Patrice Desbiens

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Paysage bucolique du Nord de l'Ontario
(North Bay, août 2009)

Patrice Desbiens (né à Timmins le 17 mars 1948) est un poète et musicien franco-Ontarien. Il publie son premier recueil (Cimetières de l'œil) à compte d'auteur en 1972. En 1985, il reçoit le Prix du Nouvel-Ontario pour l’ensemble de son œuvre et pour sa contribution à la culture franco-ontarienne. Un pépin de pomme sur un poêle à bois lui vaut le Prix Champlain en 1997. Poète de la quotidienneté, Patrice Desbiens partage désormais son quotidien entre Sudbury, Montréal et Québec, ville où il a établi résidence en 1988.


En temps et lieux (2007)[modifier]

Stationnés dans un cratère
sur la lune
nous sommes très nus sur
la banquette arrière d'une
bébé Austin 1970 en regardant
un coucher de Terre un peu
incertain.

Plus tard on se promène
on cherche un McDo mais
il semble qu'il y en a pas ici
encore.
Alors on sort l'Orange Crush
et les chips qu'on avait amenées
juste en cas et
considérant l'air rare mais
pur et la
nouvelle légèreté de nos corps
on fait l'amour
tandis que sur la Terre
on fait la guerre.

  • En temps et lieux, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2007, Dans un cratère sur la lune, p. 19


Il y a des photos de
French Canadians photogênés
des photos prises dans
le temps noir et blanc
du bon vieux temps [...]
de la bonne vieille
piastre en papier
dans le temps
qu'il y avait
des arbres dedans
des arbres à se
perdre dedans
des arbres à se
pendre dedans
le long d'un long
chemin de terre
dans un autre pays
où des hommes de somme
mâchaient leur gomme et
crachaient leurs dents
en bouettant dans
la bouette de
chair à canon.

  • En temps et lieux, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2007, La vieille piastre en papier, p. 26


Son ange gardien
n'a jamais su défaire
le nœud gordien
sous l'abysse de
ses cheveux noirs
et lisses.

On l'a trouvée
étendue
sur la frontière
entre le Ciel
et l'Enfer.

On n'a jamais su
si elle essayait
d'entrer
ou de
sortir.

  • En temps et lieux, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2007, La constance de Connie, p. 35


Dieu s'appelle Fernand.
Fernand est soûl.
Fernand est beau.
Il s'est battu avec les farces
du bien et du mal et il ne
lui reste plus rien que son
rictus édenté et sa coupe
Longueuil.

Dieu s'appelle Fernand.
Il vit dans une buanderie
automatique.
Il mange une crème glacée
aux fraises.
Il prie pour qu'on l'oublie.
[...]

  • En temps et lieux, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2007, Dieu s'appelle Fernand, p. 48


En temps et lieux 2 (2008)[modifier]

Je te parle de l'attente
comme un blessé de guerre
qui erre de tente à tente
en attendant sa mort lente
[...]
Je me réveille bleu et froid
dans mon lit et
le cœur me lève
comme un chœur
de saules pleureurs
n'attendant qu'une
envolée d'oiseaux pour
sécher leurs larmes.

  • En temps et lieux 2, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2008, Un peu de pluie, p. 24


L'Indien sur le coin me dit
t'es un poète toi ?
écoute mon poème :

Hollywood Hollywood
remonte tes culottes
et
sens ta marde
parce que

les loups dansent
avec personne.
[...]

  • En temps et lieux 2, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2008, L'Indien sur le coin, p. 41


Chez les pauvres
on ne décide pas
on ne décède pas
on crève

on crève
comme des chiens
on crève
comme des pneus
avec un son
de gun
dans la nuit.

  • En temps et lieux 2, Patrice Desbiens, éd. L'Oie de Cravan, 2008, Crevaison, p. 45