Carl Schmitt

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Carl Schmitt (1904)

Carl Schmitt, né en 1888 à Plettenberg, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et mort en 1985 à Plettenberg, était un partisan nazi, juriste, philosophe et professeur allemand.


La Notion de politique (Der Begriff des Politischen), 1927[modifier]

La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c'est la discrimination de l'ami et de l'ennemi. Elle fournit un principe d'identification qui a valeur de critère, et non une définition exhaustive ou compréhensive.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, II. La distinction ami-ennemi, critère du politique, p. 64


L'ennemi politique ne sera pas nécessairement mauvais dans l'ordre de la moralité ou laid dans l'ordre esthétique, il ne jouera pas nécessairement le rôle d'un concurrent au niveau de l'économie, il pourra même, à l'occasion, paraître avantageux de faire affaire avec lui. Il se trouve simplement qu'il est l'autre, l'étranger, et il suffit pour définir sa nature, qu'il soit, dans son existence même et en un sens particulièrement fort, cet être autre, étranger et tel qu'à la limite des conflits avec lui soient possibles qui ne sauraient être résolus ni par un ensemble de normes générales établies à l'avance, ni par la sentence d'un tiers, réputé non concerné et impartial. [...] Au niveau de la réalité psychologique, il advient facilement que l'ennemi soit traîté comme s'il était mauvais ou laid, pour la raison que toute discrimination, toute délimitation de groupe utilise à l'appui toutes les autres oppositions exploitables ; et la discrimination politique, qui est la plus nette et la plus forte de toutes, use naturellement de ce procédé plus que toutes les autres.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, II. La distinction ami-ennemi, critère du politique, p. 64-65


Quand la volonté d'empêcher la guerre est telle qu'elle ne craint pas la guerre elle-même, c'est que cette volonté est devenue un mobile politique, ce qui revient à dire qu'elle admet la guerre, encore qu'à titre d'éventualité extrême, et qu'elle admet même le sens de la guerre. Il y a là, semble-t-il, un procéde de justification des guerres particulièrement fécond de nos jours. Dans ce cas les guerres se déroulent, chacune à son tour, sous forme de toute dernière des guerres que se livrent l'humanité. Des guerres de ce type se distinguent fatalement par leur violence et leur inhumanité pour cette raison que, transcendant le politique, il est nécessaire qu'elles discréditent aussi l'ennemi dans les catégories morales et autres pour en faire un monstre inhumain, qu'il ne suffit pas de repousser mais qui doit être anéanti définitivement au lieu d'être simplement cet ennemi qu'il faut remettre à sa place, reconduire à l'intérieur de ses frontières. Le fait que ces guerres soient possibles démontre de façon particulièrement nette que l'éventualité effective d'une guerre subsiste encore à notre époque, et seule cette constatation importe au regard de la discrimination ami-ennemi et de l'identification du politique.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, III. La guerre, phénomène d'hostilité, p. 75


D'autre part, ce serait une erreur de croire qu'un peuple pourrait à lui seul faire disparaître la discrimination ami-ennemi en déclarant son amitié au monde entier ou en procédant volontairement à son propre désarmement. Le monde ne sera pas dépolitisé de cette manière, il n'y régnera pas pour autant la moralité pure, le droit pur ou l'économie pure. Quand un peuple craint les tracas et les risques d'une existence politique, il se trouve tout simplement un autre peuple qui le décharge de ces tracas en assumant sa protection contre les ennemis extérieurs et par conséquent la souveraineté politique ; c'est alors le protecteur qui désigne l'ennemi en vertu de la corrélation constante entre protection et obéissance. [...] Quand, au sein d'un état, des partis organisés sont en mesure de fournir à leurs adhérents une protection plus grande que celle de l'État, l'État devient au mieux une annexe de ces partis et le citoyen pris individuellement a compris à qui il lui faut obéir.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, V. La décision de la guerre et la désignation de l'ennemi, p. 93-94


Quand un état combat son ennemi politique au nom de l'humanité, ce n'est pas une guerre de l'humanité mais bien plutôt une de celles où un état donné affrontant l'adversaire cherche à accaparer un concept universel pour s'identifier à celui-ci (aux dépens de l'adversaire), comme on abuse d'autre part de la paix, de la justice, du progrès et de la civilisation en les revendiquant pour soi tout en les déniant à l'ennemi. Le concept d'humanité est un instrument idéologique particulièrement utile aux expansions impérialistes, et sous sa forme éthique et humanitaire, il est un véhicule spécifique de l'impérialisme économique. On peut appliquer à ce cas, avec la modification qui s'impose, un mot de Proudhon : « Qui dit humanité veut tromper. »
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, VI. Le monde n'est pas une unité politique, il est un pluriversum politique, p. 96


L'idée d'une Société des Nations (Völkerbund) a été une notion claire et précise tant qu'une alliance des nations put être opposée comme concept polémique à une alliance des princes (Fürstenbund). Telle est, en effet, l'origine du mot allemand Völkerbund au XVIIème siècle. Cette signification polémique disparait avec le déclin politique de la monarchie. Une alliance des nations pourrait être d'autre part l'instrument idéologique de l'impérialisme d'un État ou d'une coalition d'États dirigé contre d'autres États. Dans ce cas, on peut lui appliquer tout ce qui vient d'être dit de l'exploitation politique du mot humanité.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie La notion de politique, VI. Le monde n'est pas une unité politique, il est un pluriversum politique, p. 97-98


La technique n'est jamais qu'un instrument et une arme, et du fait même qu'elle est au service de chacun, elle ne saurait être neutre. L'immanence du technique ne commande nul choix de l'homme ou de l'esprit, le choix de la neutralité moins que tout autre. N'importe quel type de civilisation, tout peuple et toute religion, toute guerre et toute paix peuvent utiliser l'arme de la technique. L'amélioration progressive des instruments et des armes ne fait qu'accroître la probabilité de leur utilisation effective.
  • La notion de politique et Théorie du partisan (1927), Carl Schmitt (trad. Marie-Louise Steinhauser), éd. Flammarion, coll. « Champs classiques », 1992  (ISBN 978-2-0812-2873-3), partie L'ère des neutralisations et des dépolitisations, p. 145-146


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