Charles Baudouin

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Charles Baudouin (Nancy, 1893 — Saconnex d'Arve, Genève, 1963), est un psychanalyste « hybride » disciple de Jung tout en restant très attaché à l'héritage freudien.

L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe, 1963[modifier]

Introduction[modifier]

[ Jung ] nous apprend dans ses Souvenirs que, désorienté par la privation du guide qu'avait été Freud, il traversa alors une période de tourments intérieurs où il connut l'angoisse d'avoir à faire face, seul, à ses démons. Rêves et « visions » le hantèrent ; il se crut un instant menacé par la psychose. Il aura désormais, par expérience personnelle, ce qu'il dit quand il parle du courage nécessaire à la « confrontation avec l'inconscient ».
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie Introduction, Maître (1913), p. 16


Idées directrices[modifier]

On se souvient que la psychologie de Janet est essentiellement énergétique, qu'elle caractérise les phénomènes de l'esprit par leur « force » et leur « tension ». De ce point de vue, la fonction du réel apparaît comme « supérieure », en ce sens qu'elle exige une quantité supérieure d'énergie pour être maintenue ; l'énergie venant à faiblir, il se produit un abaissement du niveau mental, et des phénomènes de moindre tension apparaissent. Jung a été très frappé par cette notion d' « abaissement du niveau mental », si l'on en juge par la fréquence avec laquelle, tout au long de sa carrière, il s'y référa.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. I. La rampe de lancement : 1900, Pierre Janet, p. 56


L'inconscient freudien, du moins à l'origine, c'est surtout ce que l'individu a refoulé. C'est donc du conscient rejeté, devenu inconscient par une sorte d'accident. Mieux encore, les refoulements essentiels étant ceux de l'enfance, cet inconscient est bien prêt de coïncider avec l'infantile : c'est, pourrait-on dire, l'enfant qui survit secrètement en nous [...].
Freud a fort bien admis ensuite l'existence d'éléments inconscients qui ne procèdent pas du refoulement — qui sont inconscients par nature. Mais c'est bien l'inconscient refoulé qui est au centre de ses recherches, qui a pour lui une signification pratique ; car l'analyse a essentiellement à ses yeux pour fonction de défaire des refoulements, de réparer des accidents.
L'attention de Jung va au contraire se porter avec prédilection sur ces autres éléments qui seraient inconscients par nature, et ainsi la perspective s'élargit singulièrement. Il se plaît à dire que ce serait étriquer fort l'inconscient que de le réduire à des miettes tombées de la table du conscient. Il est plus conforme à ce que nous savons d'admettre que la conscience est une acquisition tardive, et qu'elle a lentement émergé d'un inconscient primordial.
Tandis que l'inconscient refoulé de Freud a un caractère strictement individuel, puisqu'il procède du vécu infantile de chacun, l'inconscient primordial apparaît d'emblée à Jung comme « collectif » dans ses grandes lignes — collectif se définissant essentiellement ici comme : identique chez les divers individus.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. II. Les structures de l'inconscient — L'inconscient collectif, Structures de l'inconscient, p. 73


Lorsque Jung étudie les grandes œuvres artistiques, et notamment poétiques, il se plaît à revenir souvent aux exemples de Goethe, de Nietzsche, de Spitteler ; et c'est pour conclure qu'elles sont des prises de conscience anticipées et pour ainsi dire prophétiques d'idées et de mouvements qui sont, comme on dit, dans l'air du temps, c'est-à-dire qui germent et bouillonnent dans l'inconscient collectif de l'époque et qui sont près d'affleurer.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. II. Les structures de l'inconscient — L'inconscient collectif, Diverses conceptions de l'inconscient collectif, p. 79


[...] si l'état psychotique est celui où le moi conscient est submergé par l'inconscient collectif, cet accident sera d'autant plus à redouter que le moi est plus faible. Plus exactement, il s'agit d'un rapport de forces — comme celui de la vague et de la digue ; ce qui permet à Jung de suggérer une discrimination encore, qui pourrait être grosse de conséquences, entre deux sortes de schizophrénies : l'une où il faut incriminer la faiblesse du moi, l'autre qui procéderait d'une force exeptionnelle de l'inconscient.
[...] Il est des cas sévères, où il importe surtout de « fortifier le moi » [...]. Ce à quoi du moins il nous avertit de prendre garde, c'est à un moi apparemment fort parce qu'il est concentré, excessivement rationnel, obstiné ; cette raideur doit être suspecte ; elle risque de dissimuler en réalité un moi faible qui se tient par là sur la défensive ; c'est alors qu'on parle, trop facilement peut-être, de psychose latente ; mais c'est alors du moins qu'une effraction brusque des forces inconscientes peut déterminer bel et bien l'éclatement d'une psychose.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. II. Les structures de l'inconscient — L'inconscient collectif, Application à la psychiatre, p. 90


Depuis Freud, qui a salué lui aussi dans les grands poètes — Sophocle ou Shakespeare — ses maîtres et de grands connaisseurs avant lui de l'inconscient et singulièrement du complexe d'Œdipe, il existe une psychanalyse de l'art. [...] les études d'inspiration freudienne ont paru, à tort ou à raison, animées de la maligne pensée de réduire les grandes œuvres du génie humain à de magnifiques camouflages des accidents de la sexualité infantile de leurs auteurs, ce qui est tout de même un peu court. Jung ne conteste nullement, ni la légitimité de ces investigations, ni la validité de leurs résultats. Mais il s'oppose [...] au parti pris réductif. Il ne veut pas qu'on entende réduire la création d'art à l'incident infantile dont elle porte effectivement les traces.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. IV. Prométhé et Epiméthée, Psychologie et poésie, p. 135


Jung distingue, pour un auteur, deux manières de créer : la manière psychologique et la manière visionnaire. De la première, le roman dit psychologique, où les faits s'enchaînent selon des suites de mobiles compréhensibles, est l'exemple le plus simple. Dans la seconde, les images surgissent avec la violence impérieuse et l'apparente incohérence de certains rêves.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie I. Idées directrices, chap. IV. Prométhé et Epiméthée, Psychologie et poésie, p. 136


Discrimination[modifier]

[...] il y a une analogie étroite (une analogie d'attitude) entre les diverses manifestations d'une même fonction. Ainsi avons-nous été accoutumés par la clinique freudienne à voir le tabou d'un amour « incestueux » étendre son ombre, peu à peu, sur tout amour et sur la vie entière du sentiment, ou encore l'interdiction frappant de culpabilité les curiosités sexuelles s'étendre bientôt à d'autres curiosités pour bloquer enfin toute l'activité de l'intelligence.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. V. Les types et les fonctions, Fonctions et refoulement, p. 154


La théorie de Freud rattache les troubles nerveux à certains chocs, à certains traumatismes, c'est-à-dire à des cicatrices affectives, dont les principales se situeraient dans l'enfance. Cependant, Freud lui-même, pour rendre compte de l'action à retardement de ces chocs (puisque la maladie éclate en général longtemps après, au cours de l'âge adulte), a fait appel à une autre notion, celle de régression. A la suite d'accidents ultérieurs, la « libido », l'énergie affective de l'être, reflue ; refluant, elle rencontre les traces des chocs anciens, qui constituent pour elle des lieux de stagnation privilégiés ; c'est ainsi que ces traces se trouvent ravivées (qu'une peur d'enfance ressuscite en phobie ou en angoisse), et que la névrose éclate.
Au shéma de cette thèse, Jung ne prétend rien changer d'essentiel, mais il place l'accent autrement. Il est clair que l'attention de Freud est retenue avant tout par le traumatisme ; Jung considère la régression, et se demande en outre quel est l' accident dont elle procède. Il observe alors que cet accident est un conflit actuel.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VII. Les âges de la vie, Débat de l'infantile et de l'actuel, p. 192


L'un des résultats de la régression, c'est que l'énergie, en refluant dans les traces anciennes, n'est pas sans y apporter quelque modification ; c'est ainsi que le souvenir que le sujet garde des chocs anciens se complique de fantaisies actuelles, qui le rendent parfois méconnaissable ; pratiquement, bien des souvenirs d'enfance ne sont guère que des fantaisies de l'adulte, et voilà qui enlève aux événements traumatiques beaucoup de leur importance [...]. A Jung revient le mérite d'avoir insisté sur [cet] aspect.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VII. Les âges de la vie, Débat de l'infantile et de l'actuel, p. 193


[Le complexe] est un nœud d'énergie, nous dirions un réseau, à l'intérieur duquel la circulation de l'énergie rencontre une moindre résistance. Excité en un point, c'est toute l'énergie du réseau qui se précipite pour provoquer en ce point une réaction disproportionnée [...]. Cela permet de comprendre le caractère tellement exagéré et absurde qui marque certaines réactions complexuelles — notamment observables dans la conduite hystérique.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VIII. « L'énergétique de l'âme » : les pôles opposés, Le complexe au point de vue énergétique, p. 211


[ Jung ] ne pense pas qu'il soit légitime, ni même possible, de réduire [la libido], comme le voulait Freud, à l'énergie du seul instinct sexuel. Ici, comme sur d'autres points, c'est son expérience des psychoses qui paraît avoir alerté Jung et l'avoir conduit à prendre ses distances par rapport à Freud. Cette divergence s'exprime dès 1912, dans l'ouvrage capital Métamorphoses et symboles de la libido. Voici, à cet égard, une page particulièrement significative :
« Jadis, dans ma Psychologie de la démence précoce, je me suis tiré d'affaire en employant l'expression énergie psychique parce que ce qui disparaît est plus que le simple intérêt érotique.
Il manque une telle masse de fonction du réel que la perte doit englober des fonctions instinctives auxquelles on ne peut attribuer aucun caractère sexuel, car personne n'admettra que la réalité ne soit qu'une fonction sexuelle. »
C'est en dégageant le postulat énergétique qui y était implicitement contenu, que Jung arrive à considérer la libido comme l'énergie de tout instinct.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VIII. « L'énergétique de l'âme » : les pôles opposés, La libido et ses avatars, p. 213


Jung s'est convaincu, en fréquentant Alfred Adler, que différents instincts, et non pas le seul instinct sexuel, sont représentés dans chaque complexe. Si donc on regarde les complexes comme les relais entre l'instinct et l'esprit, il faut admettre qu'à ces relais, les forces instinctives se brassent, se disjoignent, s'enchevêtrent et se regroupent autrement, de telle sorte que les manifestations supérieures dérivées des complexes ne peuvent être nourries par un seul instinct, quel qu'il soit [...].
Jung élargit donc la libido au sens d'énergie psychologique, non sans se souvenir que cette énergie est, à l'origine, celle des instincts en général.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VIII. « L'énergétique de l'âme » : les pôles opposés, La libido et ses avatars, p. 214


Nous savons que l'énergie est là ; elle réside dans nos instincts, elle est accumulée et coincée dans nos complexes, d'autant plus coincée et bloquée que ceux-ci sont plus « autonomes ». Comment amènerons-nous cette énergie capricieuse ou, pour ainsi dire, butée, là où nous voulons qu'elle soit, à pied d'œuvre devant l'action que nous entendons accomplir ? Nous « voulons ». Et l'on est tenté de répondre, en effet, que c'est affaire de volonté. Et telle est bien, en vérité, la fonction de la volonté, chez l'adulte civilisé et normal.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VIII. « L'énergétique de l'âme » : les pôles opposés, Mobilisation de l'énergie, p. 216


Sur ce problème de la mobilisation de l'énergie, Jung nous présente des vues fort neuves et précieuses.
Elles procèdent notamment de sa connaissance des primitifs. Car la volonté est une acquisition tardive de la civilisation. A sa place, que trouvons-nous chez les primitifs ? La réponse est inattendue et d'autant plus éclairante : nous trouvons des rituels ; ce sont eux qui ont pour fonction de mobiliser l'énergie.
« La complication souvent énorme des cérémonies de ce genre montre ce qui est nécessaire pour détourner la libido de son cours naturel, l'habitude quotidienne, et la pousser à une activité inhabituelle. »

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie II. Discriminations, chap. VIII. « L'énergétique de l'âme » : les pôles opposés, Mobilisation de l'énergie, p. 216


Réalité de l'âme[modifier]

Wirklichkeit des Seele. Réalité de l'âme : le monde intérieur est un monde.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, p. 233


[...] il ne faut pas perdre de vue que si l'archétype a un aspect orienté « vers le bas », vers les processus biologiques — les instincts —, il a aussi « un aspect orienté vers le haut, vers le monde des images et des idées. »
  • Jolande Jacobi in Complexe, archétype, symbole, 1961.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, L'archétype et ses définitions, p. 242


[...] les archétypes [...] sont des constantes de l'imagination.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, Une notion complexe, p. 245


L' anima, comme tout archétype, entraîne avec elle une frange de mythe et de primitivité ; elle est prise dans des implications intimes, infantiles, sexuelles, qui font d'elle une notion psychanalytique au sens strict ; l'on peut dire à cet égard qu'elle a partie liée, d'une part, avec une image de la mère, d'autre part avec une idée ou un idéal de la femme, tels que chaque homme peut les concevoir.
[...] reconnaissant ensuite que l' anima, ainsi comprise et ainsi sexuée, est essentiellement une pièce de psychologie masculine, Jung éprouva le besoin de la doubler de son pendant en psychologie féminine, désignant celui-ci du terme d' animus.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, Exemples d'archétypes : anima, animus, p. 246


L'âme, telle que la conçoit spontanément la mentalité masculine, est une présence maternelle, une sorte de divinité féminine [...] ; elle baigne dans une atmosphère de sentiment ; tandis que l'esprit, conçu de même par la mentalité féminine, présente des traits virils, autoritaires et intellectuels. Une opposition des fonctions (sentiment et pensée) paraît donc venir compliquer la symétrie.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, Exemples d'archétypes : anima, animus, p. 247


[...] anima et animus, pour autant qu'ils plongent dans l'infantile et le primitif, qu'ils sont insuffisamment intégrés par le moi, infligent à celui-ci des perturbations qui ne sont pas identiques selon qu'elles proviennent de l'une ou de l'autre de ces « deux figures » :
« Un homme sous l'influence de l' anima est sujet à des humeurs inconsidérées, et une femme possédée par son animus voudra toujours avoir raison et émettra des opinions malencontreuses qui n'ont qu'une apparence de légitimité. »
Humeurs, en bref, qui auront tout le caractère de réactions d'une sentimentalité intempestive, enfantine, déconcertante ; opinions qui se présenteront comme un ergotage désagréable et grinçant.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. IX. Les archétypes, Exemples d'archétypes : anima, animus, p. 247


Pour nous en tenir à l'aspect psychologique, le mythe du héros, loin d'être aux yeux de Jung une fantaisie œdipienne pure et simple, marque bien plutôt selon lui une victoire sur l'Œdipe, donc une victoire sur soi-même. Le héros présente, à titre d'indices, certains traits du monstre, du dragon qu'il combat (la flamme dans les yeux, l'épée — analogue au dard — entre les dents). Ce que le héros combat dans le monstre, c'est moins le père ennemi, comme il semble au premier regard, que sa propre fixation à la mère [...]. De ce point de vue est étudié le sacrifice rituel du taureau, tel qu'il a lieu dans le culte de Mithra, reproduisant d'ailleurs l'acte même de Mithra qui attaque le taureau, comme tout héros attaque le monstre ; et par le fait de ce sacrifice on voit redoubler la fécondité de tout ; ce qui est délivré ainsi — comme le trésor de la vierge captive —, c'est la libido naguère enchaînée en vertu des fixations premières.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. X. Compréhension de la mythologie, Le mythe du héros, p. 264


Dans une exploration allant du dehors au-dedans, c'est naturellement la persona, cette façade sociale, que nous rencontrons d'abord [...].
« Chez un sujet aussi bien adapté au monde extérieur qu'à son monde intérieur, la persona est en quelque sorte une façade protectrice nécessaire, mais élastique, lui assurant un contact relativement naturel, régulier et aisé avec le monde extérieur. Mais elle peut aussi devenir un danger, précisément à cause de la fatalité avec laquelle elle permet à l'homme de dissimuler sa véritable nature derrière cette forme d'adaptation, devenue si coutumière. Alors elle se raidit, devient mécanique et se transforme en un véritable masque, sous lequel l'individu dépérit et finira par étouffer complètement. »

  • Jolande Jacobi, La Psychologie de C.G.Jung, 1950.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », La persona, p. 275


Passer de la persona au moi, c'est passer en somme du paraître à l'être.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Le moi, p. 278


[Le moi] est posé essentiellement en fonction de la conscience, dont il constitue le « centre ».
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Le moi, p. 278


« J'entends par moi un complexe de représentations formant, pour moi-même, le centre du champ conscienciel. »
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Le moi, p. 280


« Le moi est doté d'un pouvoir, d'une force créatrice, conquête tardive de l'humanité, que nous appelons volonté. »
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Le moi, p. 281


« Le moi est un complexe qui dispose d'énergie, qui est autonome et qui se sent libre. »
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Résolution de certaines ambiguïtés, p. 283


[...] le moi [...] s'oppose aux complexes, ces petits « empires dans son empire », comme il s'oppose aux instincts.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Résolution de certaines ambiguïtés, p. 284


Quels que soient les rapports étroits [...] du moi et de la conscience, nous savons assez que des éléments du moi peuvent tomber dans l'inconscient, en bref qu'il existe un inconscient personnel. C'est lui en somme que désigne essentiellement, dans un langage plus imagé, le terme d' ombre.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », L'ombre, p. 284


[L'ombre est] l'un des archétypes les plus accessibles à l'investigation — plus accessible que l' anima ou l' animus, qui, dans la règle, ne se manifestent qu'ensuite, et l'ombre une fois élucidée. Car [...] il y a un ordre dans cette investigation des « profondeurs » ; il y a des positions relatives, des distances, une topographie dans cette exploration que Jung a pris l'habitude de nommer le processus d'individuation, et qui conduit l'homme, à partir de sa persona qui n'est qu'un paraître, et de son moi qui n'est encore qu'une vue de son être, vers son être véritable. L'ombre serait [...] la première étape vers les profondeurs de l'inconscient. Elle se tient au seuil :
« Elle nous barre, avec la masse sombre du matériel d'expérience qui n'a jamais pu venir à la vie, la route des profondeurs créatrices de notre inconscient. »

  • Jolande Jacobi, La Psychologie de C.G.Jung, 1950.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », L'ombre, p. 285


L' anima et l' animus plongent plus avant dans l'inconscient, dont on a pu dire qu'ils sont la représentation même ; c'est si vrai que l'accès à ces figures n'est, dans la règle, possible qu'après l'exploration de l'ombre, comme si celle-ci obstruait le passage vers elles [...]. Mais la difficulté procède encore et peut-être surtout du caractère de ces images : il est dans leur nature d'être projetées sur des êtres du monde extérieur ; aussi n'est-ce guère par l'examen intérieur que nous saurons les découvrir d'abord ; nous les appréhendons plutôt à travers « le retrait de la projection ».
[...] la projection la plus courante de ces figures est celle qui a lieu dans l'exaltation amoureuse. Tout le halo d'illusion qui illumine alors un « objet » parfois trop évidemment médiocre procède de cette source.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Anima et animus, p. 290


« Il ne s'agit pas d'un sentiment d'autocomplaisance, de suffisance, mais d'une connaissance de soi. Lorsqu'on a découvert et rendu consciente en soi la partie de sexe opposé dans sa propre âme, on tient mieux en main ses émotions, ses affects. Cela équivaut en premier lieu à une réelle indépendance, bien qu'en même temps à la solitude, cette solitude de l'homme libre intérieurement, qu'aucune relation d'amour et d'amitié, qu'aucune association ne peut plus enchaîner, pour qui l'autre sexe n'a plus rien d'inquiétant ni de mystérieux, parce qu'il en a reconnu les traits essentiels dans les tréfonds de sa propre âme. Un tel individu ne pourra plus guère tomber amoureux ; il ne peut plus être éperdu, se perdre en un autre ; en revanche, il sera capable d'un « amour » d'autant plus profond, dans le sens d'un don conscient au toi. »
  • Jolande Jacobi, La Psychologie de C.G.Jung, 1950.
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Anima et animus, p. 291


Il y a lieu de se garder, dit [ Jung ], d'une confusion entre « prendre conscience » [...] et « devenir soi-même » [...]. En vertu de cette confusion « le moi tend à s'identifier au soi », ce qui n'aboutit qu'à un pur « égocentrisme ou auto-centrisme ».
Le soi vivant est autre chose :
« Le soi comprend en lui infiniment plus qu'un moi seulement, ainsi que la symbolique le démontre depuis les temps les plus anciens. Le soi, c'est l'autre ou les autres, et non pas seulement le moi. L'individuation n'exclut pas le monde, mais l'inclut. »

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XI. Le moi et ses « partenaires » : le « processus d'individuation », Le terme du processus : le soi, p. 298


« [...] pourquoi incitai-je mes malades, à un certain stade de leur développement, à s'exprimer par le pinceau, le crayon ou la plume ? Avant tout, pour déclencher en eux une action. »
Non content de parler ses images, le sujet désormais «les inscrit dans un acte du moi. »
« Ainsi, le pur phantasme se marie à un élément de réalité. C'est là une acquisition de valeur inestimable, c'est un germe d'indépendance, une transition vers la maturité psychologique. »
Dans les lignes qui suivent celles-ci, Jung précise tout le sens qu'il attache à ce terme : « maturité psychologique ». Il ne s'agit pour lui de rien de moins que du « processus d'individuation », du passage du moi au soi.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie III. « Réalité de l'âme », chap. XII. Originalité thérapeutique, Dessins et peintures, p. 314


Prolongements et dépassements[modifier]

« Il est bon que nous ayons en nous un appareil régulateur, notre psychisme spinal, et notre psychisme sympathique, susceptibles, à l'occasion, d'élever des protestations [...]. Lorsque je veux savoir si une vérité est bonne et salutaire, si c'est une vraie vérité, je me l'incorpore, je l'ingère, pour ainsi dire ; si elle me convient, si elle collabore harmonieusement au sein de mon organisme avec les autres éléments de mon psychisme, si je continue à bien fonctionner, à bien me porter et si rien en moi ne se révolte contre l'intruse, je me dis que c'est là une bonne vérité, qu'elle n'est pas vénéneuse, qu'elle ne me nuit pas. »
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie IV. Prolongements et dépassements, chap. XV. Perspectives philosophiques : Psychologie et religion, Philosophie, santé, sagesse, p. 398


[...] l'humanisme de Jung est profondément personnaliste. L'homme au sens plein, c'est le soi ; il ne se dégage qu'au terme, chez chacun, du « processus d'individuation ». Rien, en revanche, ne constitue pour lui une plus lourde menace que le pouvoir croissant des masses, la « massification » dont le monde moderne nous donne le spectacle, et contre laquelle Jung, dans un ouvrage qu'on a dit testamentaire — Présent et Avenir —, a tenu à nous alerter en termes pathétiques. Au reste, les conflits de masse eux-mêmes, la formation de blocs antagonistes gigantesques, ne sont que la projection au dehors d'une scission non résolue au sein de l'être individuel qui, inconscient de son ombre, la voit projetée dans le bloc adverse, ce bouc émissaire. On ne saurait trop redire que le seul remède est dans la consigne socratique de la « compréhension de soi-même ».
  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie IV. Prolongements et dépassements, chap. XV. Perspectives philosophiques : Psychologie et religion, Humanisme et personnalisme, p. 401


Conclusion[modifier]

Nous disions un jour familièrement que le psychisme apparaissait alors un peu comme « une boule de pulsions » et cet écheveau, ou ce hérisson, résistait à la prise d'un intellect épris d'ordonnance. A l'époque dont nous parlons, il apparut à Freud qu'il devenait possible [...] de structurer davantage cette masse, de voir s'y dessiner des lignes maîtresses, de distinguer en elle des groupements de forces aux directions définies, des synergies, une hiérarchie peut-être, qui permettrait d'organiser ce donné. Ainsi apparurent les instances.
[...] c'est au même besoin de structurer une materia prima, d'y pratiquer des discriminations, que répond chez [ Jung ] l'introduction de notions telles que la persona, l' anima, le soi — que nous conviendrons d'appeler les instances jungiennes.

  • L'Œuvre de Jung et la psychologie complexe (1963), Charles Baudouin, éd. Payot & Rivages, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2002  (ISBN 2-228-89570-9), partie Conclusion : Freud, Junget la psychologie des instances, Le tournant des années 1920 et l'introduction des « instances », p. 466


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