Fedor Dostoïevski

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Fiodor Dostoïevski par Vassili Perov (1872).

Fedor (Fiodor) Mikhaïlovitch Dostoïevski (en russe Фёдор Михайлович Достоевский) est un écrivain russe, né à Moscou le 30 octobre du calendrier julien/11 novembre 1821 et mort à Saint-Pétersbourg le 28 janvier du calendrier julien/9 février 1881. Il est généralement considéré comme l'un des plus grands romanciers russes, et a influencé de nombreux écrivains et philosophes.

Les Pauvres Gens, 1844 - 1846[modifier]

Le vieillard [Le père Pokrovski], semblait-il, ne sentait pas le froid et, en pleurant, courait d'un côté à l'autre de la charrette [mortuaire de son fils l'étudiant Pétenka]. Les pans de sa vieille redingote se déployaient au vent, comme des ailes. Des livres sortaient de toutes ses poches ; il avait à la main je ne sais quel livre énorme, qu'il maintenait de toutes ses forces. [.] Les livres n'arrêtaient pas de tomber de ses poches et se retrouvaient dans la boue. On l'arrêtait, on lui montrait ce qu'il venait de perdre : il le ramassait et se remettait à courir derrière le cercueil.
  • Les Pauvres Gens, Fedor Dostoïevski, éd. Babel, 2001, p. 84


Les Carnets du sous-sol (Записки из подполья), 1864[modifier]

Partie I : Le Sous-sol[modifier]

Maintenant que j'achève ma vie dans mon trou, je me moque de moi-même et je me console avec cette certitude aussi bilieuse qu'inutile : car quoi, un homme intelligent ne peut rien devenir — il n'y a que les imbéciles qui deviennent. Un homme intelligent du XIXe siècle se doit — se trouve dans l'obligation morale — d'être une créature essentiellement sans caractère ; un homme avec un caractère, un homme d'action, est une créature essentiellement limitée.


[…] cette jouissance-là provient d'une conscience trop claire de votre abaissement ; du fait que vous sentez vous-même que vous en êtes au dernier stade ; et que c'est moche, et qu'il n'y a pas moyen de se sentir mieux ; qu'il ne vous reste aucune issue, que plus jamais vous ne serez un autre ; que, même s'il vous restait du temps et de la foi pour devenir quelque chose d'autre, vous ne voudriez plus vous-même, sans doute, vous transformer ; et que , si vous vouliez, vous ne pourriez rien faire de toute façon, parce qu'il est vrai, peut-être, que vous n'avez plus rien en quoi vous transformer. Surtout et à la fin des fins, cela se produit suivant les règles naturelles, fondamentales, de la conscience accrue et de l'inertie qui en découle directement, et donc, en conséquence, non seulement il n'y a plus moyen de se transformer, mais il n'y a, tout simplement, plus rien à faire.


L'impossibilité, c'est donc un mur de pierre ? Quel mur de pierre ? Eh, comment ça ? — Les lois de la nature, les conclusions des sciences naturelles, les mathématiques. On vous démontre, par exemple, que vous descendez du singe : pas la peine de faire la grimace — acceptez-le comme c'est. Et quand on vous démontre qu'au fond, une seule goutte de votre propre graisse doit vous être plus chère qu'un bon million de vos semblables et que cet argument résout finalement les prétendues vertus et les devoirs, tous ces délires et autres préjugés — acceptez-le tel quel, qu'est-ce que vous y pouvez, c'est comme deux fois deux — mathématique. Répliquez donc, pour voir.


Comme si ce mur de pierre pouvait vraiment vous apporter le repos, comme si, vraiment, il renfermait en lui ne serai-ce qu'un seul mot d'apaisement pour cette unique raison que deux fois deux font quatre. Absurdité des absurdités ! Ah non, mais — tout comprendre, avoir conscience de tout, de tous les impossibles, de tous les murs de pierre ; ne se soumettre à rien, aux impossibles, aux murs de pierre, si cela vous répugne de vous soumettre ; arriver par les combinaisons logiques les plus inévitables aux conclusions les plus dégoûtantes sur ce sujet toujours d'actualité que le mur de pierre, c'est comme si vous, vous en étiez coupable, même si — encore une fois — vous n'êtes à l'évidence, coupable de rien, ce qui amène, sans dire un mot et en grinçant des dents par impuissance, à se figer voluptueusement dans l'inertie et à songer qu'il apparaît ainsi que vous n'avez même plus personne sur qui déverser votre bile, que l'objet du délit n'y est plus, vous ne le retrouverez plus jamais peut-être, vous êtes là, devant un tour d'escamotage, un truc, une pire et simple filouterie, un genre de mélasse, on ne sait quoi, on ne sait qui, et que pour vous, malgré les mystères et les trucs, ça vous fait toujours mal — et moins vous comprenez, et plus ça vous fait mal !


Et, qui sait, (on n'en jurerait pas), peut-être tout notre but en ce monde, ce but vers quoi l'humanité tend tellement, ne tient-il justement que dans le caractère continuel du processus de sa conquête.


Partie II : Sur la neige mouillée[modifier]

Les gens ne comptent que leur malheur ; leur bonheur, ils ne le comptent jamais. S'ils le comptaient comme il faut, ils comprendraient que chacun a sa part en réserve.


[…] il faut d'abord apprendre à vivre soi-même avant de faire la leçon aux autres !


L'Idiot (Идиот), 1868-1869[modifier]

Est-il vrai, prince, que vous ayez dit une fois que la « beauté » sauverait le monde ? Messieurs, s'écria-t-il en prenant toute la société à témoin, le prince prétend que la beauté sauvera le monde! (…) Ne rougissez pas, prince! vous me feriez pitié. Quelle beauté sauvera le monde ?


Les Démons ou Les Possédés (Бесы), 1871-1872[modifier]

La liberté sera entière quand il sera indifférent de vivre ou de ne pas vivre. Voilà le but de tout.
  • Les Possédés (1871-1872), Fedor Dostoïevski (trad. Élisabeth Guertik), éd. Librairie générale française, coll. « Le Livre de Poche », 1994  (ISBN 2-253-01825-2), partie Première partie, chap. III, 8, p. 107 (texte intégral sur Wikisource)


Les Frères Karamazov (Братья Карамазовы), 1879-1880[modifier]

On assure que le monde, en abrégeant les distances, en transmettant la pensée dans les airs, s'unira toujours davantage, que la fraternité régnera. Hélas ! ne croyez pas à cette union des hommes. Concevant la liberté comme l'accroissement des besoins et leur prompte satisfaction, ils altèrent leur nature, car ils font naître en eux une foule de désirs insensés, d'habitudes et d'imaginations absurdes. Ils ne vivent que pour s'envier mutuellement, pour la sensualité et l'ostentation.


Divers[modifier]

(sur le problème du mal)

Puisque l'accusation portée par Ivan est irréfutable sur le plan du raisonnement, la justification de Dieu doit être portée sur un autre terrain, celui de la pratique ; en face de la logique, l'amour, l'enseignement des saints et leur exemple. Le frère de Zosime l'a expérimenté lui-même : l'homme qui a rempli son devoir, ou reconnu humblement sa faute, se trouve en communion avec toute la création et, à travers son harmonie, sa beauté et sa bonté, il découvre le lien qui l'unit au Créateur :« Aimez les hommes même dans le péché... car c'est le summum de l'amour sur terre.. l'humilité et l'amour sont une force terrible, la plus forte de toutes les forces... Chacun a le pouvoir d'aimer un jour, même le méchant... Bien des choses ici-bas nous sont cachées, en revanche il nous a été donné un trésor mystérieux : la sensation de notre relation à l'autre monde, le monde d'en-haut. Les racines de nos pensées et de nos sentiments ne sont pas ici, mais ailleurs. » C'est en progressant dans l'amour qu'on se convainc de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme. Le problème du mal n'est pas résolu, il est surmonté.
  • Dostoïevski, Pierre Pascal, éd. Desclée De Brouwer, coll. « Les écrivains devant Dieu », 1969, chap. VI : Le point d'arrivée - 4 : Les Frères Karamazov, p. 93


[...] c'est à partir de sa propre culture que chaque peuple va vers l'universel.


En disant cela, je n'oublie pas les critiques que Dostoïevski a formulées à propos de nos cours d'assises (dans le Journal d'un écrivain) : les avocats abusaient de l'éloquence [...] ; l'impulsion d'un instant pouvait l'emporter, chez les jurés, sur la responsabilité civique. Mais Dostoïevski, en esprit, avait, et de beaucoup anticipé sur notre réalité, et ce qu'il craignait N'ÉTAIT PAS ce qui était le plus à craindre.[...] Ailleurs, il écrit aussi : « Il vaut mieux se tromper dans la clémence que dans le châtiment. » Oh oui ! mille fois oui !
  • L'Archipel du goulag 1918 - 1956, essai d'investigation littéraire, Alexandre Soljenitsyne, éd. Éditions du Seuil, T1, première et deuxième parties, 1974, traduction Melle J. Lafond et MM. J. Johannet, R. Marichal, S. Oswald et N. Struve  (ISBN 978-2020021180), p. 211


L'amour, c'est le droit que l'on donne à l'autre de nous persécuter.


Signature de Dostoïevski.

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