Nicolas Copernic

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Nicolas Copernic

Nicolas Copernic, né le 19 février 1473 à Toruń, Prusse royale (Royaume de Pologne) et mort le 24 mai 1543 à Frombork, Prusse royale (Royaume de Pologne), est un chanoine, médecin et astronome polonais.

De revolutionibus orbium coelestium (1543)[modifier]

Et pour que les savants et les ignorants voient pareillement que je ne veux éviter aucunement le jugement de personne, j'ai voulu dédier ces miennes recherches à Ta Sainteté plutôt qu'à tout autre, parce que, même dans ce coin éloigné de la terre où je vis, tu es considéré comme la personne la plus éminente, autant dans l'ordre de la dignité que pour l'amour des lettres et même des mathématiques ; afin que, par ton autorité et jugement tu puisses réprimer les morsures des calomniateurs ; quoiqu'il soit bien connu qu'il n'y a pas de remède contre la morsure des sycophantes.
  • (la) Ut vero pariter docti atque indocti viderent, me nullius omnino subterfugere judicium, malui Tuae Sactitati, quam cuiqam alteri, hameas lucubrationes dedicare ; propterea quod et in hoc remotissimo angulo terrae, in quo ego ago, ordinis dignitate et litterarum omnium atque mathematices etiam amore eminentissimus habearis, ut facile tua autoritate et judicio calumniantium morsus reprimere possis, etsi in proverbio sit, non esse remiedium adversus sycophantae morsum.
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Au très saint père le pape Paul III, p. 47


C'est pourquoi, si la dignité des arts était évaluée d'après celle des matières dont ils traitent, celui que certains appellent astronomie, d'autres astrologie, d'autres enfin, parmi les anciens, l'achèvement des mathématiques, serait de beaucoup le plus haut[1]. En effet, celui-ci, le chef de tous les arts de l'esprit, le plus digne de l'homme libre, est porté par presque toutes les espèces des mathématiques.
  • (la) Proinde si artium dignitates penes suam de qua tractant materiam aestimentur, erit haec longe praestantissima, quam alii quidem astronomiam, alii astrologiam, multi vero priscorum mathematices consummationem vocant. Ipsa nimirum ingenuarum artium caput, dignissima homini libero omnibus fere mathematices speciebus fulcitur.
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Livre premier, p. 50
Car la [raison] principale sur laquelle on s'appuie pour démontrer que le monde est fini, est le mouvement[2]. Mais laissons aux disputations des philosophes [de décider] si le monde est fini ou infini ; nous sommes [en tout cas] certains que la terre, entre ses pôles, est limitée par une surface sphérique. Pourquoi donc hésiterions-nous plus longtemps de lui attribuer une mobilité s'accordant par sa nature avec sa forme[3], plutôt que d'ébranler le monde entier, dont on ignore et ne peut connaître les limites[4]? Et n'admettrions-nous pas que la réalité de cette révolution quotidienne appartient à la terre, et son apparence seulement au ciel !
  • (la) Nam potissimum, quo astruere nituntur mundum esse finitum, est motus. Sive igitur finitus sit mundus, sive infinitus, disputationi physiologorum dimittamus, hoc certum habentes, quod terra verticibus conclusa superficie globosa terminatur. Cur ergo haesitamus adhuc, mobilitatem illi formae suae a natura congruentem concedere, magis quam quod totus labatur mundus, cuius finis ignoratur scirique nequit ; neque fateamur ipsius quotidianae revolutionis in caelo apparentiam esse, et in terra veritatem ?
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Livre premier, chap. VIII, p. 92


Comme donc rien ne s'oppose à la mobilité de la terre, je pense qu'il faut examiner maintenant s'il ne convient pas de lui [attribuer] même plusieurs mouvements, de manière à ce qu'elle puisse être envisagée comme une des planètes[5].
  • (la) Cum igitur nihil prohibeat mobilitatem terrae, videndum nunc arbitror, an etiam plures illi motus conveniant, ut possit una errantium syderum existimari.
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Livre premier, chap. IX, p. 100


On admettra enfin que le soleil lui-même occupe le centre du monde. Toutes ces choses, c'est la loi de l'ordre dans lequel elles se suivent les unes les autres, ainsi que l'harmonie du monde, qui nous les enseigne, pourvu seulement que nous regardions les choses elles-mêmes pour ainsi dire des deux yeux[6].
  • (la) Ipse denique sol medium mundi putabitur possidere, quae omnia ratio ordinis, quo illa sibi invicem succedunt, et mundi totius harmonia nos docet, si modo rem ipsam ambobus (ut aiunt) oculis inspiciamus
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Livre premier, chap. IX, p. 102


C'est pourquoi nous n'avons aucune honte d'affirmer que tout ce qu'embrasse la lune[7], ainsi que le centre de la terre, est, parmi les autres planètes, entraîné par ce grand orbe[8] autour du soleil en une révolution annuelle ; et que celui-ci est au centre du monde ; et que le soleil demeurant immobile, tout ce qui apparaît être un mouvement du soleil, est en vérité plutôt un mouvement de la terre ; et que la dimension du monde est telle que, tandis que la distance du soleil à la terre, comparée à la grandeur de quelqu'un des orbes des autres planètes, possède un rapport d'une dimension assez sensible, par rapport à la sphère des fixes elle apparaît nulle[9], ce que je trouve plus facile à admettre que de déchirer la raison par une multitude presqu'infinie d'orbes, comme le sont [113] forcés de faire ceux qui maintiennent la terre au centre du monde[10].
  • (la) Proinde non pudet nos fateri hoc totum, quod luna praecingit, ac centrum terrae per orbem illum magnum inter caeteras errantes stellas annua revolutione circa solem transire, et circa ipsum esse centrum mundi ; quo etiam sole immobili permanente, quicquid de motu solis apparet, hoc potius in mobilitate terrae verificari : tantam vero esse mundi magnitudinem, ut cum illa terrae a sole distantia ad quoslibet alios orbes errantium syderum magnitudinem habeat pro ratione illarum amplitudinum satis evidentem, ad non errantium stellarum sphaeram collata, non quae appareat : quod facilius concedendum puto quam in infinitam pene orbium multitudine distrahi intellectum, quod coacti sunt facere, qui terram in medio mundi detinuerunt.
  • Des Révolutions des Orbes Célestes (1543), Nicolas Copernic (trad. Alexandre Koyré), éd. Librairie Félix Alcan, 1934, partie Livre premier, chap. X, p. 112-113


Notes et références[modifier]

  1. Rien de moins moderne que cette valuation du savoir non selon sa nature, mais selon son objet.
  2. L'immobilité de la terre implique effectivement la finitude du monde car la rotation de l'espace infini est évidemment une idée absurde.
  3. La mobilité s'accordant avec sa forme c'est le mouvement circulaire s'accordant avec la forme sphérique, et même découlant, selon Copernic, de la sphéricité.
  4. La dimension indéfinie du monde a été enseignée par Nicolas de Cues. Copernic en diffère cependant par la géométrisation plus complète de sa notion de l'espace.
  5. « La terre est une planète », c'est-à-dire une étoile ! C'est par cette affirmation-là que l'astronomie copernicienne enthousiasma la Renaissance. Ce fut, on le sait bien, Nicolas de Cues qui, le premier, fit de la terre une Stella nobilis (v. De docta ignorantia, II, 17).
  6. Le soleil n'occupe pas le centre des mouvements planétaires (pas même le centre des mouvements de la terre) mais le centre de l'Univers, c'est-à-dire, le centre de la sphère des fixes. Le rôle du soleil, dans le système de Copernic est uniquement optique. Il éclaire le monde. Il ne fait pas mouvoir les planètes.
  7. Le monde sublunaire.
  8. La terre est fixée à l'orbe qui l'entraîne. Les orbes de l'astronomie copernicienne sont des objets réels et nullement des constructions mathématiques. Ils portent les planètes et se meuvent d'un mouvement circulaire uniforme en vertu de leur rotondité même. C'est ce que dit aussi RHETICUS, dans sa Narratio prima (p. 468 de l'éd. de Thorn) : « Sed generalibus his praelibatis, accedamus sane ad lationum circularium quae competunt singulis orbitis et sibi adhaerentibus ac incumbenlibus corporibus enumerationem. »
  9. Le monde de Copernic est fini, mais suffisamment grand pour que le parallaxe des fixes soit imperceptible « ainsi qu'on l'enseigne en Optique »
  10. Le grand avantage de l'astronomie copernicienne est de pouvoir nous « libérer des équants » (RHETICUS, op. cit., p. 461). Quant à la « multitude presqu'infinie de cercles » à laquelle Copernic oppose la simplicité et le caractère naturel de son système, l'opposition n'est pas aussi grande qu'il le dit. De Ptolémée ou Peurbach à Copernic on ne gagne que 6 (six) mouvements ! On peut juger par là de la valeur des jugements historiques comme ceux de J. BERTRAND, par exemple, qui dans ses Fondateurs de l'astronomie moderne glorifie Copernic de s'être affranchi du joug de Ptolémée et des vaines subtilités de cette architecture bizarre (p. 12).