Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles

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« Je n'y suis pour rien ; c'est saint Joseph qui se sert de moi pour guérir.
Je ne suis que son petit chien.
 »

Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles est une biographie de Micheline Lachance publiée aux Éditions de l'Homme. Rédigée dans un style quelque peu romanesque — eu égard aux nombreux dialogues qu'elle contient — cette biographie raconte la vie d'Alfred Bessette (1845-1937), dit frère André, qui le 17 octobre 2010 fut le premier Canadien à devenir saint. D'abord écrite en 1979, l'œuvre de Micheline Lachance fut augmentée et mise à jour en 2010 afin d'y intégrer tout le processus qui mena à la canonisation de saint frère André. Les citations suivantes sont tirées de ce dernier ouvrage.

Une autre journée de purgatoire[modifier]

[Frère André] n'aime pas parler de ce que d'aucuns appellent « ses exploits » (...)
— Je n'y suis pour rien ; c'est saint Joseph qui se sert de moi pour guérir. Je ne suis que son petit chien.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Une autre journée de purgatoire, p. 28

 
Le frère André racle depuis deux bonnes heures. Il rassemble les feuilles mortes et les débris de culture en tas. Puis, il transporte le tout dans sa brouette derrière les bâtiments. Entre deux voyages, il s'affaisse sur le sol humide, exténué. Il faut le soulever et le transporter jusqu'à sa chambre. Il reprend bientôt ses sens, mais ceux qui l'approchent remarquent sur son visage les traits d'un homme surmené. Le père supérieur fait demander le médecin.
— Je l'ai vu cracher du sang, raconte tout bas le frère Philippe qui attend, derrière la porte de la chambre, le verdict du médecin. Pour moi, il fait des ulcères d'estomac.
Ça n'aurait rien de surprenant. Le frère André, qui a maintenant 43 ans, n'a jamais soigné son alimentation. Un peu de farine délayée dans un verre de lait coupé d'eau. Jamais de viande ni de légumes, encore moins de dessert (...) Après les salutations d'usage, le médecin, un homme expéditif, peu habitué aux détours, va droit au but :
— Le frère André a besoin d'un repos complet. C'est une question de vie ou de mort.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Une autre journée de purgatoire, p. 29-30


Le frère André est né avec une digestion lente, ce qui ne l'a jamais empêché de vivre normalement. Son estomac, c'est comme un vieux camarade mal en point qui fait souffrir mais qu'on ne peut pas abandonner en cours de route. Voilà maintenant 43 ans qu'il le traîne. Pourtant, à sa naissance, personne n'a cru qu'il survivrait. Il fut même baptisé sous condition dans la modeste maison de ses parents, au Mont-Saint-Grégoire.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Une autre journée de purgatoire, p. 31


L'huile de saint Joseph[modifier]

Le frère André sort du bureau du père supérieur. L'ordre qu'il vient de recevoir ne l'étonne guère : défense de recevoir les malades et les impotents à l'intérieur du collège (...) Il est clair que les parents s'opposent farouchement à la pratique du frère André. Certains craignent pour leurs fils la contagion : ces malades peuvent fort bien être porteurs de maladies infectieuses (...) D'autres parents dénoncent la façon de procéder du religieux : Cette manie qu'a le frère André d'appliquer lui-même son huile sur les parties malades est répugnante, écrivent-ils, visiblement dégoûtés.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. L'huile de saint Joseph, p. 37-38


La chapelle sur la montagne[modifier]

[L]e médecin de Calixte Richard avait diagnostiqué une tumeur à l'estomac. Aucun médicament ne réussissait à soulager ce grand gaillard qui, en trois mois, avait littéralement fondu. Quand son épouse décida d'appeler le frère André au chevet du malade, celui-ci avait peine à se déplacer seul (...) Naturellement, le frère André s'est rendu sur-le-champ. Il a regardé Calixte Richard droit dans les yeux et a lancé :
— Vous n'êtes pas malade.
« C'est sa manière d'aborder les personnes souffrantes, explique madame Claude qui l'a vu plus d'une fois à l'œuvre. Ensuite, il se tourne vers la la femme de Calixte et dit :
— Vous n'avez pas une petite soupe, quelque chose de léger ?
— Il ne peut pas prendre ça, s'empresse de répondre madame Richard qui connaît trop les caprices de l'estomac de Calixte.
— Faites-lui en une ! ordonne le petit frère (...)
— Je ne suis pas capable, fait Calixte Richard, larmoyant.
« Du regard, il supplie le frère André de ne pas lui imposer pareil supplice (...)
« Pour détendre le climat, le petit frère demande à brûle-pourpoint :
— Si saint Joseph vous guérissait, viendriez-vous travailler à mon kiosque là-haut ?
— Volontiers, répond le maçon, sans trop savoir où cette histoire le conduira.
— Comme ça, je compte sur vous demain matin, conclut le frère André au moment de partir, laissant ses hôtes éberlués. » (...)
— Crois-le ou non, le lendemain de la visite du frère André, Calixte Richard a commencé à travailler en haut sur la montagne. Si tu as des doutes, eh bien, va le lui demander.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. La chapelle sur la montagne, p. 59-60


Elle ne mourra pas[modifier]

— Bonjour, frère André... euh ! c'est le docteur Charette à l'appareil... Euh, voici ce qui m'amène.
Visiblement mal à l'aise, l'ennemi juré du thaumaturge a du mal à s'exprimer. Les mots ne viennent pas naturellement. Pourtant, d'habitude, il n'a pas la langue dans sa poche. Aujourd'hui, c'est différent. Il paraît plutôt anéanti :
— Voilà ! Ma femme est très malade. Elle vient de faire une hémorragie nasale et je n'arrive pas à arrêter l'écoulement du sang. Elle a été examinée par plusieurs de mes collègues sans grand succès. Elle vous réclame, frère André... Puis-je venir vous chercher pour vous mener à elle ?
La démarche coûte au médecin. Le frère André le sent, lui qui se laisse conduire auprès de la malade. En route, il tente de rassurer le docteur Charette :
— Elle ne mourra pas, répète-t-il.
L'hémorragie s'arrête net dès l'entrée du frère dans la chambre de la malade. Le docteur Charette n'en croit pas ses yeux. Ce jour-là, il fait le serment de conduire lui-même le frère André auprès de ses propres patients, confrontés à la médecine impuissante.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Elle ne mourra pas, p. 77


Le frère André se souvient de ce pauvre bougre qui s'est présenté à lui la veille. Il avait les jambes horriblement mutilées à la suite d'un accident, survenu à son travail environ quinze mois plus tôt. Il était alors cheminot à la compagnie du Pacifique et surveillait le déchargement de blocs de marbre (...) Les blocs étaient tombés sur ses jambes, lui broyant les os. Après six mois de traitement à l'hôpital, sous les soins du docteur P. C. Dagneau, chirurgien renommé, il était rentré chez lui où il avait passé encore quatre mois alité. Après une première tentative à Sainte-Anne-de-Beaupré, il avait pris le train Québec-Montréal, convaincu d'avoir plus de succès à l'Oratoire (...)
Hier matin, il alla à la messe à Notre-Dame-de-Bonsecours puis se rendit à la Côte-des-Neiges. Ses béquilles le soutenaient toujours. Le frère André lui oignit les jambes avec l'huile qui brûle devant la statue de saint Joseph, bénite l'automne dernier à Rome par le Pape lui-même. Après l'avoir fait prier, il lui ordonna de jeter ses béquilles et de marcher sur ses jambes. Il obéit, et marcha sur ses jambes.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Elle ne mourra pas, p. 79-80


Le père Clément confie son tourment au petit frère. Depuis 1907, sa vue baisse. Le médecin a diagnostiqué une difformité de l'organe visuel. À 33 ans, il est condamné à vivre dans la demi-obscurité. Il en est maintenant réduit à réciter son rosaire au lieu de lire son bréviaire. Les larmes ruissellent sur son visage. Le frère André emprisonne dans les siennes les mains suppliantes du père Clément. Il cherche à rassurer son nouveau chapelain :
— Reposez-vous. Demain, vous commencerez à lire votre bréviaire.
¤ ¤ ¤
Le père Clément en perd son latin. Tôt, le lendemain matin, il essaie de lire ses prières. Il voit. Il décide de dire sa messe. Il s'exécute sans aucun problème. Mais la confusion devient totale quand il se présente chez l'oculiste. Le jeune prêtre croyait sans l'ombre d'un doute que le spécialiste allait constater sa guérison. Il se soumet à l'examen.
— Mais, mon père, objecte l'oculiste, vous êtes aveugle !
Le père Clément insiste, réclame un nouvel examen. Même diagnostic : les yeux qui font l'objet d'une minutieuse observation médicale sont exactement dans le même état de cécité progressive que lors de la visite précédente du malade.
— Ces yeux-là, insiste le praticien, ne voient pas.
— Mais je vois, répète le père Clément.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Elle ne mourra pas, p. 83


Interdit de toucher aux malades[modifier]

« Quand je serai mort, je vais être rendu au ciel et je serai plus près du bon Dieu que je ne le suis maintenant. J'aurai bien plus de pouvoir pour vous aider. »
Quinze août 1910. La Patrie livre le témoignage de Joseph Jette, un jeune paralytique de 22 ans qui affirme avoir été guéri à l'Oratoire :
(...) Un jour pendant que je travaillais sur un échafaudage, un madrier céda et je roulai sous les débris. On me retira de là à demi-mort, et je fus transporté à l'hôpital, où je demeurai pendant quelques jours, sans que ma mère connût l'accident. J'avais été blessé à l'épine dorsale, et les médecins me disaient que je serais infirme toute ma vie (...) Ayant entendu parler des faveurs que saint Joseph accorde à ceux qui visitent son Oratoire de la Côte-des-Neiges, en se recommandant aux prières du Frère André, je m'y rendis avec ma mère. C'est un cocher qui me transporta dans ses bras pour monter la côte qui conduit à l'Oratoire Saint-Joseph : c'est vous dire que même avec mes béquilles je ne pouvais me tenir sur mes jambes. Après avoir prié pendant quelques minutes, je me rendis auprès du Frère André, et il me suggéra de laisser mes béquilles et d'essayer de marcher. J'obéis et à l'instant je me sentis guéri. Ma mère et les autres personnes qui étaient dans l'Oratoire se mirent à pleurer en voyant ce qui venait de s'opérer. Je ne suis pas encore très fort, mais je marche très bien sans béquilles.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Interdit de toucher aux malades, p. 93-94


Après une neuvaine à saint Joseph recommandée par le frère André, une jeune élève se trouve guérie. L'Action sociale de Québec raconte l'événement dans l'édition du 10 février 1910.
Un miracle s'est opéré mercredi matin au couvent de Saint-Joseph de Lévis. Mlle Marie-Antoinette Mercier, de Québec, avait l'été dernier, en jouant sur le lac avec ses compagnes, reçu par mégarde, un coup de rame sur l'œil droit. Les oculistes chargés du traitement firent tous leurs efforts pour conjurer la perte de l'œil malade, mais sans résultat. Il y avait paralysie du nerf optique (...) Or, tout dernièrement, entendant parler des merveilles qui s'opèrent à l'Oratoire de Saint-Joseph, de Montréal, les Religieuses se procurèrent une médaille bénite dans ce sanctuaire et toute la communauté commença une neuvaine fervente à saint Joseph dont le culte est déjà en grand honneur dans la chapelle du couvent. La jeune malade appliquait chaque jour avec confiance la médaille sur son œil malade, mais aucun mieux sensible ne se produisit les huit premier jours. Mercredi matin, pendant la messe de commuanuté et après la communion, la fillette s'aperçut tout à coup qu'elle voyait clairement, de son œil paralysé, la statue de saint Joseph qu'elle n'avait pu apercevoir tout le temps de la neuvaine (...) Pour bien s'assurer du fait miraculeux, on la fit lire sur l'heure dans un livre au caractère très fin, ce qu'elle fit sans aucune fatigue, ni hésitation.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Interdit de toucher aux malades, p. 95-96


L'exil en Nouvelle-Angleterre[modifier]

Laissé à lui-même, le jeune Alfred se frotte à plusieurs métiers : cordonnier, boulanger, garçon de ferme. Mais sa santé chancelante et son manque d'instruction constituent des obstacles qu'il n'arrive pas à surmonter. Tel un vagabond, il prend la route de la Nouvelle-Angleterre. Il erre durant trois années d'une usine de textile à l'autre, tantôt à Moosup dans le Connecticut, tantôt à Hartford ou à Plainfield. Dans les industries américaines, les salaires sont bons mais les conditions insalubres. Les travailleurs peinent douze heures chaque jour dans leurs ateliers clos, bruyants et poussiéreux. D'une saison à l'autre, Alfred alterne de l'usine à la ferme. Devant sa petite taille et son allure fragile, les cultivateurs hésitent. Ils jaugent leur homme. Alfred n'est pas costaud mais vaillant. On le met à l'essai.

¤ ¤ ¤
Alfred n'a pas fait fortune aux États-Unis (...) Comme bien d'autres, il revient en 1867, l'année même de la naissance de la

Confédération canadienne. C'est un jeune homme sans grand espoir qui descend du train à Saint-Césaire. Il n'est pas bien dans sa peau. Il a l'impression d'être un raté. Rien ne lui réussit. Il broie du noir. Mal équipé pour affronter la vie, il ne voit pas comment il pourra faire face à l'avenir. À vingt-deux ans, il rentre au pays les poches vides et le vague à l'âme, tel un vagabond.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. L'exil en Nouvelle-Angleterre, p. 118-19


La grippe espagnole[modifier]

La prêtrise avait toujours attiré Alfred. Mais cette porte, il le savait trop bien, lui était résolument fermée : sa santé chancelante et son instruction déficiente étaient autant d'obstacles insurmontables. C'est messire Provençal qui, le premier, encourage Alfred Bessette à entrer chez les frères de Sainte-Croix (...) Quand Alfred Bessette se présente à la porte du collège Saint-Laurent, en banlieue de Montréal, on l'attend. Le curé de Saint-Césaire avait cru bon d'écrire un mot au supérieur de la communauté : Je vous envoie un saint. Peu après son arrivée, Alfred est nommé portier, infirmier, lampiste. De plus, il doit balayer la chapelle, les corridors, les chambres, les escaliers, etc. Il monte, ou fait monter, par un petit garçon, le bois dans les chambres. Pourtant le novice n'est pas au bout de ses peines. Et l'espoir qu'il caresse risque de fondre comme glace au soleil : le 8 janvier 1872, le Conseil provincial prend une décision à son sujet :
Le frère André n'est pas admis aux vœux temporaires parce que l'état de sa santé ne fait pas espérer qu'il puisse être admis à la profession.
La déception est cruelle. Mais le jeune Alfred redouble d'ardeur au travail comme si de rien n'était. Il finira par être admis aux vœux après avoir imploré personnellement le secours de monseigneur Ignace Bourget, évêque de Montréal, de passage au collège Saint-Laurent. Le 22 août, Alfred Bessette devient le frère André, pour la vie.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. La grippe espagnole, p. 178-79


Le curé André Provençal est peut-être l'homme qui a le plus marqué sa vie. C'est en signe de reconnaissance que le jeune religieux demande à porter le nom du prêtre à qui il doit sa grande dévotion à saint Joseph. Son vieil ami est mort en 1889, à l'âge de soixante et onze ans.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. La grippe espagnole, p. 179-80


Haro sur le charlatan ![modifier]

[L]e frère André fait ses visites, ce jour-là. Le soir venu, il prend son repas chez les Claude. Le dîner s'étire plus qu'à l'accoutumée. Azarias a le cafard :
— J'ai rencontré un homme qui est pris à la gorge avec des problèmes d'argent. Et dire que je n'ai même pas les moyens de lui donner une cenne.
Le frère André écoute l'histoire de ce brave père de famille qui a perdu son emploi. Les temps sont durs. L'ouvrage se fait rare. Sept bouches à nourrir. L'homme est désespéré : de peine et de misère, il a réussi à amasser suffisamment d'argent pour faire le paiement initial d'une modeste maison. Après trois mois de chômage, le voilà cribblé de dettes, incapable d'effectuer ses versements hypothécaires. D'un jour à l'autre, il risque de perdre sa maison. Azarias fait les cent pas en se frappant dans les mains. Son impuissance l'enrage. Soudain, on sonne. Madame Claude ouvre la porte. L'inconnu s'adresse au frère André :
— Tenez, c'est pour le monsieur qui a de gros ennuis financiers.
— Attendez ! s'écrie le frère.
Peine perdue. L'inconnu est déjà reparti. Il a disparu dans la neige poudreuse qui enveloppe Montréal. Étonné, le frère André défait le mystérieux colis. Il contient le montant exact de la dette du père de famille dont parlait justement Azarias Claude.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Haro sur le charlatan !, p. 205


Moi, les miracles, j'y crois pas[modifier]

[L]e frère entre, suivi d'un homme qui porte l'uniforme militaire. « Il s'agit sûrement d'un vétéran de la guerre de 1914 », pense monsieur Robert en voyant son bras en écharpe. Le blessé exprime son problème dans le français hésitant des Anglo-Canadiens. Le frère André retrousse ses manches et demande brusquement au soldat :
— Comprenez-vous le français ?
— Oui, réplique l'homme en uniforme.
— Enlevez votre gilet.
Le blessé de guerre se déshabille avec difficulté. Moïse [Robert] lui donne un coup de main.
— Bras en bas, ordonne le frère à la manière d'un caporal.
Impossible. Le bras reste replié sur lui-même. Le frère tient solidement le membre et administre un coup violent dans le repli du coude. Le bras prend alors la position verticale. Le soldat exécute ensuite des exercices destinés à assouplir les muscles engourdis.
— Vous n'êtes pas malade, bougonne le frère André. Pourquoi venez-vous me faire perdre mon temps ?

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Moi, les miracles, j'y crois pas, p. 240-41


— Ceux qui sont guéris vite sont ceux qui n'ont pas la foi, précise le frère André. Ou encore, ceux qui ont peu de foi. Une guérison rapide peut leur donner la foi ; tandis que ceux qui ont déjà une foi solide ne sont pas guéris vite, parce que le bon Dieu préfère les éprouver, les faire souffrir pour les sanctifier davantage.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Moi, les miracles, j'y crois pas, p. 242-43


— Vous avez l'air fatigué, frère André. Il faudrait mettre la pédale douce.
— Je travaille pour le bon Dieu, observe le thaumaturge, et je cherche à en faire le plus possible.
— Oui mais, il ne faut tout de même pas vous tuer à l'ouvrage. Que ferons-nous quand vous serez mort ?
— Quand je serai mort, conclut le frère qui a réponse à tout, je vais être rendu au ciel et je serai plus près du bon Dieu que je ne le suis maintenant. J'aurai bien plus de pouvoir pour vous aider.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Moi, les miracles, j'y crois pas, p. 243


Les femmes, c'est du poison[modifier]

L'été, l'exaspération du frère André atteint son comble. Les femmes arrivent alors en blouses décolletées et en jupes courtes. Quand il parle de ces esclaves de la mode, le petit frère a une expression fort imagée : elles sont, dit-il, « bas du haut et haut du bas. » Scandalisé, il grogne :
— Prenez une médaille de saint Joseph et frottez-vous jusqu'à ce que le linge repousse.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Les femmes, c'est du poison, p. 270-71


[L]e frère André prend ombrage de la tenue vestimentaire des femmes comme s'il courait un danger. Le père Deguire réfléchit. Peut-être faut-il creuser dans le passé pour comprendre l'immense froideur du frère à l'égard des femmes.
— Frère André, au début, vous est-il arrivé de frictionner les femmes malades ?
— Oui, répond honnêtement le frère André. Je l'ai fait de temps à autre, mais toujours en présence de la famille. Puis le père Dion m'a dit de ne plus le faire. J'ai aussitôt cessé.
C'est donc ça : la peur de désobéir, mêlée à la hantise du péché. Il faut remonter loin pour comprendre sa croisade en faveur de la pudeur. La réputation du frère André a eu à souffrir des allusions à son intégrité et à son sens moral.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Les femmes, c'est du poison, p. 271-72


Misère noire ![modifier]

Vingt-six octobre 1929. L'Amérique ne parle plus que du krach économique. En ce « jeudi noir », comme on l'a surnommé, les actions tombent à une vitesse vertigineuse à la Bourse de Wall Street (...) Un millionnaire new-yorkais en mauvaise posture financière s'accroche à un dernier espoir : le frère André. Il quitte la métropole américaine et se rend à l'Oratoire où il raconte au thaumaturge comment il a perdu toute sa fortune à la Bourse. D'autres hommes d'affaires ruinés se sont jetés en bas des gratte-ciel new-yorkais. Il envie leur courage. Désespéré, il confie au petit frère son projet :
— Je vais me jeter en bas du pont Victoria.
— Quand vous déciderez de vous jeter à l'eau, vous me le ferez dire et je vous aiderai à vous enfoncer.
Surpris, le richissime homme d'affaires reste bouche bée. Écrasé par le malheur, il s'attendait à un peu plus de compréhension. Le frère André profite de ce temps d'arrêt pour lui servir une leçon :
— Vous vous intéressiez au veau d'or ; le bon Dieu vous l'a enlevé. Priez-le donc pour qu'il vous aide à supporter l'épreuve.
Le père Deguire a vu repartir le gros monsieur, cigare au bec. Même ruiné, il n'avait pas l'air démuni.
— Avez-vous réussi à le consoler ? demande le directeur des Annales [de Saint-Joseph].
— Je lui ai dit que l'argent, ce n'est rien, mais qu'il doit plutôt s'inquiéter de son âme. Les gens qui ont perdu de l'argent me semblent plus découragés que l'homme qui a la jambe paralysée ou qui souffre du cancer.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Misère noire !, p. 281-82


Élégamment vêtu, le ministre de l'Agriculture s'avance en clopinant. Sa jambe lui fait mal. Encore un effort et il pourra s'asseoir dans la salle du thaumaturge. Il lui a fallu du courage pour monter voir le petit frère, lui, un homme politique, un érudit, un ministre respecté. À vrai dire, Adélard Godbout, député de l'Islet, n'a plus le choix. Ce mal de genou qui l'accable depuis l'enfance empire. Tous les médecins consultés sont unanimes : la maladie est incurable (...) À l'orée de la quarantaine, Adélard Godbout se résigne à subir une intervention chirurgicale au genou. Il n'espère pas la guérison, mais un certain soulagement. La veille de l'opération, une religieuse de l'hôpital lui propose d'aller voir le frère André. « Pourquoi pas ? » se dit Godbout dont la foi est vibrante. Le voilà donc debout, appuyé sur sa canne, en face du petit frère.
— Frictionnez-vous avec la médaille de saint Joseph et faites une neuvaine.
— Mais c'est que... je dois être opéré demain, réplique le ministre de l'Agriculture.
— Quand on n'est pas malade, on ne va pas à l'hôpital, tranche le frère André.
Adélard Godbout redescend la côte du mont Royal. Sa rotule ne le fait pas souffrir. Au lieu de se diriger vers l'hôpital où sa chambre est retenue, il rentre à la maison.
¤ ¤ ¤
À quelque temps de là, Adélard Godbout participe à une soirée mondaine au Club de Réforme. Le centre de ralliement des Libéraux du Québec, situé rue Sherbrooke, à Montréal, est rempli de ministres et de députés. Adélard Godbout raconte à un groupe l'étonnante guérison de l'un de ses amis intimes qui a consulté le frère André. À la fin de son récit, plusieurs politiciens se montrent perplexes. Il y en a même qui ricanent. Avec tout le sérieux dont il est capable, le ministre de l'Agriculture reprend la parole :
— L'homme dont je viens de vous raconter la guérison... c'est moi.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Misère noire !, p. 284-86
« Ceux qui sont guéris vite sont ceux qui n'ont pas la foi ou, encore, qui ont peu de foi. Une guérison rapide peut leur donner la foi ; tandis que ceux qui ont déjà une foi solide ne sont pas guéris vite, parce que le bon Dieu préfère les éprouver, les faire souffrir pour les sanctifier davantage. »


Une femme se tient debout devant le frère André, appuyée sur ses béquilles.
— Guérissez-moi, ordonne-t-elle.
— Allez-vous-en, réplique le frère du tac au tac. Vous n'êtes pas malade.
— Vieux fou ! lance-t-elle à haute voix.
L'impolie tourne le dos au frère André et sort du bureau en claquant la porte. Les béquilles au bout du bras, elle s'avance d'un pas décidé au milieu de la salle d'attente et prend les visiteurs à témoin :
— Non mais, ça prend un vieux fou ! Vous avez vu comment il m'a traitée ?
Près de la sortie, une patiente suit la scène. Au moment où la visiteuse enragée passe devant elle et s'apprête à ouvrir la porte, elle l'arrête :
— Mais, madame, vous ne vous rendez pas compte que vous marchez sans l'aide de vos béquilles ?

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Misère noire !, p. 287-88


— Vous venez à moi pour vous faire guérir, dit le frère en examinant le malade. Je ne suis pourtant pas médecin.
— Les médecins ne peuvent rien pour moi, réplique le malheureux.
— Oui mais vous n'avez plus de jambes, remarque le frère. Elles sont entièrement desséchées. On ne fait pas marcher ce qui est mort.
— Ça fait 27 mois que je n'ai pas marché, explique tristement l'infirme. Les treize premiers mois, je les ai passés dans mon lit, ensuite sur une chaise roulante.
Puis hésitant, il ajoute :
— Je ne partirai pas d'ici sans être guéri.
Ce genre de répartie a le don de fâcher le frère André. Monsieur Desjardins le sait. Mais sa détermination est plus forte que tout. Il attend le verdict.
— Eh bien, reprend le frère, si tu as la foi, par saint Joseph, lève-toi et marche.
L'infirme se lève et à grand-peine, fait quelques pas. Le frère André l'encourage, lui montrant les exercices qu'il doit exécuter. Les membres paralysés réagissent progressivement. Monsieur Desjardins reprend espoir. Il essaie encore et encore. Des gouttes de sueur coulent sur son visage.
— Assoyez-vous, propose enfin le frère André qui essuie le front mouillé de son malade. Tu es un bon petit gars, fait-il, paternel. Va maintenant prier saint Joseph. Ensuite, tu reviendras me voir.
L'homme sort du bureau. Il laisse ses béquilles derrière lui. Sous le regard étonné de ceux qui, une demi-heure plus tôt, ont vu le paralysé entrer dans le bureau du thaumaturge, il se rend sans aide à la crypte.
— Voilà ce que saint Joseph et le frère André ont fait pour moi ! lance-t-il triomphant en s'agenouillant devant la statue.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Misère noire !, p. 299-300


À quatre-vingt-sept ans bien sonnés[modifier]

Arthur Ganz ne s'habitue pas. Depuis qu'il véhicule le frère, il a vu tant de souffrances (...) Ce matin, en arrivant à l'Oratoire, il a encore en tête la scène déchirante dont il a été témoin la veille à l'hôpital. L'histoire l'a fortement ébranlé. La petite malade était atteinte de méningite. Elle lui semblait si jeune pour mourir. Quand ils arrivèrent à l'Hôtel-Dieu, le médecin venait de prendre sa température : 105 oF (40,1 oC) Le frère André s'approcha du lit de l'enfant. Puis, s'adressant au médecin, il dit :
— Docteur, je ne vous crois pas. Cette enfant ne fait pas de température et ne souffre pas.
Le médecin assura le contraire. Il aurait ri, n'eût été la gravité du cas. Prenant le thermomètre, il le glissa sous la langue de la fillette. Étonné, il constata que la température était redevenue normale.
— Frère André, vous avez guéri mon enfant ! s'écria la mère en larmes.
— Madame, reprit doucement le frère, votre enfant va mourir demain entre huit heures et huit heures trente. Elle ne souffrira pas.
— Frère André, frère André, implora la mère, sauvez mon enfant !
— Madame, Dieu seul connaît la destinée de cette enfant. Ne vous opposez pas à la volonté du bon Dieu.
Arthur Ganz a mal dormi ce soir-là. Le petit visage de l'enfant hantait son sommeil. Au petit matin, il s'est rendu à l'Hôtel-Dieu. Il se trouvait auprès de la mère quand le cœur de la petite fille cessa de battre. Il était exactement huit heures vingt. En quittant l'hôpital, monsieur Ganz file directement à l'Oratoire.
— Frère André, je voulais vous dire que la petite fille que nous avons visitée à l'hôpital hier est morte à huit heures vingt ce matin.
— Je le savais, répond simplement le frère.

  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. À quatre-vingt-sept ans bien sonnés, p. 313-314


Adieu, petit frère[modifier]

[Le frère André] s'est mis dans la tête d'aller solliciter l'aide financière du milliardaire new-yorkais John D. Rockfeller. Il part seul par le train de minuit. Dès le lendemain, après la messe, ses amis, les Ryan, le conduisent au bureau du richissime homme d'affaires. En chemin, il blague à propose de la Fifth Avenue, trop lente pour lui. En l'absence de M. Rockfeller, son secrétaire John Burke reçoit le frère André et lui remet un très gros chèque. Le frère continue ensuite son voyage aux États-Unis, selon l'itinéraire qu'il répète chaque année depuis près de vingt ans.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Adieu, petit frère, p. 355


Tôt ce matin-là, le père Cousineau administre sous condition les derniers sacrements. Personne n'avait pensé proposer au malade conscient l'extrême-onction... personne ne croyait vraiment qu'il allait mourir. Lorsque le docteur Lamy annonce que, suite à l'urémie, son patient a sombré dans le coma, il faut se rendre à l'évidence : le frère André va s'éteindre.

¤ ¤ ¤

(...) Trois médecins suivent les derniers instants du thaumaturge : ses cousins, les docteurs Ubald et Joseph Bessette, et son practicien habituel, le docteur Lionel Lamy. Ils administrent une piqûre de coramine pour soulager le malade. On installe la tente à oxygène. Aucune amélioration ne s'ensuit. Vers minuit, le malade livre son dernier combat. L'agonie tire à sa fin. Dans sa chambre où pleuvent les prières des intimes agenouillés autour du lit, le malade s'affaisse de plus en plus. Et bientôt, c'est la fin (...) À minuit cinquante-cinq minutes, ce mercredi 6 janvier 1937, le frère André s'éteint sans avoir repris conscience.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Adieu, petit frère, p. 362-66


Un bâtisseur de cathédrale[modifier]

Le lendemain de l'Épiphanie, les journaux ne parlent que de la mort du frère André. La Presse décrit la maladie qui vient de l'emporter :
Le frère André eut une crise cardiaque causée par son grand âge et la fatigue entre Noël et le Premier de l'An. Souffrant d'artérioslérose, le malade fit, comme première complication, mardi matin 5 janvier, de l'hémiplégie droite qui, comme phase terminale, dégénéra en asthénie cardiaque, causant la mort.
(...) Un spécialiste de l'Hôtel-Dieu, le docteur J. L. Riopelle, anatomopathologiste, prête main-forte au docteur Lamy qui procède à l'exérèse du cœur du thaumaturge qu'on a décidé de conserver intact. Cette tradition répandue en France consiste à extraire le cœur des rois et des êtres d'exception avant de les porter en terre.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Un bâtisseur de cathédrale, p. 369


[D]es télégrammes de sympathie arrivent de partout. Environ 324 journaux à travers le globe publient la nouvelle. En moins d'un mois, 561 articles sont consacrés à son décès. Brother André, Miracle Man dies in Montreal titre le Daily Times de Gloucester, en Angleterre. Au Canada, un extraordinaire thaumaturge vient de mourir, rapporte à son tour le Figaro, en France. De son côté, Le Droit d'Ottawa écrit : Petit frère, vous nous manquerez. Omer Héroux, rédacteur en chef du Devoir, rend un vibrant message d'estime à cet homme d'une humilité désarmante :
Un vieillard qui, au milieu du prodigieux succès de son œuvre, alors qu'il était entouré de tant d'hommages et d'indiscrètes curiosités parfois, gardait toute la simplicité d'un enfant.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Un bâtisseur de cathédrale, p. 371


Comment on devient un saint[modifier]

En février 1966, le tribunal étudie un dernier cas, celui de Joseph Audino, un Américain de Rochester, dans l'État de New York, souffrant d'un cancer du foie qui s'était généralisé en 1957. Lorsque les traitements par radiation n'eurent plus d'effets, son médecin, le docteur Philip Rubin, spécialiste en médecine nucléaire, tenta une dernière expérience pour à tout le moins soulager son patient dont le mal avait atteint la phase terminale. Il introduisit dans on organisme, par injection intraveineuse, des particules d'or radioactif. Au pied de son lit, une note disait : va mourir dans les vingt-quatre heures. Or, monsieur Audino, qui vouait une grand confiance au frère André, multipliait les prières. Quelques jours plus tard, son médecin constatait une guérison complète (...) Rome soumit le dossier Audino à neuf médecins. Leurs rapports comptent 966 pages auxquelles s'ajoutent 150 radiographies. Si une seule objection avait semé le doute dans l'esprit de l'équipe médicale, le cas aurait été renvoyé. À l'unanimité, les experts ont conclu que la médecine ne pouvait pas expliquer le rétablissement de l'Américain. En 1982, l'Église a, elle aussi, authentifié cette guérison miraculeuse et, le 23 mai, le pape Jean-Paul II a béatifié le frère André.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Comment on devient un saint, p. 388-89


Avant de connaître les délices de la canonisation, le frère André, à qui l'on attribuait déjà plus de 125 000 guérisons, a dû accomplir un dernier miracle, celui-là après sa béatification. En février 2010, donc 28 ans plus tard, Rome a reconnu une nouvelle guérison comme étant scientifiquement inexplicable. Le « miraculé » est un enfant de dix ans. Il circulait à vélo lorsqu'il a été happé par une voiture. L'accident, qui s'est produit en 1990, a laissé l'enfant avec deux fractures du crâne et une hémorragie cérébrale. La petite victime est restée dans le coma pendant trois semaines. Au dossier, le médecin a écrit : « Coma post-traumatique. Stade terminal par engagement du tronc cérébral. » Un arrêt cardiocélébral était prévisible. On attendait la fin. Or, au moment même où, à l'Oratoire Saint-Joseph, un membre de la famille demandait au bienheureux frère André sa guérison, l'enfant est sorti du coma. Le docteur Yvon Roy, généraliste montréalais à la retraite, a dirigé l'équipe de huit médecins qui ont analysé le dossier (...)
« Cette guérison ne s'explique pas médicalement, [affirme-t-il]. L'état de l'enfant qui, comble de malchance, avait contracté une pneumonie était irréversible et le médecin soignant avait cessé tout traitement. Il l'avait même placé sur un protocole de dons d'organes. »
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Comment on devient un saint, p. 389-90


Finalement, l'Église a confirmé ce que le peuple savait depuis belle lurette : le frère André est un saint. L'humble portier du collège Notre-Dame, à Montréal, aura attendu 73 ans et subi d'interminables procès au cours desquels l'avocat du diable aura scruté sa vie à la loupe, tandis qu'une pléiade de médecins aura décortiqué ses guérisons dites miraculeuses. Entre-temps, les catholiques auront enterré six papes avant que le septième, Benoît XVI, le fasse enfin entrer au royaume des saints.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Comment on devient un saint, p. 391


Épilogue[modifier]

Même âgé, le petit frère — il mesurait à peine 5 pi (1,5 m) — travaillait comme un forcené. Ses journées commençaient à cinq heures et rarement s'accordait-il un moment de répit, malgré les 40 visiteurs qui se succédaient devant lui chaque heure. Il ne se plaignait pas et respectait son vœu d'obéissance.
  • Le frère André : l'histoire de l'obscur portier qui allait accomplir des miracles, Micheline Lachance, éd. Les Éditions de l'Homme, 2010, chap. Épilogue, p. 404


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