Lucien de Samosate

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Lucien de Samosate (v. 120–mort après 180) est un rhéteur et satiriste de Syrie qui écrivait en grec, dans un style néo-attique.

Histoires vraies[modifier]

Voilà pourquoi, à mon tour, cédant à la vanité de laisser quelque œuvre à la postérité — je ne voulais pas être le seul à me priver de la liberté d'affabuler — je me suis adonné au mensonge, bien plus loyalement que les autres : je serai véridique au moins sur un point, en déclarant que je mens. Je crois qu'ainsi je pourrai échapper à la critique, en reconnaissant spontanément que je ne dis rien de vrai. J'écris donc sur des choses que je n'ai pas vues, que je n'ai pas vécues, que je n'ai point apprises de tiers, et qui en outre n'existent absolument pas et ne peuvent pas le moins du monde se produire. Voilà pourquoi les lecteurs ne doivent en aucune façon y croire.
Je partis un jour des colonnes d'Hercule et, gagnant l'Océan du couchant, je naviguais par vent favorable. La raison et le motif de mon voyage étaient mon esprit curieux et mon envie d'aventures nouvelles, mon désir de connaître les limites de l'Océan et les êtres qui habitent au-delà.
  • Fin du prologue et début du récit proprement dit des Histoires vraies.
  • Histoires vraies et autres œuvres, Lucien de Samosate (trad. Guy Lacaze), éd. Le Livre de poche, coll. « Classiques de poche », 2003, I, 4-5, p. 231-232


À présent, ce que j'ai entre-temps, durant mon séjour sur la lune, remarqué d'étrange et de surprenant, je désire l'exposer. D'abord, notons qu'ils ne naissent pas des femmes, mais des hommes ; ils se marient entre hommes et ignorent jusqu'au nom des femmes absolument. Jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans, chacun fait l'épouse ; ensuite, il fait à son tour l'époux. Ils portent leurs enfants, non dans le ventre, mais dans le gras du mollet. Lorsque l'embryon se développe, la jambe grossit, et, plus tard, le moment venu, ils y pratiquent une incision et en retirent des enfants morts, qu'ils exposent au vent, bouche grande ouverte, pour leur rendre la vie. Je crois même que c'est de là que les Grecs ont tiré leur nom du mollet ("jambe-ventre").
  • Le narrateur et ses compagnons, emportés par une tempête jusqu'à la Lune, découvrent les Sélénites. Le texte original contient un jeu de mot sur le nom du mollet en grec ancien.
  • Histoires vraies et autres œuvres, Lucien de Samosate (trad. Guy Lacaze), éd. Le Livre de poche, coll. « Classiques de poche », 2003, I, 22, p. 245


Dialogues des morts[modifier]

Ménippe : Et pourtant, vous trois, les plus méchants des Lydiens, des Phrygiens et des Assyriens, sachez bien que je ne cesserai pas. Partout où vous irez, je vous suivrai pour vous tourmenter, pour chanter et pour me moquer de vous.

Crésus : N'est-ce pas là de l'insolence ?
Ménippe : Non ! L'insolence, c'était votre conduite d'autrefois, quand vous exigiez qu'on se prosterne devant vous, quand vous méprisiez des hommes libres, et refusiez absolument de penser à la mort ! Voilà pourquoi vous allez vous lamenter d'avoir perdu tous vos biens !
Crésus : Où sont, ô dieux, mes nombreuses, mes immenses richesses ?
Midas : Où est mon or ?
Sardanapale : Où est le luxe dont je jouissais ?
Ménippe : C'est bien, continuez ! Pleurez ! Pendant ce temps, je chanterai pour vous accompagner, en le serinant sans cesse, le fameux Connais-toi. C'est l'accompagnement qui convient le mieux à de telles lamentations.

  • Le philosophe cynique Ménippe de Sinope se moque des ombres des rois aux Enfers. Il fait allusion au précepte philosophique grec « Connais-toi toi-même » (en grec Gnothi seauton), qui était gravé sur le fronton du temple de Delphes. Voyez l'article l'article Gnothi seauthon sur Wikipédia.
  • Voyages extraordinaires (Dialogues des morts), Lucien de Samosate (trad. Anne-Marie Ozanam), éd. Les Belles Lettres, coll. « Classiques en poche », 2009, 3, 2, p. 348-351


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