Ernesto Sábato

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Borges et Sabato

Ernesto Sabato est un écrivain argentin né à Rojas, dans la province de Buenos Aires le 24 juin 1911 et mort à Buenos Aires, le 30 avril 2011.

Physicien, romancier, essayiste et critique littéraire, son œuvre d'inspiration mêle réalisme et métaphysique, et témoigne de la difficulté de vivre dans le monde moderne.

Il est également auteur d'essais sociopolitiques (Sartre contre Sartre, 1968).

Conversations à Buenos Aires, 1996[modifier]

Nous savons qu’on ne peut faire du grand art que dans un climat de liberté absolue. L’inverse est soumission, art conventionnel, donc faux. Et par conséquent il n’est pas utile à l’homme. Les rêves sont utiles parce qu’ils sont libres.
  • Conversations à Buenos Aires, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato, animées par Orlando Barone (trad. Michel Bibard), éd. Éditions du Rocher, coll. « Bibliothèques 10/18 », 2001, p. 36


SABATO : Il (Hölderlin) m’a toujours fasciné. Une fois il a dit que l’homme est un dieu quand il rêve et à peine un mendiant quand il pense. Et c’est vrai, le rêve de n’importe quel homme est l’œuvre d’un grand poète, et ce qu’il pense au réveil est bien souvent une ânerie. Cette phrase de Hölderlin définit sa position vis-à-vis de l’art, qui correspond plus à la nuit qu’au jour.

BORGES : Quand on rêve, la pensée prend des formes dramatiques. C’est ce que disait Dryden. La nuit, lorsque nous rêvons, nous sommes l’acteur, l’auteur, le spectateur et le théâtre. Nous sommes tout.

SABATO : Et l’artiste n’est-il pas cela ? Autant que celui qui rêve. Quelque part, dans sa correspondance, Flaubert dit qu’il s’est promené dans un bois par un beau jour d’automne, en sentant qu’il était l’homme et son amante, et les feuilles qu’il foulait, le vent et les mots qu’échangeaient les amoureux.
  • Conversations à Buenos Aires, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato, animées par Orlando Barone (trad. Michel Bibard), éd. Éditions du Rocher, coll. « Bibliothèques 10/18 », 2001, p. 94-95


L’âme, bien qu’incarnée et, par conséquent, obligée de suivre les vicissitudes de son corps, appartient à un ordre ontologique distinct : elle ne se trouve ni dans le l’espace ni dans le temps astronomique. Si par quelque procédé elle pouvait, même provisoirement, « sortir » du corps, alors elle se placerait en dehors de l’espace-temps. Il n’y aurait pour elle ni avant ni après. Or nous savons tous que pendant le sommeil il y a des gens qui voient ou sentent ce qui va arriver dans l’avenir. Cela peut s’expliquer si l’on admet que durant le sommeil l’âme a le pouvoir de s’échapper du corps. Libre de sa prison de chair et de temps, elle peut ainsi voyager à travers le ciel intemporel, où il n’y a ni avant ni après, et où les faits qui plus tard arriveront ou sembleront arriver à son propre corps abandonné sont là, éternisés comme des statues du bonheur ou de l’infortune. Donc, pour celui qui aura l’art de les interpréter, parce que ces visions ne sont pas toujours claires, les rêves ne sont pas seulement des vestiges du passé mais des images ou des symboles de l’avenir.
  • Conversations à Buenos Aires, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato, animées par Orlando Barone (trad. Michel Bibard), éd. Éditions du Rocher, coll. « Bibliothèques 10/18 », 2001, p. 138


SABATO : Quoi qu’il en soit, l’homme qui rêve est un grand poète et quand il se réveille il redevient un pauvre type. Généralement, tout au moins.
BORGES : Une personne qui rêve est à la fois le théâtre, l’acteur, l’auteur et le décor.
  • Conversations à Buenos Aires, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato, animées par Orlando Barone (trad. Michel Bibard), éd. Éditions du Rocher, coll. « Bibliothèques 10/18 », 2001, p. 174-175


[...] Cela prouve que le rêve permet de ne pas devenir fou dans la vie quotidienne. Je pense qu’il en est de même pour l’art, que l’art est pour la communauté ce que le rêve est pour l’individu. Peut-être l’art sert-il à sauver la communauté de la folie. Ce serait la grande mission de l’art.
  • Conversations à Buenos Aires, Jorge Luis Borges et Ernesto Sabato, animées par Orlando Barone (trad. Michel Bibard), éd. Éditions du Rocher, coll. « Bibliothèques 10/18 », 2001, p. 176


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