, aucun mal n’est plus grave pour l’homme que se faire une fausse idée des questions dont nous parlons en ce moment.


Socrate à Polos : [L’]esthétique est à la gymnastique ce que la sophistique est à la législation ; et […] la cuisine est à la médecine ce que la rhétorique est à la justice.
  • Selon Socrate, l'esthétique, la sophistique, la cuisine et la rhétorique sont des formes de la flatterie, de la complaisance.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 465b-c, p. 165


Socrate à Polos : J’affirme que l’être (homme ou femme) doté d’une bonne nature morale est heureux, mais que l’être injuste et méchant est malheureux.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 470e, p. 180-181


Socrate à Polos : [J]e pense que toi, comme moi, comme tout le reste des hommes, nous jugeons tous que commettre l’injustice est pire que la subir et que ne pas être puni est pire qu’être puni.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 474b, p. 188


Socrate à Polos : [L’]application de la justice rend certainement plus raisonnable et plus juste : en fait, elle est une médecine pour la méchanceté de l’âme.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 478d, p. 205


Calliclès à Socrate : L’homme qui se trouve dans la situation de devoir subir l’injustice n’est pas un homme, c’est un esclave, pour qui mourir est mieux que vivre s’il n’est même pas capable de se porter assistance à lui-même, ou aux autres êtres qui lui sont chers, quand on lui fait un tort injuste et qu’on l’outrage. Certes, ce sont les faibles, la masse des gens, qui établissent les lois, j’en suis sûr. […] Ils veulent faire peur aux hommes plus forts qu’eux et qui peuvent leur être supérieurs. […] Car, ce qui plaît aux faibles, c’est d’avoir l’air d’être égaux à de tels hommes, alors qu’ils leur sont inférieurs.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 483b-c, p. 214


Calliclès à Socrate : Chez nous, les êtres les meilleurs et les plus forts, nous commençons à les façonner, dès leur plus jeune âge, comme on fait pour dompter les lions ; avec nos formules magiques et nos tours de passe-passe, nous en faisons des esclaves, en leur répétant qu’il faut être égal aux autres et que l’égalité est ce qui est beau et juste. Mais, j’en suis sûr, s’il arrivait qu’un homme eût la nature qu’il faut pour secouer tout ce fatras, le réduire en miettes et s’en délivrer, si cet homme pouvait fouler aux pieds nos grimoires, nos tours de magie, nos enchantements, et aussi toutes nos lois qui sont contraires à la nature — si cet homme, qui était un esclave, se redressait et nous apparaissait comme un maître, alors, à ce moment-là, le droit de la nature brillerait de tout son éclat.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 483e-484a, p. 215


Calliclès à Socrate : [S]i l’on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu’elles peuvent désirer.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 491e-492a, p. 231


Calliclès à Socrate : Écoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu’on veut, demeurent dans l’impunité, ils font la vertu et le bonheur ! Tout le reste, ce ne sont que des manières, des conventions, faites par les hommes, à l’encontre de la nature. Rien que des paroles en l’air, qui ne valent rien !
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 492c, p. 232


Socrate à Calliclès : [Q]uand il n’y a pas de communauté, il ne saurait y avoir d’amitié.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 507e, p. 274


Socrate à Calliclès : [J]e pense que presque tous les hommes qui servent d’exemples dans l’Hadès, se trouvent chez les tyrans, les rois, les chefs, et chez tous les hommes qui ont eu une action politique. Ce sont eux, en effet, qui commettent des méfaits, lesquels, à cause du pouvoir dont ces hommes disposent, ne peuvent être que des méfaits énormes et parfaitement impies.
  • Gorgias, Platon (trad. Monique Canto-Sperber), éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), 525d, p. 309


À propos du Gorgias[modifier]

Monique Canto-Sperber[modifier]

[Calliclès] devait représenter, pour Nietzsche surtout, le personnage le plus anti-platonicien des dialogues, celui qui s’oppose le plus radicalement à l’idéal socratique. Mais si Calliclès est devenu l’emblème d’un immoralisme radical, qui rejette toute obligation de justice, toute reconnaissance de légalité et toute exigence de philosophie et de vérité, ce qui a contribué à rendre ce personnage si fort, c’est aussi la radicalité du débat qui l’oppose à Socrate. En fait, au moins autant que Calliclès, c’est le conflit entre Socrate et Calliclès (conflit fait de violence, d’accusations réciproques, de silence et de mépris de la part de Calliclès, d’insistance et d’ironie de la part de Socrate) qui est resté exemplaire. La force subversive de Calliclès est rendue encore plus frappante par l’ardeur philosophique et morale de Socrate.
  • « Introduction », Monique Canto, dans Gorgias, Platon, éd. Flammarion, coll. « GF », 2007  (ISBN 978-2-0812-0725-7), p. 42


Werner Jaeger[modifier]

Il dut y avoir, parmi les aristocrates athéniens, bon nombre d’hommes politiques pareils à [Calliclès], et Platon eut, dès sa jeunesse, l’occasion de les approcher de fort près. Critias, leader sans scrupules de la réaction oligarchique et futur « tyran », en est un exemple frappant : c’est à lui, ou à l’un de ses semblables, que Platon a peut-être emprunté quelques traits pour imaginer le personnage de Calliclès. Et bien que Platon soit foncièrement opposé aux vues de ce dernier, il les expose avec l’aisance et la sympathie d’un homme qui a étouffé en lui des sentiments identiques, ou qui avait encore à le faire.
  • Paideia : la formation de l'homme grec (1934), Werner Jaeger (trad. André et Simonne Devyver), éd. Gallimard, coll. « Tel », 1988  (ISBN 978-2-07-071231-1), t. I, partie II : Le génie d’Athènes, chap. III – Les sophistes, p. 374


Jacqueline de Romilly[modifier]

[Q]uiconque lit le dialogue est nécessairement contre Calliclès et pour Socrate, contre l’ambition et pour la philosophie ; pourtant l’idéal de Socrate s’avère en fin de compte aussi exceptionnel qu’il est admirable ; et nul, dans un État, ne songerait, en fait, à le généraliser.
  • Les Grands Sophistes dans l’Athènes de Périclès (1988), Jacqueline de Romilly, éd. Éditions de Fallois, coll. « Le Livre de poche / Références », 2004  (ISBN 978-2-253-10803-0), chap. 2. Un enseignement nouveau, p. 75


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